3500 km autour de la France… Félicie aussi !
Publié le 18/05/2020• Par Igor Biétry
Igor Biétry, vous propose de revenir sur un périple de 3500 km, au volant d’une Peugeot 202 de 1938... Après avoir œuvré pendant près de 15 ans à la rédaction de La Vie de l’Auto, imaginé et présenté l’émission « La Balade d’Igor » pour Motorsport TV, le speaker des plus grands évènements de l’automobile de collection.
La petite Peugeot 202 avait une bonne bouille avec ses deux yeux rapprochés sous la grille de calandre. Ses deux tons de rouge lui donnaient un air de voiture de cirque mais pour quatre clowns n’était-ce pas parfaitement à propos ! Jean-Claude Amilhat, le grand escogriffe de la ville rose, à qui je m’étais ouvert de vouloir la repeindre en noir comme elles l’étaient à peu près toutes avant la guerre, m’avait aussitôt dissuadé. Pour l’image, ce serait bien plus sympathique qu’elle soit bi-ton.
À peine remis de notre aventure sur le circuit de Linas-Montlhéry avec la Juvaquatre, mon compère toulousain et moi avions eu la joie de voir qu’un catalogue de septembre 1938 émanant de chez Peugeot indiquait que chez eux on réalisait des records avec de « vraies voitures de série », sous-entendu, pas avec des prototypes camouflés sous des traits de familiales ! Bref, Peugeot dénonçait clairement, cinq mois après le record de la Renault à Montlhéry, qu’il y avait eu tromperie sur la marchandise ! Il faut bien reconnaître que nous-même n’avions pas compris comment une petite voiture comme la nôtre pouvait prétendre tenir 107,820 km/heure de moyenne sur 50 heures, quand nous étions à tout rompre… à 95 en vitesse de pointe en rentrant les coudes et les oreilles !
Puisque Renault s’était joué de nous, nous passions ipso facto chez Peugeot ! Cochon qui s’en dédit ! Comme il n’y a pas de hasard dans la vie, une charmante 202 de 1938 m’attendait à Saintes soit à 20 km de chez moi ! Tomber sur cette voiture-là, tenait de la baraka. La voiture était roulante sans aucun problème mais était : « stressante à conduire sur de longs parcours » m’indiquait son propriétaire. Puisque de toute façon la brillante équipe qui avait fait rouler la Juva à Montlhéry rejouait de nouveau, nous allions la refaire aux petits oignons.
Vendue, craché, me voilà parti au volant de la petite Peugeot. Le fait est que rouler avec cette merveilleuse 202 n’était pas de tout repos… Elle tenait bien la route, enfin toute la route et anticiper sur les actions du volant tenait de la survie. Bref, 20 km de suée et nous étions à bon port à notre atelier. Au démontage, la voiture avouait une fusée de roue avant droite cassée et donc une roue prête à se faire la malle sans autre forme de procès. Un bras de suspension gauche cassé lui aussi et pour finir un boîtier de direction qui ne tenait quasiment plus sur la traverse avant, me transformait en un miraculé… Tu m’étonnes qu’elle était stressante à conduire !! La baraka, je vous dis !
Cette fois-ci, comme l’avait fait Peugeot à l’époque, le jeu consisterait à faire un parcours routier et non pas à tourner en rond sur l’ovale parisien de Montlhéry. À l’époque, la Peugeot avait couvert 7848 km mais faisait pas mal de ville à ville et retour : Paris-Bordeaux-Paris puis Paris-Sochaux-Paris, bref un truc totalement sans intérêt, surtout de nos jours. Jean-Claude eut l’idée lumineuse de faire un tour des villes qui avaient servi d’étapes à l’époque, mais sous la forme d’un tour de la France. Nous partions le samedi 4 mai 2019 du Domaine AXA de Frémigny à Bourray-sur-Juine, pour arriver le samedi suivant sur l’anneau essonnien à l’occasion du Vintage Revival Montlhéry, le grand rassemblement international des voitures d’avant-guerre. Les étapes : Sochaux, Avignon, Bagnères-de-Bigorre en passant par Carcassonne, Bordeaux via Biarritz, puis le Mans avec arrêt à Nontron, Deauville en rallongeant par Saint-Malo et pour finir direction Montlhéry en faisant une pause chez nos amis du Musée de l’atelier des pionniers de Gallardon (Eure-et-Loire).
