Thierry Corbarieu, l’ultra-trailer qui défie l’Atlantique à la rame

29/04/2024

Voilà une vingtaine d’années que Thierry Corbarieu court marathons ou ultra-trails dans les milieux les plus hostiles. Cet aventurier de l’extrême prévoit d’effectuer le tour du monde en aviron et à vélo avec son fils, en 2025. Avec un défi audacieux pour ce coureur de fond : la traversée de l’Atlantique à la force des bras, entre les Canaries et la Guadeloupe. Il nous présente ce projet un peu fou, qui devrait mettre les nerfs et la résistance des deux aventuriers à rude épreuve.

Thierry CorbarieuLe tour du monde en vélo et à la rame : un nouveau défi pour Thierry Corbarieu, habitué aux ultra-trails en milieux extrêmes, désertiques ou polaires.

Vous êtes l’un des rares Français à avoir participé à plusieurs courses extrêmes en milieu polaire. Pouvez-vous nous en parler ?

J’ai couru l’an dernier 1 600 km au total sur cette catégorie sportive extrême, en plein hiver. Ce qui accentue la difficulté, c’est la neige. Pour le Lapland Artic Ultra par exemple, je vais courir pendant 500 kilomètres en Laponie dans des conditions hivernales, avec beaucoup de neige sur le parcours, en tirant un traîneau de 16 kilos(1). Sur de telles courses, je ne dors qu’une heure et demie à trois heures par nuit. Au-delà de l’endurance et de l’effort physique, ce type d’épreuve fait appel à d’autres qualités, comme le choix du matériel, l’adaptation au milieu naturel, le sens de l’orientation etc. C’est pourquoi je me considère aujourd’hui davantage comme un aventurier que comme un sportif.


Pouvez-vous nous présenter votre projet de Tour du monde en 2025 ?

C’est le projet d’une vie ! Je prévois d’effectuer ce tour du monde à vélo et à la rame pendant 9 mois, sur 25 000 km au total. Je partagerai pour la première fois cette aventure avec mon fils Yan, âgé de 19 ans. L’objectif est de partir le 8 novembre de la place du Capitole à Toulouse à vélo, jusqu’en Espagne. Le plus gros morceau de ce périple sera la traversée de l’Atlantique à la rame avec mon fils, en direction de la Guadeloupe, soit 5 000 à 6 000 km. Peut-être arriverons-nous à battre Patrick Favre, qui a réussi la traversée en duo sur le même itinéraire en 53 jours…(2)

Le projet comporte une dimension éducative et humanitaire : nous avons plusieurs projets avec des écoles et nous tenterons de collecter de l’argent pour l’association « KO la Muco », qui permet à des malades atteints de mucoviscidose de réaliser leurs rêves.


Pourquoi avoir choisi l’aviron pour traverser l’Atlantique ?

J’ai toujours beaucoup aimé la mer et la plaisance. Cette traversée à la rame sera une première pour moi ! J’ai opté pour l’aviron car j’ai été très marqué par un documentaire consacré aux exploits de Gérard D’Aboville, un des pionniers des traversées océaniques (Atlantique et Pacifique) en solitaire à la rame. Nous serons deux à bord, avec mon fils. C’est un sacré défi, car une fois qu’on est engagés dans l’aventure, on ne peut plus faire demi-tour !


En combien de temps prévoyez-vous d’effectuer la traversée de l’Atlantique à la rame ?

Nous prévoyons d’effectuer cette traversée en 50 à 70 jours. Nous nous relaierons pour ramer toutes les 2 heures en journée et toutes les 4 heures la nuit. Nous irons chercher le courant favorable du Gulf Stream et une ancre flottante nous évitera de reculer en cas de vents contraires. Notre vitesse devrait être de 5 km/h en moyenne.

Thierry Corbarieu et son fils Yan à véloThierry Corbarieu et son fils Yan.


Quel type de bateau allez-vous utiliser pour cette traversée ?

J’ai choisi un bateau de marque Rannoch 7,32 mètres utilisé pour la World’s Toughest Row, une course d’aviron à travers l’Atlantique ou le Pacifique. Il s’agit de l’Adventure R25 Solo, avec un seul poste de rames, que j’ai acheté à Karen Weekes, une Irlandaise qui a traversé l’Atlantique à la rame en 2021. J’ai eu beaucoup de mal à le faire immatriculer, car ce n’est pas une embarcation classique… Cela m’a pris plus d’un an ! Il a fallu solliciter le fabricant britannique, pour qu’il se fasse identifier auprès des autorités françaises et j’ai dû faire appel à une entreprise spécialisée dans l’immatriculation de bateaux.


Vous serez livrés à vous-mêmes pendant cette traversée ?

