Interview de Patrick Peter : Le Mans Classic

10/08/2022

Bien connu du grand public, le Mans Classic, rétrospective d’automobile de compétition organisée tous les 2 ans, a vu son édition 2022 se dérouler du 30 juin au 3 juillet sur le circuit des 24 Heures du Mans. Depuis sa création en 2002, l’évènement est devenu un incontournable dans l’univers de la Collection.

On reçoit aujourd’hui l’une des personnalités françaises les plus influentes de l’automobile, Patrick Peter, co-fondateur et Directeur Général de la société Peter Auto.


Bonjour Patrick Peter, merci d’avoir accepté de nous consacrer de votre temps pour cette interview dédiée à la passion de la Collection à travers l’évènement du Mans Classic. Tout d’abord, commençons par vous présenter. Dans le milieu de la Collection, on vous surnomme « le Père des grands rassemblements de voitures anciennes » et pourtant, vous restez quelqu’un d’assez discret. Pouvez-vous nous dire qui est Patrick Peter ?

Je suis, avec ma femme, le créateur du Groupe Peter, un groupe créé à la fin des années 70’, et qui au départ était une agence relations presse, spécialisée dans le domaine de la mode et des produits de luxe.

Dès 1983, on a commencé à faire des évènements automobiles, avec l’évènement « Les Coupes de l’Age d’Or » à Montlhéry, qui est devenu « le Grand Prix de l’Age d’Or Lanvin », à la fin des années 80, le 2e plus grand évènement européen de voitures anciennes. Il faut bien sûr remettre dans le contexte le fait qu’à l’époque il existait peu de rendez-vous importants en automobile : il n’y avait que le Oldtimer Grand Prix sur le circuit du Nürbürgring, et celui de Montlhéry. A ce moment-là, on intervenait seulement en tant qu’agence sur l’organisation, et on a voulu accélérer notre implication dans ce type d’évènements.

C’est à partir de là qu’on a créé Peter Auto à la fin des années 80’. On a d’abord lancé le « Tour Auto » et un championnat automobile moderne appelé « le BPR », qui a connu un grand succès dans le monde entier dans les années 90’. Puis on a enchaîné les grandes étapes avec la création de l’ACO du « Mans Classic » en 2002 et du « Mans Series » en 2004 qui est devenu le championnat du monde d’endurance. Depuis 2012, on s’est focalisé uniquement sur des évènements historiques, avec la création notamment de « Chantilly Arts et Elégance » en 2014, et plus récemment, on a ajouté le « Rallye des Princesses » à notre activité. Un évènement exclusivement dédié aux femmes.

On a aussi développé des évènements sur circuits : chaque année on organise le « SPA Classic »en Belgique, le « Grand Prix de l’Age d’Or » à Dijon, les « Dix Mille Tours du Castellet », et diverses épreuves également en Italie, au Portugal, etc. Il y a aussi le « Rallye des Légendes » qu’on organise en France ou à l’étranger.

Au total, on organise une douzaine d’évènements par an. Le plus gros, c’est le « Mans Classic », organisé tous les 2 ans. Le « Mans Classic », cela représente 750 voitures en course, 8500 véhicules de Club réunis par marque, et pas moins de 200.000 spectateurs.

Il y aura exceptionnellement 2 évènements consécutifs du « Mans Classic » en 2022 et 2023. En 2022, l’édition initiale de l’évènement et en 2023 une version inédite du « Mans Classic » qui nous permettra de célébrer le centenaire des 24 Heures du Mans.


Alors justement après 4 ans d’absence, le Mans Classic revient du 30 juin au 3 juillet 2022, pour sa 10e édition et son 20e anniversaire. Un retour très attendu du grand public, qui vous contraint d’ailleurs à refuser des participants. Pour ces retrouvailles avec vos passionnés, prévoyez-vous des nouveautés ?

On part du principe que dans un évènement, il faut toujours des nouveautés. Le public vient et revient sur un évènement pour découvrir de nouvelles choses. S’il n’y a pas de nouveautés, il n’y a pas de croissance car le public ne revient pas.

