La belle épopée du camping-car en France : histoire, pionniers et enjeux futurs
Publié le 25/11/2024• Par Stéphane Messer
En quatre décennies, le camping-car est devenu le véhicule de loisirs préféré des Français, largement devant la caravane. Il s’en vend presque 100 000 unités par an, ce chiffre intégrant le marché du neuf comme de l’occasion. Retour sur un succès digne d’une épopée qui prend ses racines juste après la Deuxième Guerre mondiale.
Très présents sur les routes, sur les parkings et à proximité des sites touristiques et naturels, les vans, fourgons et camping-cars font désormais partie du paysage. On ne s’étonne plus d’en voir même dans les endroits les plus secrets et les plus reculés. Compacts ou imposants, à caractère familial ou plutôt pour les couples, ils font toujours rêver. L’histoire de ce véhicule de loisirs si singulier est étonnante. En route !
Le premier intégral Notin.
Le temps des pionniers
Chaque marché naissant a ses pionniers. En France, ce sont les frères Notin, installés à Panissières dans le département de la Loire. Ces derniers se lancent dans la fabrication de remorques habitables, puis de caravanes dès les années 1920. Le premier camping-car sort des ateliers un peu plus tard en 1948 sur la base d’un utilitaire Renault. C’est le début d’une belle aventure. Les camping-cars Notin sont à la pointe du confort et du luxe. Dès 1980, il s’en vend plus que des caravanes.
À partir de 1988, la marque propose des modèles profilés sur base Mercedes, puis un modèle intégral en 1993. Toujours présente à Panissières, l’entreprise a été reprise par le groupe Trigano en 2012. La marque Notin incarne toujours le luxe à la française mais avec une gamme de produits élargie. Si le Notin Liner, le vaisseau amiral, est toujours fabriqué, des modèles profilés et intégraux sur base Fiat Ducato ou Mercedes Sprinter assurent l’essentiel des ventes.
Outre-Rhin la marque pionnière se nomme Westfalia. Connue dans le monde entier, et associée longtemps au seul combi VW, elle a été reprise par le groupe français Rapido en 2011*.
Une multitude d’acteurs
Dès le début des années 1980, le secteur du véhicule de loisirs connait une belle effervescence. Les modèles dits à capucines, plutôt à destination des familles, sont en tête des ventes. Très hauts, sensibles au vent et gourmands en carburant, les camping-cars à « capucines » ne conviennent pas à tout le monde. Plus aérodynamiques, les camping-cars profilés commencent à apparaître et rencontrent le succès, au point de détrôner petit à petit les modèles à capucine.
Les grandes marques françaises telles que Pilote, Autostar, Chausson, Challenger et Rapido ne s’intéressent pas encore aux vans et fourgons aménagés. Ce n’est pas le cas de petits aménageurs indépendants qui eux se positionnent sur ce type de véhicules compacts. Ils se nomment Font-Vendôme, Campérêve ou Stylevan. Des marques étrangères, tel l’allemand Hymer, proposent leurs véhicules sur le marché français. Si la production tend à s’industrialiser, les véhicules ne se ressemblent guère d’une marque à l’autre.
Le temps des concentrations
À la fin des années 1990, à l’image du secteur automobile, s’ouvre une longue séquence de fusions-acquisitions à l’issue de laquelle des groupes français émergent. Sous l’impulsion de son fondateur, François Feuillet, le groupe Trigano devient le N°1 français et européen. Outre Chausson et Challenger, le groupe fait « son marché » en France et en Europe.
Trigano capitalise aujourd’hui une vingtaine de marques dont Autostar, Font-Vendôme, CI, Mc Louis, Mobilvetta et Panama pour ne citer qu’elles. Pilote et Rapido sont également sur le podium et englobent également bien d’autres marques, certaines créées de toutes pièces comme Dreamer ou Itineo. Au niveau européen, le groupe allemand Hymer s’est également fortement développé et contrôle de nombreuses marques telles que Bürstner ou Dethleffs. Erwin Hymer Group a lui-même été racheté en 2018 par l’américain N°1 mondial, Thor Industries.
