670 km de Paris à l’Alpe d’Huez

Publié le 07/01/2020 Par Igor Biétry

Retour sur l'aventure des 3 Mecs en Tobec, défi lancé par Igor Biétry, Jean-Claude Amilhat et Thierry Dubois, dans le but de rallier Paris à l’Alpe d’Huez au guidon de 3 bécanes D45S. Une opération soutenue de près par AXA Passion.

Après avoir œuvré pendant près de 15 ans à la rédaction de La Vie de l’Auto, imaginé et présenté l’émission « La Balade d’Igor » pour Motorsport TV, le speaker des plus grands évènements de l’automobile de collection vous propose ici sa vision du monde de l’automobile ancienne à travers ses chroniques.

Célébrer le record de Georges Monneret et ses fils, qui en février 1948 avaient réalisé Paris à L’Alpe-D’Huez en 13h45 sur des Motobécane D45, tel était le propos d’une équipe rodée aux aventures sur des machines obsolètes. Igor Biétry nous livre sa vision d’une aventure suivie et encouragée par AXA Passion et le Club 14.

Pourquoi se geler pendant 650 bornes sur un pétochon qui marche à 50 alors qu’on pourrait le faire dans ou sur un petit bolide de derrière les fagots. Je crois que notre équipe, et Dieu sait si nous ne sommes pas les seuls, avons cette urgente envie de prendre le temps. Dans la poche de cœur de ma jolie combinaison immaculée (si elle l’est restée 5 mn !) j’avais le petit bouquin de Carl Honoré : L’éloge de la lenteur. Cette musique du petit latéral qui vous remplit tout entier devient comme un mantra… La vie en D45 c’est l’occasion de faire un peu plus attention à tout ce qui nous entoure. La lenteur offre l’apaisement si on sait l’accueillir.

Pourtant le départ avait été particulièrement agité et chaotique devant le Hall 1 de Rétromobile à la Porte de Versailles. Les potes étaient là pour nous encourager, les journalistes pour nous photographier. L’un d’entre eux était même là pour grimper sur l’une de nos motos devant les caméras de son émission branchée. Bilan, il a fini plus vite que prévu dans… le Métro ! Trop pressé sans doute de faire briller son image.

La morale de notre histoire était là. La plus popu des petites anciennes n’a que faire des égos. Juste après la guerre, cette laborieuse a emmené des milliers de gens au boulot sans rechigner sans se soucier des saisons. Cette petite brèle n’est pas glorieuse et pourtant elle a su durant notre périple attirer les regards et peut-être même donner des idées à certains.

Cette virée a eu bien des vertus et notamment celle de nous « aérer » ! Se reconnecter en passant de zones urbaines et anxiogènes aux paysages naturels et enivrants.La peur des camions sans vergognes, la hantise du redémarrage en côte avec un moteur anémique, le froid qui cingle et te grignotte les genoux… Ça c’était avant que nous prenions le rythme que nous soyons dans le tempo giusto. La noirceur laissait place au fil des kilomètres aux joies de paysages à couper le souffle. La lenteur, grossièreté pour nos contemporains, est devenu une bénédiction pour nous simplets des soupapes latérales.Même si les carburateurs trop riches (c’est un comble !) nous jouaient des tours, nous étions à notre aise sur nos adorables petites pétoires de prolos. Régulièrement je me mettais à la hauteur de Jicé et lui tapotait l’épaule en lui disant : « quelle merveilleuse idée mon frère, nos idées à la con ! » Son sourire était la plus belle des réponses.

Dans nos aventures, il y a ceux qui font les marioles et les autres... Les besogneux sont pourtant à la même gamelle et nous tirent vers le haut. Philippe, qui ouvre la route et les carburateurs, Bruno qui ferme la route et remballe les jouets à bout de souffle. Ils se cognent les quolibets et les insultes des « pressés » qui doublent, flinguent leurs congés pour nous protéger et ne profitent même pas de leurs grasses matinées… Il n’y aurait pas d’aventure sans ces types-là. Ils sont nos Anges gardiens. Leurs mots ont vertu curative des maux du jour, ils sont merveilleux et je les admire.

650 km improbables, tantôt dans le tumulte des Nationales, tantôt sur les lacets enivrants des petites départementales blanches, c’est à la fois très long et si court. Le temps s’arrête, la lenteur reprend ses droits et on respire !

Cette belle parenthèse a un but : Monter à l’Alpe-d’Huez.Sur le papier, rien de sorcier mais sur le tarmac, l’histoire est différente. Passé le rond-point de Bourg-D’oisans on tourne à gauche et l’ascension commence. 13 km et une vingtaine de virages sont là pour nous casser les pattes ! Là, le constat est sans appel ! Seule, la plus vaillante, la plus agile et le plus décidé auront raison de ce col. Jicé, Don Quichotte de la Tobec sera ce dernier… pour les deux autres, Clément et moi, nous ne passerons pas cette Berezina. C’est du camion que nous gueulerons comme des directeurs sportifs du Tour de France nos encouragements pour Huguette et son hussard ! Ils l’ont fait, franchir le fameux panneau au bout du bout de cette merveilleuse pérégrination : rouler sur les traces de Monneret et ses fils. En savourant l’arrivée au but, nous mesurons combien à l’époque réaliser ce parcours de Paris à l’Alpe-d’Huez était un exploit surtout en 13h45 !

Nous réalisons aussi qu’à peine finie, fourbus et reconnaissants, nous n’avons qu’une envie : nous relancer dans une nouvelle « idée à la con » !

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Visuels : © Igor Biétry / Jean-Claude Amilhat / Thierry Dubois