Voiles d’Antibes,
les yachts de tradition toutes voiles dehors

Publié le 19/03/2024

Chaque année, à l’arrivée des beaux jours, les plus beaux vieux gréements européens mettent le cap sur le port Vauban d’Antibes pour l’ouverture de la saison de voile classique. Quatre jours de régates et de festivités organisés depuis bientôt 30 ans par l’association des Voiles d’Antibes. Nous avons rencontré l’un des co-organisateurs, Yann Joannon, en pleine préparation de la prochaine édition, qui se déroulera du 29 mai au 2 juin.



Yann JoannonYann Joannon, co-organisateur des Voiles d’Antibes.

Pouvez-vous nous présenter Les Voiles d’Antibes ?

L’évènement est organisé depuis presque trente ans par l’association des Voiles d’Antibes, dont je fais partie depuis sa création. Il existait déjà une régate à Saint-Tropez, La Nioulargue, et les marins rentraient ensuite au port d’Antibes. Les marins ont constaté qu’on avait le plus grand port de plaisance d’Europe à Antibes et qu’il serait logique d’y organiser un évènement nautique. De nombreux acteurs ont soutenu le projet, dont l’office du tourisme d’Antibes, puis nous avons trouvé des partenaires financiers. La première année, il y avait une quinzaine de bateaux. Aujourd’hui, c’est la plus grosse manifestation de l’année à Antibes. Il rassemble de 50 à 70 bateaux et plus de 600 marins se déplacent tous les ans.


Comment se passe l’organisation d’un tel évènement ?

Je suis le seul à y travailler à l’année au sein de l’association Les Voiles d’Antibes, mais nous sommes une demi-douzaine à en faire partie. Au niveau français, ce genre d’évènement est supervisé par l’Association Française des Yachts de Tradition (AFYT), qui rassemble tous les propriétaires français de bateaux classiques, et au niveau mondial par le Comité international de la Méditerranée qui regroupe les associations de classes comme l’AFYT pour les Espagnols, les Italiens et les Monégasques.

Nous nous réunissons régulièrement pour uniformiser les règles de course. C’est un vrai défi, car ces voiliers sont tous très différents : ils n’ont pas le même âge, pas la même taille, pas les mêmes gréements ou un accastillage différent. C’est pourquoi un jury de spécialistes accorde un handicap à chaque bateau à l’issue de chaque course : ce n’est pas forcément le bateau qui arrive premier qui gagne la course !


Comment s’organise l’accueil de si gros voiliers dans le port d’Antibes ?

Nous travaillons en collaboration étroite avec le port Vauban d’Antibes, qui a l’habitude d’accueillir des gros bateaux. Ils nous libèrent tout un quai pour l’occasion. Les bateaux à moteur amarrés à l’année ou à la saison sont alors déplacés vers d’autres postes d’amarrage dans le port.

Port d'AntibesLe Port d’Antibes.


Tous ces vieux gréements tellement précieux sont-ils exposés à des risques de collision lors des courses ?

Oui, cela peut arriver, en particulier au moment des départs. Même s’il n’y a rien à gagner, chacun veut prendre le meilleur départ possible et cela crée forcément des risques de collisions. Les réparations doivent se faire rapidement car les bateaux sont souvent engagés sur un circuit et enchaînent les courses. Heureusement, il y a de nombreux artisans (maîtres voiliers, charpentiers…) présents sur place.


Est-il possible de visiter les bateaux à quai ?

Certains propriétaires proposent des visites, d’autres préfèrent rester entre eux. Généralement, les gens n’osent pas demander, alors que de nombreux propriétaires sont extrêmement fiers de pouvoir montrer leurs bateaux.


Combien de temps durent les épreuves ?

Les voiliers les plus rapides mettent environ 2 heures et demie et les plus lents, jusqu’à 7 heures. Il y a de grandes différences de vitesse et de conditions météo. Au mois de juin, le vent thermique se lève en fin de matinée et se calme vers 16 heures. Une fois le vent retombé, la tâche se complique pour les équipages encore en course.


Qu’est-ce qui différencie les Voiles d’Antibes des autres rassemblements ou régates de vieux gréements ?

Les Voiles d’Antibes rassemblent uniquement des vieux gréements et la particularité de ce rassemblement est l’animation à terre dans toute la ville, ce qui n’est pas toujours le cas dans les autres régates. C’est un véritable espace de rassemblement et de convivialité, ainsi qu’une fête populaire avec un village d’exposants, des concerts...

Concert durant Les Voiles d'Antibes


De quelles nationalités sont les bateaux ?

Les bateaux français représentent environ 20 % de la flotte, qui est essentiellement composée de bateaux espagnols, italiens, anglais et allemands. Des bateaux américains et argentins font même parfois le déplacement. Ils viennent généralement pour toute la saison nautique.


De combien de personnes se composent les équipages ?

En moyenne, les équipages comptent une dizaine de personnes. Sur les plus petits, environ 3 ou 4. Sur les plus imposants, qui peuvent faire jusqu’à 40 mètres, jusqu’à 25 marins.

yachts classiques durant Les Voiles d'AntibesPas de noms de sponsors sur les voiles des yachts classiques !


Y a-t-il un enjeu financier pour les participants aux Voiles d’Antibes ?