Le « Mans Classic » en est une belle preuve. On a commencé l’évènement en 2002 avec 300 voitures de courses et un public de tout juste 30 000 personnes. Le nombre de spectateurs n’a cessé d’augmenter depuis la création de l’évènement, jusqu’à atteindre un record d’affluence de 200 000 personnes sur la dernière édition en 2018.

Ce succès est donc bien évidemment dû à nos nouveautés et à notre programmation riche et variée. On retrouve dans cet évènement des courses, des ventes aux enchères en partenariat avec ArtCurial, ou encore un évènement appelé « Little Big Mans » qui accueille des enfants de 7 à 12 ans pour faire un tour de parade sur le petit circuit Bugatti avec des voitures spécialement adaptées pour eux.

On fait également des Drive-in avec des projections de films les vendredis soir et samedis soir. Il ne s’agit pas forcément de films de courses mais plutôt des films dans lequel l’automobile a une place particulière.

On organise également tous les ans des évènements où l’on célèbre certaines marques ou certains modèles en fonction des anniversaires ou des grandes dates marquantes. Cette année par exemple, nous prévoyons des expositions spécifiques sur les 70 ans de la victoire de Mercedes ou encore sur la marque Alfa Roméo.

On se renouvelle chaque année, y compris dans les animations, non seulement pour faire revenir le public de passionnés mais aussi pour attirer un public encore plus large. Pour ça, on propose par exemple un dress-code aux visiteurs, en leur proposant de venir avec des vêtements d’époque (cette coutume fonctionne certes mieux en Angleterre qu’en France… [rires]).

Autre chose, pour retenir le public lors des courses de nuit, on met en place une piste de danse et on fait venir des orchestres, pour que chacun y trouve son compte. On essaie donc de cultiver nos innovations pour fidéliser notre clientèle mais également attirer toujours plus de spectateurs.

Pour 2022, la parade des voitures GT et Proto de la période 1993-2010 va devenir une course pour répondre à la demande des spectateurs les plus jeunes.


Avec un contexte international compliqué (Brexit, Covid, guerre en Ukraine), qu’en est-il de votre clientèle étrangère ?

La population internationale a toujours effectivement représenté une parte significative de notre public. Depuis quelques années, on ressent des changements. Prenons par exemple le cas du Covid. Après 2 ans de pandémie, on sent que les gens ont besoin de vivre, de bouger, de se faire plaisir et de retrouver des évènements.

En 2021, sur l’évènement du « Tour Auto », on a reçu des équipages à 99% franco-français. En revanche, pour l’édition 2022, on est déjà en croissance importante de ventes, et on attend par ailleurs plusieurs équipages étrangers (argentins, américains, etc). Mais pour autant, cela dépend des régions. Il y a encore des pays où c’est difficile de faire venir le public, comme le Japon, la Chine, Hong Kong, etc.


Vous parlez de la Chine et du Japon, diriez-vous que le public asiatique est féru de voitures de collection ?

Disons que cela dépend des pays. En Chine, il n’y a pas de culture des anciennes. Le vélo avait une place prépondérante et les déplacements se faisaient exclusivement en deux-roues il y a encore quelques années, ils ne connaissent donc pas les voitures anciennes. Les voitures modernes un peu plus, on a d’ailleurs été les premiers organisateurs de courses de voitures modernes en Chine populaire.

Cependant au Japon, on a organisé 2 éditions du « Mans Classic » en 2005 et 2007, qui ont notamment attiré un public japonais déjà collectionneur, et leur a permis de découvrir le « Mans Français ». Mais ce genre d’évènements reste tout de même assez difficile à exporter dans cette région du monde.


Si les évènements de véhicules de collection n’ont pas la côte en Asie, on peut dire que le phénomène prend de l’ampleur en Europe, et notamment en France. Comment expliquez-vous cette attraction grandissante des anciennes chez le public français, et notamment les jeunes ?

Vous savez, je pense que le phénomène de « l’ancien » est à prendre dans sa globalité, il ne concerne pas seulement l’automobile. La mode rétro est en plein boom, le design des années 60’ – 70’ revient sur le devant de la scène, et on a même une radio comme Nostalgie qui connaît un succès considérable, ce qui est assez significatif.

