30 ans de la Duke :
une saga épique dans l'histoire de KTM
Publié le 26/03/2024• Par Thierry Traccan
Il est parfois des motos qui incarnent une histoire allant bien au-delà de l’objet mécanique. Celle de la Duke, qui fête cette année ses 30 ans, en est une parfaite illustration, elle que l’on peut considérer comme le marqueur, mais aussi comme l’un des déclencheurs de l’ère moderne de KTM. L’égérie d’une marque célébrant trente ans de success story.
Née dans un style Supermotard avec cette 620 (au centre) commercialisée il y a déjà 30 ans,
la famille Duke est aujourd’hui 100 % roadster.
Petit retour en arrière. Si la marque KTM, née en Autriche en 1953, remporte très vite des succès en compétition, réussit son industrialisation et jouit d’un bon succès commercial, le début des années 1980 s’accompagne de choix techniques hasardeux qui mettent à mal la fiabilité des mécaniques, sans compter des coûts de production élevés qui se répercutent au niveau des prix de vente pour des modèles désormais largement dépassés par la concurrence japonaise. Une spirale infernale que les dirigeants de KTM ne parviennent pas à enrayer et qui finit par plomber une entreprise qui fait faillite en 1991. Le moment choisi par Stefan Pierer pour se porter acquéreur de la marque et la réinventer.
Une machine de route aux accents sportifs
Au-delà des modèles d’enduro et de motocross dont les fondamentaux techniques et stylistiques sont revus de fond en comble, il est décidé de définir un modèle de route détonant avec le reste de la production d’alors. Ce sera la Duke, qui sera mise sur le marché en 1994. Une machine de route aux accents très sportifs qui invente le genre Supermotard de série, celui d’une moto capable de mettre en avant ses prétentions dynamiques élevées tout en conservant une certaine polyvalence, l’autorisant à évoluer sur un périmètre assez large.
Avant que ne soit créé le slogan qui accompagne toujours aujourd’hui l’essentiel des modèles du constructeur, la Duke première du nom est bien « Ready To Race ». Dessinée par celui qui est toujours maître du design chez KTM, Gerald Kiska, la Duke 620 (en réalité une 609 cm3) réussit le tour de force d’imposer d’emblée sa plastique. Une silhouette agressive, portée par un monocylindre pétillant (plutôt souple à bas régime, rempli de couple et proposant une bonne allonge) qui se loge dans une partie-cycle imaginée pour le sport. La Duke doit être une machine capable, dans un environnement où les virages se succèdent, de faire la pige à l’essentiel des motos à multicylindres existant alors.
Si sa puissance de 55 CV ne fiche pas la frousse, la disponibilité immédiate et la manière dont les chevaux sont distribués sur l’ensemble de la plage d’utilisation la rendent redoutable, d’autant qu’avec les excellentes suspensions WP (dont la marque n’appartient alors pas encore à Pierer), le bras oscillant en aluminium ou les freins Brembo dont le large disque de 320 mm pincé par des étriers 4 pistons, la Duke joue les sylphides de caractère, elle qui ne pèse que 127 kg à sec. Un record. Posée sur des roues de 17 pouces chaussées de pneus aux gommes racing, la Duke fait des étincelles, et des miracles.
« Ready To Race », un slogan maison qui va comme un gant à la redoutable 1390 Super Duke R.
De Supermotard à la reine des roadsters, une lignée légendaire
Alors bien sûr, elle emporte les défauts de ses qualités, et si on la choisit pour faire des chronos, elle peine dans un usage de grande routière voyageuse. Mais son efficacité, ses lignes et son tempérament (sa robustesse aussi), en font la figure de proue du renouveau de KTM. La Duke accompagne la renaissance de la marque. Les jalons sont posés : désormais du côté de Mattighofen, le sport doit transpirer par tous les pores. Ce fil d’Ariane, la marque le déroule comme une pelote depuis lors, déclinant cet ADN pour ses routières, trails, etc.
La Duke première du nom montera d’ailleurs en gamme quatre années plus tard, toujours motorisée par un monocylindre LC4 mais avec une esthétique encore plus tranchante. Des codes qui la rapprochent des motos tout-terrain avec ses ouïes de radiateur tranchantes. Une plastique visuellement allégée soulignée par son bloc optique présentant deux feux superposés. Un design qui lui permit de poursuivre sa carrière dans cet écrin pendant dix ans, avant de se voir remplacée par la Duke acte III à partir de 2008. Un changement d’esprit puisqu’elle perdait un peu de son côté Supermotard pour se rapprocher des codes des roadsters. L’envie pour KTM d’enraciner définitivement le monocylindre sur route en lui affrétant un environnement un peu moins marqué.
La Duke 990, l’une des nouveautés de la marque pour 2024.
Duke, 30 ans de règne sur le royaume des roadsters KTM
En 2012, la firme Autrichienne ira bien plus loin, dévoilant une Duke transformée en vraie roadster avec une assise de selle plus basse, un guidon typique du genre. Une moto qui rencontra un succès pas seulement d’estime, même si le genre avait moins de raison d’être avec l’arrivée sur le marché des nouveaux bicylindres KTM 790 dès 2017. Une promiscuité qui fut fatale au gros monocylindre, lequel en 2018, date de sa dernière commercialisation, développait 65 chevaux. Un genre apprécié par beaucoup, mais acheté par seulement quelques-uns. Plus de quoi faire l’effort de maintenir la production, le R&D se concentrant sur d’autres projets, 790, 890, 1290, puis récemment 990 et 1390, qu’elles s’appellent désormais Duke ou Super Duke. Un nom qui accompagne toujours ce genre si important pour KTM.
Duke, ou une marque dans la marque, qui se décline encore en 125, en 250 ou en 390. Du monocylindre pour les petites cylindrées, du bicylindre à partir de la KTM 790 et jusqu’à la KTM 1390, les Duke représentent d’abord le genre roadster dans ce qu’il a de plus total ! C’est-à-dire – et c’est paradoxal – de plus minimaliste, avec un moteur bien visible qui s’enserre dans un châssis tubulaire, une partie-cycle rigoureuse capable d’encaisser la puissance en fonction des cylindrées, mais toujours apte à sublimer les capacités d’engagement de son pilote.
Duke ou un patronyme royal, celui d’une dynastie de modèles ayant accompagné l’incroyable expansion de KTM tout au long de ces trente dernières années. Un nom jamais abandonné, jamais galvaudé. Suffisamment rare dans l’industrie pour être souligné, comme ses quatre lettres à la valeur d’or qui s’affichent fièrement sur les flancs de chacun des modèles aujourd’hui au catalogue.
KTM Duke 390.
Visuels : © KTM