Les quatre mousquetaires se sont séparés en deux binômes, Thierry Dubois faisait cause commune avec Jean-Jacques Lesage tandis que je partageais le volant avec Jean-Claude Amilhat. Le départ de Bouray fut triste et incertain. La voiture n’avait pas franchement l’air d’avoir envie de se pastiller 3500 km et pour tout dire ce crachin et les bruits bizarres de la voiture ne nous emballaient pas non plus. Thierry et Jean-Jacques, s’y collaient tandis que Jicé et moi prenions frileusement la voiture moderne d’accompagnement. Renaud et Patrice les sauveteurs de la Juvaquatre de notre record de 2018 avaient rempilé et roulaient dans le camion qui tirait la remorque… au cas où !
Arrivé sur le parking du Lac de Der près de Troyes, le premier binôme nous céda le volant. J’allais conduire jusqu’à Sochaux avec au départ une pluie battante et un essuie-glace qui grinçait comme une bignole au pied de ses escaliers. Après la pluie, à une cinquantaine de kilomètres du Musée de l’Aventure Peugeot où nous étions attendus, pour l’étape, c’est la neige qui s’invita. Nous étions le 4 mai et la neige se mit à tomber à gros flocons ! L’essuie-glace côté passager avait déjà rendu l’âme ! C’est le seul incident technique que nous avons eu à déplorer sur la totalité du parcours. Nous fûmes reçus au musée et profitions d’un dîner organisé à notre intention au milieu de la collection. Un vrai privilège.Le lendemain dimanche, Thierry Dubois nous fit découvrir les plus beaux paysages de la Nationale 7 pour descendre jusqu’à l’aéroport d’Avignon où nous étions attendus par une foule de passionnés réunis pour l’occasion. C’était chouette ! Lundi, cap vers Carcassonne en passant par la côte, déserte en cette période. Sous les remparts, le club audois et Patrick Chaussat, l’agent AXA local, nous attendaient pour un pique-nique pantagruélique. Difficile de repartir ! Nous mettions le cap ensuite vers Bagnères-de-Bigorre. Sans doute les plus beaux paysages de notre tour de la France. La 202 à l’époque avait grimpé les Cols du Tourmalet et d’Aspe. Pour ce qui nous concerne, nos mécanos ont été formels ! « Si vous tentez de grimper le Tourmalet vous n’allez jamais voir Montlhéry. Le moteur fonctionne, certes, mais nous sommes à peine à mi-parcours et avec ces freins à câbles plutôt souffreteux vous cherchez les emmerdements ! » Nous n’avons pas fait les malins. Cap sur Biarritz puis Bordeaux. Ce fut un régal.
Lors de la grosse révision de mi-parcours, chez nos amis de Pessac automobiles, nous constations que les freins ne freinaient plus et qu’il était grand temps de vidanger le moteur… Bref, les mécanos avaient eu raison, tenter le Tourmalet eut été la connerie de trop ! La remontée vers le nord se déroulait sans encombre. Passage chez nos amis de Nontron en Dordogne puis cap sur Mulsanne au bout de la ligne droite des Hunaudières.
Tout au long de notre parcours, nous nous échangions le volant sans se chamailler mais Jicé et moi trouvions bien injuste que dès qu’il se mettait à flotter, le volant étaient pour nous et que dès que les rayons de soleil perçaient les nuages, c’est Thierry et Jean-Jacques qui en profitaient ! Le Mans puis Deauville en passant par St Malo sous le soleil et la joie de voir le Mont Saint-Michel et les planches Deauvillaises. La petite 202 marchait de mieux en mieux et nous avions de plus en plus de mal à la rendre aux autres ! Dans un ultime effort et après un petit déjeuner sur le port d’Honfleur nous rejoignions Montlhéry non sans un détour par le Musée des Pionniers de l’automobile à Gallardon (27). L’arrivée aurait pu être triomphale, mais la pluie, encore elle, en a décidé autrement. Le circuit essonnien nous accueillit sous des trombes d’eau ! Qu’importe, 3500 km après de départ du domaine de Frémigny nous étions de retour en Essonne. Sans le moindre pépin et avec des souvenirs gravés à jamais.
Sans prétention, nous aimons à montrer que les voitures d’avant-guerre, même lorsqu’il s’agit de petites voitures sans grand prestige, peuvent avaler des kilomètres sans difficultés. Rouler en avant-guerre est une formidable occasion de redécouvrir les petites routes de France et de pouvoir apprécier des moments merveilleux entre amis ou en famille. Ca va moins vite, c’est moins évident d’arriver selon un horaire prédéfini, mais n’est-ce pas aussi un peu ça rouler en voiture ancienne? Promis nous recommencerons à nous promener avec des avant-guerres dès que possible…
Visuels : © Igor Biétry / Thierry Dubois / Evelyne Filloux / Carol Quiniou / Jean-Claude Amilhat