La Classic Racing School : une école de pilotage pas comme les autres

Publié le 02/07/2025

Fondée en 2017 au cœur des montagnes du Puy-de-Dôme, la Classic Racing School n’a rien d’une école de pilotage traditionnelle. Installée sur le mythique circuit Charade (63), témoin privilégié des grandes heures de la Formule 1 dans les années 60, elle propose à des passionnés de tous âges et de tous niveaux, une véritable plongée dans l’âge d’or de la course automobile. Pour AXA Passion, son fondateur Julien Chaffard revient sur la belle histoire derrière ce projet ambitieux et unique au monde.

L’équipe Classic Racing School
L’équipe Classic Racing School regroupe des passionnés de la compétition automobile.

Comment est née l’idée de la Classic Racing School ?

Ma famille n’a aucun lien particulier avec l’automobile, mais j’ai rapidement eu envie d’entrer dans ce milieu. Je me suis tourné vers des études d’ingénieur, en espérant devenir ingénieur de piste et, à l’occasion d’un stage en 2015, j’ai intégré une écurie basée dans le sud de la France, appelée AGS, qui proposait une école de pilotage en Formule 1. Lors de ce stage, j’ai remarqué l’intérêt croissant pour le pilotage loisir et j’ai commencé à réfléchir à des alternatives à la Formule 1.

Un jour, des amis m’ont offert un coffret cadeau pour un stage de pilotage. Je voulais le réaliser au volant de voitures de course anciennes, mais j’ai constaté qu’aucune offre n’existait. Il était possible de rouler en GT modernes, en Formule 1, Formule 3 ou Formule 4, mais pas en monoplaces classiques. C’est comme cela que l’idée a germé : il y avait un véritable manque à combler.

À cette époque, il me restait encore deux ans d’études. Je suis alors parti au Canada, où j’ai découvert l’entrepreneuriat grâce à Entrepreneuriat ULaval, une structure qui permettait aux étudiants de développer un projet en parallèle de leur cursus universitaire. Je me suis lancé corps et âme dans mon idée, avec pour ambition de ne pas simplement mettre des voitures sur un circuit, mais de recréer une véritable immersion dans les années 1960, avec des monoplaces historiques, un circuit majeur du patrimoine du sport automobile et une ambiance conviviale, loin du monde parfois un peu élitiste de cet univers.

Restait alors à dénicher le circuit et les voitures. Comment cela s’est-il déroulé ?

Avec mon associé, nous avons cherché un constructeur capable de refabriquer des voitures d’époque à l’identique. Après de nombreuses recherches, nous sommes tombés sur Crosslé, un fabricant basé en Irlande du Nord. Il s’agit de la plus ancienne usine de voitures de course au monde, toujours installée dans ses locaux d’origine. Rien n’a changé depuis 1958. Ils ont adoré notre projet et ont rapidement accepté de nous accompagner.

Il nous restait à trouver un circuit, et nous avons eu le bonheur d’apprendre que celui de Charade était disponible. Le circuit a accueilli la Formule 1 entre 1965 et 1972, c’était le cadre parfait.

Il restait la question du financement. Deux jeunes de 20 ans qui cherchaient à lever un million d’euros pour une école de pilotage historique, ce n’était pas très crédible aux yeux des banques. Nous avons opté pour une stratégie médiatique en contactant tous les rédacteurs en chef des magazines spécialisés. La plupart ont été très réactifs, ce qui nous a permis d’obtenir de nombreux articles. Parfois, ce n’était qu’un quart de page, mais l’objectif était atteint : faire parler du projet et attirer des passionnés prêts à investir en achetant les voitures. En effet, tous nos véhicules sont privés, ils appartiennent à ces investisseurs.

En deux ans, tout était en place et nous sommes, encore aujourd’hui, la seule école de pilotage historique au monde. Notre volonté est de recréer l’esprit des années 1960. Une ambiance à la fois simple et amicale. Nous accueillons tous les profils, de 18 à 85 ans, qu’ils soient novices ou anciens vainqueurs des 24 Heures du Mans.

Circuit Charade

Sur le plan entrepreneurial, quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?

Étonnamment, la phase la plus compliquée est arrivée après le lancement. À 20 ans, on ne mesure pas encore tous les défis qu’implique la création d’une entreprise.

Les deux premières années ont été relativement sereines. Grâce à la presse, nous avons facilement trouvé des voitures, et le circuit, étant peu exploité, ne posait pas de contraintes particulières. La rentabilité n’était pas encore une priorité ; notre principal objectif était de nous faire connaître et d’obtenir de premiers retours.

Les véritables difficultés sont apparues au bout de trois ans, avec la nécessité d’équilibrer notre modèle économique. Mettre des voitures sur un circuit et faire parler de nous était une chose, mais rentabiliser le projet en était une autre. Nous sommes entrés dans la réalité concrète d’une entreprise qui doit générer des profits.