Non, l’équipage gagnant repart uniquement avec une coupe. Si nous mettions en jeu un prize money, même conséquent, cela ne couvrirait qu’une petite partie des frais engagés par les armateurs pour participer à ce type de régates. L’entretien, les équipages, le coût du déplacement… tout cela coûte très cher. Les équipes viennent avant tout pour le palmarès, qui pourra néanmoins servir aux propriétaires de carte de visite au moment de la revente du bateau, par exemple.


Quelles sont les sources de financement des armateurs ?

Sur ce genre de bateau, les postes de dépenses sont nombreux. Il arrive que certains riches propriétaires achètent des bateaux, puis se découragent lorsqu’ils regardent leurs comptes, après quelques années. Sans la passion, ce n’est pas viable.

Les propriétaires de vieux gréements ne peuvent pas faire appel à des sponsors, comme sur des voiliers modernes, sinon cela présenterait le risque de les dénaturer. Pour rentabiliser les bateaux, certains les louent, le plus souvent à des entreprises, pour des team buildings par exemple. Passer une journée en régate, c’est un formidable moyen de renforcer la cohésion d’équipe : tout le monde doit travailler à l’unisson pour avancer. C’est le genre d’activité que les entreprises apprécient.


Quel est le profil de ces armateurs ?

Les profils sont très divers. Il y a ceux qui n’ont pas beaucoup de moyens et qui passent leurs week-ends à travailler en famille sur les bateaux en attendant la saison. Ils participent souvent aux régates entre amis ou en famille, en essayant de limiter les coûts. Le bateau se transmet souvent de génération en génération. À l’opposé, il y a les riches propriétaires qui font appel à un équipage présent à l’année, ainsi qu’à des marins professionnels au moment des courses.


Vous êtes soutenus par de nombreux partenaires institutionnels. Quel budget représente l’organisation du festival ?

Nos fonds proviennent pour un tiers de subventions institutionnelles, un tiers de partenariats privés et un tiers de recettes pendant l’évènement, qui proviennent principalement de la vente de boissons. Le budget total tourne autour de 450 à 500 000 euros et le résultat net est très variable. Lorsque nous terminons une édition en excédent, nous réinvestissons les bénéfices l’année suivante. Nous ne sommes pas là pour gagner de l’argent, mais pas non plus pour en perdre ! C’est ce qui fait tout le charme des associations…


Les Voiles d'AntibesLes Voiles d'Antibes 2023.

Pouvez-vous nous parler de la vente aux enchères du ketch aurique Thendara qui aura lieu cette année ?

C’est un bateau mythique, amarré au port d’Antibes depuis une quarantaine d’années et déjà présent lors de la création des Voiles d’Antibes. C’est d’ailleurs son plan de voilure qui a inspiré notre premier logo. Il a changé plusieurs fois de mains ces dernières années et les derniers propriétaires ont eu du mal à trouver un acquéreur. Ils ont décidé de le proposer aux enchères sans prix de réserve.

Sur un bateau comme celui-là, il faut déjà compter plus de 500 000 euros par an pour l’entretien, les différentes réparations, le changement des voiles ou le salaire de l’équipage. Les acheteurs de tels joyaux sont généralement des armateurs fortunés ou des propriétaires qui le rentabilisent en le louant l’été. Les tarifs vont de 75 000 à 150 000 euros la semaine !

Le Cambria de William Fife
Le Cambria, un plan Fife construit en 1928, avec le n°K4 inscrit sur sa grand-voile.


Quels sont les bateaux les plus attendus cette année ?

Nous attendons le Cambria, un magnifique voilier écossais de 44 mètres, d’une élégance folle. Ainsi qu’un modèle réduit du Cambria, baptisé Halloween, de 25 mètres de long. Ces deux bateaux ont été construits par l’un des architectes navals les plus réputés, le Britannique William Fife, concepteur du Pen Duick d’Éric Tabarly. Du côté des nouveaux bateaux, nous ne savons pas encore précisément lesquels seront présents.

Voilier Halloween de William FifeLe Halloween, dessiné par William Fife en 1926.

Quels sont les grands évènements de ce type en Méditerranée ?

Antibes donne le coup d’envoi de la saison des régates en Méditerranée, qui commence début juin et s’achève à Saint-Tropez début octobre. Il y a au total une cinquantaine de régates, mais beaucoup sont davantage des rassemblements amicaux. On compte une quinzaine de régates principales. Les plus connues sont les Régates Royales de Cannes, Vele de Epoca de Imperia (en Italie), la Monaco Classic Week, la régate de Barcelone, la Copa del Rey sur l’île de Minorque (Espagne) et les Voiles de Saint-Tropez.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Les yachts à voiles selon leur gréement, peuvent être du type sloop, ketch ou goélette. Les principales catégories de yachts sont les suivantes :

  • Les yachts d’époque, construits avant 1950 en bois ou en métal. Les répliques sont admises si elles sont conformes aux plans d’origines.
  • Les yachts classiques, construits en bois avant 1970-1975 et restaurés sans modifications importantes, fabriqués avant 1975.
  • Les yachts « Spirit of tradition », lancés après 1970 avec des techniques et matériaux modernes mais dans un style fidèle aux projets des catégories classiques et d’époque.

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Visuels : © Alexander Panzeri, Marc Pélissier, Marie-Noelle Archambault, Cyril Jarno, Stéphane Gamelin, Emmanuel Gérard-Benrathl / Les Voiles d’Antibes