En parallèle, au niveau de l’automobile, il y a sans doute des phénomènes particuliers qui viennent attiser cette mode de l’ancien. Aujourd’hui, les voitures sont de plus en plus aseptisées, nos terrains de jeu sont limités avec un code de la route de plus en plus durci. Je crois qu’il y a une accumulation de faits qui font qu’on ne peut plus se faire plaisir avec une voiture moderne comme on le faisait il y a à peine 40 ans. Et c’est donc au travers de ces voitures d’époque que les gens viennent retrouver le plaisir de conduire. A 90 km/heure en anciennes, on a l’impression de rouler plus vite qu’à 110 km/heure en voitures modernes. Et comme on ne peut plus rouler vite, on a une aussi une façon de voyager qui est un peu différente. Aujourd’hui, pour un long trajet, on fait des étapes, on prend des petites routes, on redécouvre les routes secondaires, etc. C’est un mode de vie qui fonctionne bien avec les voitures anciennes.

Ensuite, les anciennes ont aussi le pouvoir de rapprocher les différentes générations. On le voit bien dans les rallyes qu’on organise, il y a beaucoup de duos familiaux intergénérationnels, type père et fils ou grand-père et fille. C’est une occasion de se retrouver en famille et de partager une expérience.


Et par rapport aux évolutions sociétales actuelles qui s’orientent vers une consommation plus verte, plus responsable, pensez-vous que cela soit compatible ?

Je pense que les voitures anciennes ne toucheront jamais toute une population, mais cela n’est de toute façon pas le but. Les français ont certes un engouement certain pour la Collection, mais si on prend la valeur moyenne de tout le parc des voitures anciennes en France, ce n’est pas non plus si effrayant, cela reste une proportion limitée.

Effectivement il y a un vrai souci, on trouve aujourd’hui que les véhicules de collection ne sont pas suffisamment « verts ». Pour autant, cela fait 10 ans qu’on entend certains experts dire que l’on va droit dans le mur avec l’électrique… Alors, la filière met évidemment en place des actions pour continuer à faire vivre les véhicules d’époque, je pense notamment à la FFVE qui obtient des exceptions aux anciennes dans les zones à faibles émissions (ZFE), etc.

Mais on met également en place des actions qui vont dans le sens de l’écologie, je peux même dire qu’on est en train de devenir « verts ». On a beaucoup avancé sur les carburants de synthèse, dont l’émission carbone est proche de zéro. C’est d’ailleurs une de nos nouveautés au « Mans Classic », on va en tester cette année sur une demi-douzaine de véhicules qui vont rouler, tout en communiquant sur le thème « nous testons vos carburants de demain ». Et c’est quelque chose qu’on prévoit de faire systématiquement avant 2030.

Mais au-delà de ça, je reste très optimiste sur la pérennité des voitures anciennes. C’est un peu comme l’exemple des bateaux à voiles. Dans les années 1800, il fallait un bateau à voile pour faire un Paris / New-York. Aujourd’hui, ce n'est plus nécessaire et pourtant… on n’a jamais vu autant de bateaux à voile dans les ports !


En parlant de plaisance, nous avons cru comprendre que les bateaux à voile étaient votre premier amour. Sans travailler pour ce secteur, comment vivez-vous cette passion au quotidien ?

Ça fait bien longtemps que je ne vis plus de cette passion au quotidien, tout simplement parce que je n’ai plus le temps.

Par contre, mon ami et partenaire Richard Mille (avec qui j’ai organisé, le « Mans Classic », « Chantilly Arts et Elégance » ou encore « Le Rallye des Légendes »), vient de se lancer dans la voile classique, au travers de l’évènement « Richard Mille Fife Regatta » qui aura lieu en Ecosse en juin 2022. Le Groupe Peter va d’ailleurs gérer une partie de l’organisation. On prévoit également de beaux projets plaisance en 2023, où on va monter un évènement avec de très beaux bateaux, de grandes régates du début du 20e siècle, qui sont des bateaux de 30 mètres très élégants. Mais je ne peux pas encore vous en dire plus, affaire à suivre…

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