Vous proposez une immersion complète dans l’univers du pilotage des années 60. Comment se déroule une journée à la Classic Racing School ?

Nous mettons un point d’honneur à assurer une cohérence parfaite dans l’expérience que nous proposons. Notre lounge est aménagé avec du mobilier d’époque, des objets authentiques et des matériaux nobles. Faire rouler nos voitures sur un circuit ultra-moderne comme le Castellet (83) n’aurait aucun sens. En revanche, les faire évoluer sur Charade, qui les a réellement accueillies à l’époque, donne une véritable valeur ajoutée.

Avant même l’arrivée sur le circuit, chaque participant reçoit chez lui une lettre personnalisée, imprimée sur du papier d’époque. Un suivi par mail, que nous appelons le « driver’s guide », lui permet de découvrir le tracé à travers des vidéos embarquées et un tour commenté.

Le jour J, l’expérience commence par un petit-déjeuner en compagnie des coachs, des mécaniciens et de toute l’équipe. Les participants découvrent ensuite leur tenue complète dans de vieux casiers des années 1950. Après un briefing d’une vingtaine de minutes, ils effectuent quelques tours de reconnaissance en berline, puis en monoplace en suivant un instructeur, avant de réellement commencer les sessions.

Le repas du midi se déroule sur la ligne droite des stands, au milieu des voitures ou dans l’atelier en cas de pluie. L’après-midi, les participants repartent pour trois à quatre séries, dont l’objectif est d’appliquer les notions abordées le matin, en affinant leurs trajectoires et leur technique de freinage.

L’organisation en petits groupes permet de ne jamais surcharger la piste. Ceux qui ne roulent pas assistent aux sessions en bord de piste, accompagnés des instructeurs pour observer et apprendre. Aucun temps mort ne vient interrompre l’expérience, ce qui permet une immersion totale.

Lounge Rétro

Pourquoi avoir choisi le circuit de Charade comme base pour votre école ?

Plus jeune, je jouais à un jeu vidéo qui s’appelait GT Legends, dans lequel apparaissait ce circuit que je trouvais fabuleux en termes d’expérience de pilotage. Je me suis dit que ce serait super de pouvoir nous installer ici, car les sensations seraient certainement décuplées en vrai.

Pour les passionnés de sport auto de cette époque, le circuit est mythique. La F1 est arrivée en 1965, avec quatre Grand Prix disputés jusqu’en 1972 et de très grands noms : Jim Clark, Jackie Stewart, François Cevert, Jean-Pierre Beltoise, etc.

Le tracé faisait initialement 8 kilomètres de long, avec un dénivelé moyen de 9 %. De vraies montagnes russes ! C’est d’ailleurs l’un des rares circuits au monde, littéralement construit dans la montagne. L’endroit est complètement perdu dans la nature, avec une atmosphère assez mystique.

En 1989, le circuit a été réduit à quatre kilomètres, mais la nouvelle version reprend pour 3/4 le tracé originel et propose toujours autant de dénivelé. Pour l’anecdote, une grande partie de la piste d’origine empruntait une route départementale ouverte à la circulation. Ce qui signifie que n’importe qui pouvait venir rouler librement sur le circuit.

Vous utilisez des monoplaces Crosslé 90F, répliques d’un modèle de la fin des années 60, la Crosslé 16F. Pourquoi ce choix ?

Pour faire simple, la Crosslé 90F est une version neuve de la 16F. Lorsque nous avons cherché à faire fabriquer nos voitures, nous nous sommes basés sur la première monoplace conçue par Crosslé : la 16F. Je trouvais cette voiture magnifique et elle avait gagné le championnat de Formule Ford. Donc la base était bonne pour proposer un modèle avec un peu de pedigree.

À l’époque, la Formule Ford était la quintessence du sport automobile et une étape clé pour accéder à la Formule 1. D’ailleurs, les Formules 3, Formules 1 et Formules Ford de cette époque étaient très proches en matière de conception.

Évidemment, la 16F n’était plus produite. Crosslé n’en avait fabriqué que quarante et il devait en rester une trentaine, dont la plupart aux États-Unis. J’en ai d’ailleurs acheté une, à titre personnel, pour voir comment elle se comportait, avant de faire fabriquer notre modèle.

La 90F est une réédition de la 16F, conçue à l’identique, avec le même châssis, les mêmes trains roulants et la même coque. Nous avons simplement dû faire trois ajustements pour la rendre plus accessible : un arceau plus grand, car la 16F de l’époque accueillait des pilotes d’1,60 m, un moteur plus moderne et plus coupleux, et un réservoir plus petit, permettant de reculer l’assise de vingt centimètres.

La 16F était équipée du moteur Ford Kent 1 600, utilisé par toutes les Formule Ford des années 60/70. Un véritable moteur de course, mais très difficile à utiliser pour le grand public : il ne se passe rien en dessous de 4 000 tours et il casse au-delà de 7 000. Une plage très faible et impossible à manier pour des non-professionnels.