Le profil type du camping-cariste français
L’essor du camping-car est étroitement lié au développement du temps réservé aux loisirs, à l’abaissement de l’âge de retraite à 60 ans en 1982 et du pouvoir d’achat des retraités. Aujourd’hui, de plus en plus de quadragénaires et de quinquagénaires optent pour la location de vans, fourgons ou camping-cars. Mais le profil des propriétaires de véhicules de loisirs reste relativement inchangé depuis des décennies. Une enquête, toujours d’actualité, publiée en 2018 par la Direction Générale des Entreprises (DGE) et l’UNI-VDL, qui représente les constructeurs, le confirme. En effet, 51 % des camping-caristes ont entre 60 et 74 ans, tandis que 31 % se situent dans la tranche d’âge des 45-59 ans. Au global, environ 50 % sont à la retraite. Du côté des actifs, 22 % des propriétaires de camping-cars sont employés ou ouvriers, tandis que 13 % sont chefs d’entreprise ou cadres supérieurs. Enfin, 72 % des utilisateurs français voyagent en couple.
En 2018, Volkswagen a fêté les 30 ans de son iconique California.
L’engouement pour les vans et les fourgons aménagés
Les vans et fourgons en tête des ventes de véhicules neufs ? Personne ne l’aurait prédit il y a 20 ans. C’est le cas pourtant depuis quelques années. Les véhicules compacts, discrets mais avec tout le confort à bord, plaisent de plus en plus. Les marques françaises historiques ont pris la mesure de cet engouement. Elles ont dans leur offre globale des marques et modèles de vans et de fourgons.
Pilote détient le spécialiste du van Hanroad. Rapido a créé pour sa part Dreamer et Trigano la marque Panama. L’autre évènement notable est l’explosion des ventes dans la foulée de l’épidémie de Covid-19. Les marques ont habilement joué sur la liberté et la « protection » sanitaire offertes par les véhicules de loisirs. Résultat ? Un millésime 2021 exceptionnel avec plus de 102 000 immatriculations de véhicules neufs et d’occasion.
Les enjeux de demain
Si les camping-cars, vans et fourgons continuent de séduire, beaucoup de Français se disent que le rêve est moins facilement accessible. Voire impossible. En cause, la hausse drastique des tarifs des modèles en quelques années post-Covid : 25 à 30 % d’augmentation en fonction des modèles. L’électrification future des véhicules de loisirs est également un enjeu de taille. Les utilitaires 100 % électriques existent bel et bien. Mais les contraintes liées au poids, à l’autonomie et au prix des véhicules rendent très difficile pour le moment la conversion en véhicule de loisirs.
Westfalia, l’autre pionnier
Volkswagen a fêté en grande pompe en 2018, les trente ans de son California. Mais, qu’on ne s’y trompe pas. Outre-Rhin, le précurseur du véhicule de loisirs se nomme Westfalia, une entreprise créée par un forgeron en 1844. En 1951, l’entreprise imagine le « Camping Box », avec notamment table et banquette pour le combi VW T1. S’ensuit de longues années d’aménagement des différentes lignées du « Transporter » jusqu’au T6 actuel. Dans les années 1970, Westfalia sort les modèles James Cook sur Mercedes et le Sven Edin sur VW.
Dans les années 1980, le succès est au rendez-vous avec le Joker sur Transporter T3, proposé dès 1981 avec un toit surélevé. En 1985, Ford s’adresse à Westfalia pour l’aménagement du célèbre Nugget.
En difficulté, Westfalia est rachetée en 2011 par le groupe français Rapido. Westfalia poursuit aujourd’hui son développement avec de nouveaux modèles tels que l’Amundsen, le Columbus, le Jules Verne et le Kepler.
Depuis 1951, Westfalia n’a cessé de proposer des aménagements sur le célèbre combi.
En quelques dates :
Début XXe siècle : des constructeurs indépendants fabriquent en exemplaire unique des remorques auto-portées permettant le couchage, la restauration et la toilette.
- 1902 : le précurseur M. Sécrestat invente le camping-car.
- 1920 : les frères Notin lancent la fabrication des remorques habitables.
- 1948 : premiers camping-cars des frères Notin.
- 1951 : commercialisation de la « Camping Box » par Westfalia.
- 1980 : effervescence des véhicules de loisirs.
Visuels : © Notin, Volkswaggen, Westfalia