Grand projet de rénovation d’une goélette de travail des années 30

Publié le 18/11/2022 Par Igor Biétry

Au pays des grands voiliers de tradition, tout le monde connaît le Belem et l’Hermione, mais la France compte aussi quelques bateaux moins médiatisés et pourtant pas moins intéressants. Julien Mabit et Mathieu Sarrot entourés de quelques amis, ont décidé de sauver l’un d’entre eux, Étoile de France.

bateau Etoile de France

Un projet ambitieux

Parmi les passionnés de beaux bateaux à voiles, qui n’a pas rêvé sur les quais des grands rassemblements de voiliers de tradition ? Brest, Rouen, Douarnenez, qu’importe, les merveilles réunies dans ces évènements laissent toujours une part de « un jour, moi aussi… ».

Julien Mabit, propriétaire de l’école de voile Yagga à Pornichet, fait partie de ces rêveurs. À la différence près que lorsque Julien fait un rêve, il va jusqu’au bout des choses. Avec deux « Route du Rhum » et une « Transat Jacques Vabre » à son actif, le garçon n’en est pas à sa première aventure et son premier « projet fou ».

Plus jeune, il travaille à Saint-Malo aux côtés de Bob Escoffier, une des références en matière d’événementiels sur l’eau. Bob, aujourd’hui à la retraite, avait toute une flotte de vieux gréements. Parmi ces bateaux il y avait Étoile de France, une goélette à hunier construite en 1938 qu’il fit classer comme bateau d'intérêt patrimonial en 2007. Ce magnifique bateau de travail de 40 mètres construit par le chantier danois Rasmus Moller était initialement utilisé pour le transport de marchandises en mer Baltique. À l’époque, il s’appelait : Jutlandia, du nom de la péninsule formant la partie continentale du Danemark. Julien a lui-même œuvré comme commercial sur ce bateau et a organisé, pour le compte de Bob, de nombreux évènements à son bord. Forcément, ça marque son marin de travailler pour un bateau comme celui-ci.

la proue du bateau Etoile de France

Bien des années plus tard, de passage à Saint-Malo pour tout autre chose, Julien « retombe » sur la goélette. La vie d’un bateau de travail n’est pas un long fleuve tranquille et à la suite de la rupture de sa transmission lors d'une manœuvre au port, il heurta violemment le quai occasionnant pas mal de dégâts. Sans mauvais jeu de mots, le bout dehors rentra dedans ! Laissée pour compte depuis, Étoile de France croupit sur place. C’en est trop pour Julien ! Non, elle ne doit pas sombrer là, pendue à ses haussières. Elle a encore de belles choses à faire, des histoires à raconter cette « barcasse ».

Julien « se jette » donc sur le téléphone et commence par ses « grognards de la vieille garde », ceux qui ont été de toutes les « campagnes » : Romaric, le prof de polytechnique et Igor le communicant. « Les gars, je vais faire une nouvelle connerie !
– Super ! On fonce avec toi !
- Attends au moins que je te dise de quoi il s’agit…
- Puisque je te dis qu’on fonce ! ».

Il appelle également Mathieu Sarrot et Antoine Cadi. Le premier est l’ex-directeur des évènements chez OC Sport Pen Duick. À ce titre, il a organisé plus d’une quarantaine de courses au large dont quatre « Route du Rhum ». « Je connais son potentiel commercial et son attractivité. Je l’ai affrétée à de nombreuses reprises cette goélette. » nous confie-t-il. Antoine, c‘est l‘homme des relations publiques avec les édiles et les décideurs politiques. Ancien de la Fondation Hulot, il a rejoint Jean-Louis Borloo, alors ministre d’État. En 2010, il conseillait Allain Bougrain-Dubourg, pour la LPO. Antoine aime la biodiversité et les vieux bateaux. Il a notamment supervisé la rénovation du voilier Fleur de Lampaul.

bateau Etoile de France

Le sauvetage d'un vieux gréement

Depuis, les choses n’ont pas traîné. Une association est créée : « Étoile de France and Co ». Julien, avec une équipe de spécialistes et après un examen poussé de la coque, a pu convoyer Étoile de France depuis Saint-Malo jusqu’à Saint-Nazaire où il est amarré pour l’instant. Ce convoyage à hauts risques (celui de voir le bateau couler tout simplement) a été réalisé au moteur. Et quel moteur ! Étoile de France cache au fond de ses entrailles depuis 1954, un superbe moteur diesel B&W de 7 tonnes qui est à lui seul une pièce de musée avec son système diesel 2 temps, ses 56 litres de cylindrée pour une puissance d’environ 110 ch.

oiseau

À l’heure où nous écrivons ces lignes, le bateau n’est pas encore sauvé. Il va falloir intervenir très vite sur la coque, qui a non seulement subi les outrages dont nous avons parlé plus haut, mais aussi évidemment ceux du temps. Toute l’équipe est focalisée sur la recherche de partenaires pour permettre sa remise en état. Inspiré par la reconstruction de l'Hermione à Rochefort ou du Renard à Saint-Malo, Julien Mabit et ses amis souhaitent que ce projet de restauration mette en lumière la filière de compétences autour des navires traditionnels.

De l’ingénierie à la charpente, de la voilerie au gréement traditionnel ou de la forge, ils vont faire appel à tous les métiers de la construction navale, des plus récents aux plus anciens. Ce projet a également la vertu d’être volontairement intergénérationnel et pédagogique en étant ouvert aux futurs professionnels, aux anciens, comme au grand public. Pour donner du sens à la restauration de ce bateau, l’équipe souhaite qu’il soit un vecteur de transmission des savoir-faire. L’objectif est aussi un chantier évolutif qui permette au bateau de très vite retrouver la mer pour prendre part aux Fêtes Maritimes de Brest en 2024.

Toutes les bonnes énergies sont à prendre et tous les coups de mains financiers sont les bienvenus pour redonner le lustre d’antan à cette goélette et permettre de voir flotter le pavillon français sur un autre grand voilier d’exception. En attendant vous pourrez visiter Étoile de France à l’occasion du départ de la « Solitaire du Figaro » fin août à Saint-Nazaire.

En savoir plus : https://www.etoiledefrance.fr

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Visuels : © Nathalie Presle Bonel / Ronan Gladu / Étoile de France & Co