En effet, nous n’aurons aucune assistance sur l’eau en cas de problème, avec une réserve de nourriture (des repas lyophilisés) de 85 jours maximum. Nous emportons un stock de vivres limité car nous sommes contraints par le poids du bateau. Nous nous attendons à des moments difficiles, notamment au départ où la hauteur des vagues peut être importante à cette saison. Et avec les efforts fournis pour ramer, je m’attends à ce que nous perdions au moins une dizaine de kilos. Nous avons un Radar Iridium Thales pour communiquer avec l’extérieur. Nous échangerons avec des écoles, diffuserons régulièrement des images, des vidéos sur les réseaux sociaux.

Thierry Corbarieu et son fils Yan devant leur bateau

Serez-vous néanmoins accompagnés par une équipe, à distance ?

Nous serons assistés à distance par un routeur habitué à guider les bateaux pour les régates, ainsi que trois routeurs de Météo France pour trouver les itinéraires optimaux ou assurer la communication, une équipe de kinés, des médecins. Tous seront disponibles en permanence en cas de besoin. En Alaska, par exemple, j’ai dû appeler en pleine nuit mon médecin d’assistance parce que j’avais les deux paupières brûlées. Au total, nous serons accompagnés par quarante personnes.


Comment vous procurerez-vous l’eau potable ?

Nous aurons un dessalinisateur d’eau de mer à bord alimenté par 2 batteries de 100 AH, des panneaux solaires et peut-être une éolienne. Nous avons une pompe de secours manuelle, en cas d’avarie.


Et côté sécurité ?

Nous aurons à bord un AIS (Système Automatique d’Identification), un système de sécurité qui nous avertira en cas d’approche d’un gros bateau et qui permettra de signaler notre position et notre identité. Nous disposerons aussi de tous les équipements de sécurité présents sur les bateaux classiques : un radeau de survie (car notre embarcation n’est pas insubmersible), des lumières rouges et vertes pour la nuit (obligatoires), un système de pilotage automatique, une boussole électronique avec GPS.

Thierry Corbarieu et son fils Yan devant le Adventure R25 Solo

Quels dangers redoutez-vous le plus, au large ?

Il faudra que nous plongions régulièrement sous la coque pour la nettoyer des coquillages et autres, et on ne sait jamais quel type de poisson, de squale ou de cétacé on peut croiser. Certains rameurs ont eu la mauvaise surprise de voir leur coque perforée par un espadon !


Quel est votre programme d’entraînement ?

Les entraînements sont prévus à partir du mois d’avril à Gruissan, près de Narbonne, avec la possibilité de s’entraîner sur l’étang de Bages lorsque la houle est trop forte en mer. J’ai prévu de faire 150 à 200 heures de navigation. Nous envisageons de faire une traversée à la rame jusqu’en Corse.


Comment allez-vous financer cette aventure ?

Le budget total du projet est de 170 000 euros, dont 65 000 euros ont été consacrés à l’achat du bateau. Nous prévoyons également 20 000 euros pour la réalisation d’un film sur notre aventure, qu’on espère vendre à une plateforme. Plusieurs entreprises du BTP, secteur que je connais bien professionnellement, ont déjà accepté de nous soutenir. L’équipementier Cimalp va également réaliser des vêtements techniques spécialement conçus pour notre traversée. Je démarche actuellement d’autres partenaires, notamment dans le secteur de la course à pied.


(1) Le Montane Lapland Arctic Ultra est un événement qui se déroule au nord de la Suède. Il s’agit d’une épreuve d’ultra-endurance en Laponie suédoise de 500 km, avec 5 000 m de dénivelé positif. L’itinéraire traverse deux fois le cercle polaire arctique, sur des terrains sauvages, dans des conditions très rigoureuses.

(2) Patrick Favre a effectué 10 traversées de l’Atlantique à la rame, à raison d’une tous les deux ans.

Le projet de tour du monde de Thierry Corbarieu et son fils

carte du projet de Thierry Corbarieu
  1. Trajet Toulouse - Cadix (Espagne) à vélo > 1300 km en 9 étapes.
  2.  
  3. Traversée de l’Atlantique à la rame - Seuls et sans assistance, entre El Hierro (Canaries/Espagne) et Guadeloupe > 6 000 km de navigation ; 50 à 70 jours (durée estimée).
  4.  
  5. Traversée des États-Unis d’Est en Ouest à vélo, de Miami à Seattle (en hiver), avec assistance > 7 000 km, 40 jours (durée estimée).
  6.  
  7. Trajet à vélo tout-terrain (Gravel) sans assistance : Mongolie, Chine, steppes du Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, traversée des montagnes iraniennes pour rejoindre la Turquie, Bulgarie, Monténégro, Croatie, Italie, France > 13 000 km.

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Visuels : © Thierry Corbarieu