Interview de David Castera, directeur du Dakar
Publié le 22/12/2022
À quelques jours du lancement de la 45ᵉ édition du Dakar, David Castera, son directeur, a accordé une interview exclusive à AXA Passion.
Bonjour David Castera. À quelques jours du lancement de l’édition 2023, quel est votre état d’esprit et comment se passent les derniers préparatifs ?
Pour nous, c'est toujours un moment compliqué, on doit gérer les dernières complications. C’est 15 jours un peu spéciaux car c’est une période de fêtes où nous devons rester actifs et concentrés. Mais cela fait maintenant 17 ans que je gère ça donc j’ai l’habitude. On espère surtout quand le téléphone sonne que ça ne sera que des petites choses à gérer.
Il y a 2 ans, avec la pandémie, on a dû gérer la fermeture de l’espace aérien à 5 jours du départ. On avait finalement trouvé 15 charters en 3 jours, on a passé Noël à gérer ça. Ces évènements sont si complexes qu’il peut se passer plein de choses, mais globalement, on est très confiants. On a un beau parcours et un gros plateau, on doit simplement gérer les derniers détails.
Motos, quads et autres véhicules traverseront l’Arabie Saoudite d’Ouest en Est
Cette 45ᵉ édition traversera l’Arabie Saoudite de la mer Rouge à l’Ouest au golfe Persique à l’Est. Pouvez-vous nous en dire plus sur le choix de ce parcours ?
Tout d’abord, notre volonté est de proposer quelque chose de nouveau d’une année à l’autre et d’essayer de nous renouveler. Par chance, le pays est immense donc cela nous laisse de nombreuses possibilités d’exploration. Cette année, on a décidé d’explorer quelque chose que nous n’avions pas fait jusqu’ici, l’« Empty Quarter ». On a donc beaucoup orienté notre construction de parcours en prenant cela en compte.
Empty Quarter
L’Empty Quarter (traduction anglaise de Rub' Al-Khali) est la plus vaste étendue désertique de la péninsule arabique, située au sud de l’Arabie Saoudite. Elle déborde sur le Yemen, le sultanat d'Oman et les Emirats Arabes Unis. Considéré comme l’un des endroits les moins habitable de la planète, l’Empty Quarter n’avait jusqu’ici jamais été traversé par le Dakar.
Le parcours va être divisé en deux temps. Une première semaine plus « classique », avec de belles pistes, du sable et des dunes. Un mix permanent de tout avec beaucoup de kilomètres. C’est un peu la marque de fabrique de ce rallye qui est plus long que d’habitude, et un peu plus difficile par conséquent. Et une deuxième semaine totalement différente où nous allons découvrir cet Empty Quarter, avec des spéciales, certes plus courtes, mais plus difficiles et plus techniques. Deux atmosphères très différentes, il y en aura un peu pour tous les goûts !
Plusieurs nouveautés pour cette édition 2023 du rallye
Cette année marquera notamment l’instauration de compensations chronométriques pour les vainqueurs d’étapes. Pouvez-vous nous en dire plus sur les raisons qui vous ont poussé à mettre en place cette nouveauté et ses apports sur le plan sportif ?
Cela fait un moment que l’on se pose des questions. Dans le rallye raid, quand on part premier, il n’y a pas de flèche, la navigation se fait au roadbook, il faut se débrouiller. Et se débrouiller seul en faisant la trace, c’est quelque chose de difficile. J’ai toujours pensé que les gens qui ouvraient chaque jour devaient être récompensés, parce qu’ils perdent beaucoup de temps. Mais ça n’était pas facile à mettre en place, on n’avait pas la bonne formule.
J’aime beaucoup innover depuis que je suis sur le rallye, j’essaye d’apporter toujours un peu de nouveauté, en écoutant les pilotes et acteurs de la discipline et grâce à mon expérience. On a fait les roadbooks en couleur, les tablettes, on a déjà beaucoup changé la navigation.
Aujourd’hui, il fallait qu’on arrive à changer un peu les mentalités. Il y avait de plus en plus de stratégies qui s’étaient mises en place avec les soucis liés à cette première place, mais il était temps de récompenser ces virtuoses : piloter vite et naviguer bien en même temps n’est pas donné à tous.
Le Dakar Classic fêtera cette année son 3ᵉ anniversaire et accueillera deux nouveaux challenges : « Authentic Codriver Challenge » et « Iconic Classic Club ». Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le Dakar Classic, sa mise en place et sur ces nouveautés ?
Le Dakar Classic est une épreuve qui marche bien. La première année, nous avions 25 véhicules et la deuxième, 140. On le fait évoluer petit à petit. On ne s’est pas trop trompé d’entrée dans la façon de le mettre en place et l’attente réelle des participants, avec une compétition basée sur de la gestion de timing. Il faut respecter des allures moyennes, qui changent sans arrêt, car nous ne voulons pas que cela devienne une course à la vitesse. Les voitures ne seraient de toute manière pas adaptées aux normes de sécurité actuelles, car l’idée est de les garder très proche de ce qu’elles étaient à l’époque.
On s’est aussi aperçu qu’il y avait beaucoup de copies de voitures, des refabrications de Porsche, de Renault, de Citroën etc. C’est une bonne chose, mais on voulait aussi récompenser les « vraies » voitures, celles qui ont existé et qui ont roulé. C’est pour cela que nous avons créé l’« Iconic Classic Club ».
Le but est avant tout de dynamiser le rallye. On est au début de l’histoire, on écoute les gens, on a beaucoup de feedbacks donc on s’en sert pour faire évoluer l’épreuve.
La sécurité du Rallye Dakar est renforcée
L’édition 2022 avait été quelque peu perturbée par des engins explosifs. Y a-t-il eu des mesures spécifiques prises en termes de sécurité suite à ces évènements ?
Quand il se passe quelque chose, on se doit de réagir et de faire attention à ce que cela ne se reproduise pas. À l’image de Paris après les attentats, avec plus de police dans la rue et les points stratégiques, nous avons mis de la sécurité supplémentaire et haussé le niveau global de vigilance sur la totalité du rallye, avec l’aide des autorités locales.
Le Dakar, une aventure en continu
Y a-t-il une pression des participants qui, quitte à revivre les grandes heures du Dakar, souhaiteraient le revivre en Afrique ?
Non, pas du tout. Et de toute manière, les paysages et les terrains d’Arabie Saoudite sont assez similaires à l’Afrique. Ils s’y prêtent même mieux, car ils sont parfois plus faciles et moins cassants. Ce qu’était le Dakar d’il y a 30 ans, ça n’est plus le Dakar d’aujourd’hui, on est obligé de faire des parcours totalement différents, pour que ce soit totalement adapté à leurs motos et voitures.
Le rallye raid Dakar fêtera l’année prochaine son 46ᵉ anniversaire et sa dernière année de contrat en Arabie Saoudite après 5 éditions passées sur les pistes du Royaume. Dans quel coin du globe imaginez-vous la suite de l'aventure ?
On y travaille… [Rires]
Que peut-on vous souhaiter pour cette édition 2023 ?
Je suis avant tout là pour le plaisir des autres, donc qu’ils prennent tous beaucoup de plaisir. Quand on organise un évènement sportif, on veut que tout se passe bien et sans accident. C’est un sport à risques, les gens l’oublient souvent.
Quand on me tape sur l’épaule à l'arrivée en me disant « ton rallye, c'était de la balle, on s’est régalé », je rentre chez moi et je suis le plus heureux.
Visuels : © A.S.O. / Edoardo Bauer / Rally zone / FOTOP