Nous avons donc opté pour un moteur 2 litres, toujours issu de la gamme Ford, mais plus récent puisqu’il date des années 90. Il conserve l’esprit de l’époque, sans assistance et avec ce carburateur qui fait partie de l’identité de la voiture, mais beaucoup plus fiable et facile d’accès.

La 90F reste donc bien une 16F, sans ABS ni ESP, fabriquée à la main sur les mêmes chaînes de production, avec le strict minimum de modifications pour la rendre plus accessible.

Monoplaces sur le circuit Charade
Ligne droite des stands du circuit Charade

Avez-vous déjà accueilli d’anciens pilotes venus rouler sur votre circuit ?

Lorsque nous avons lancé l’école, le sport automobile était un univers qui me faisait rêver et dans lequel j’avais de nombreuses idoles, mais nous n’avions aucun contact. Aujourd’hui, nous avons beaucoup d’anciens pilotes qui nous soutiennent, font partie de notre communauté et viennent rouler sur le circuit.

Jacky Ickx, Henri Pescarolo, Gérard Larrousse, Philippe Alliot, Benoît Tréluyer… Certains viennent pour retrouver les sensations qu’ils ont connues à l’époque, d’autres, plus jeunes, viennent découvrir ce type de pilotage. Pour nous, c’est une immense fierté de pouvoir rencontrer nos idoles et partager notre passion avec eux.

Au-delà de nos clients, notre équipe elle-même est composée de personnes issues du sport automobile. Mon associé, Pierre Sancinéna, est un pilote professionnel et coach ayant notamment accompagné les participants du GP Explorer, et Isack Hadjar, actuellement en Formule 1. Parmi nos instructeurs, nous avons aussi Loïc Depailler, fils de Patrick Depailler, ou Arthur Rougier, pilote officiel McLaren en GT3.

Jacky Ickx
Jacky Ickx, ancien pilote automobile, 6 fois vainqueur des 24 Heures du Mans.

La Classic Racing School est aussi une écurie de compétition. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Comme je vous le disais, avant même la création de l’école, nous avions acheté une Crosslé 16F pour la tester. Une fois l’école ouverte, plusieurs membres de l’équipe ont souhaité faire de la compétition. Nous avons donc créé une écurie de course historique, en Formule Ford.

Nous avons participé aux compétitions de 2019 jusqu’à l’année dernière, avec à la clé un titre de vice-champion de France de Formule Ford Classe A avec notre pilote Nicolas Leblond. Les voitures engagées dans ce type de championnat sont classées par catégories, selon leur année de production (de 1968 à 1984). Par cohérence avec notre projet, nous avons choisi de ne faire rouler que des modèles relevant de la classe la plus ancienne.

En 2021, nous avons même créé un volant, baptisé Volant Michel Vaillant, permettant à des personnes, même sans expérience, de tenter de remporter une saison complète dans notre écurie. Pour le prix d’un simple week-end de stage, le vainqueur gagnait une année entière de compétition avec nous.

Depuis l’an dernier, nous nous retirons progressivement de la compétition monoplace historique pour nous concentrer sur d’autres événements comme Le Mans Classic ou le Tour Auto.

Comment imaginez-vous l’avenir de la Classic Racing School ?

Depuis nos débuts, nous avons connu plusieurs phases d’évolution. De 2017 à 2019, l’école était notre seule activité. Puis en 2019, nous avons lancé l’écurie de course et à partir de 2020-2021, nous avons commencé à nous ouvrir aux entreprises.

Aujourd’hui, notre principal axe de développement est d’améliorer notre visibilité, notamment auprès de ces entreprises. L’objectif est de se faire connaître au-delà du sport automobile et de développer une activité événementielle et de team building particulièrement originale.

Nous travaillons également sur la saisonnalité de nos activités. À Charade, nous ne pouvons rouler que de mars à octobre, donc nous avons développé une antenne en Espagne pour organiser des stages également durant l’hiver.

Enfin, nous avons aussi mis en place une offre itinérante. Grâce à notre écurie de course, nous avons pu développer toute la logistique nécessaire pour nous déplacer sur d’autres circuits. Jusqu’ici, nous n’étions présents qu’à Charade, mais désormais, selon la demande, nous pouvons proposer des stages de pilotage n’importe où.

D’autres gros projets à plus long terme sont-ils prévus ?

Notre gros projet des prochaines années est la création d’un championnat monotype. La voiture est actuellement en phase finale d’homologation avec la FFSA. Dès 2026, nous proposerons des formules clés en main permettant de participer à une compétition dans le même esprit que nos stages, avec la même équipe encadrante.

Le format retenu proposera deux séances d’essais libres, deux séances de qualifications et quatre courses de vingt minutes. L’objectif est de garantir une équité sportive totale en mettant à disposition des voitures identiques, tout en assurant une gestion uniforme du parc automobile.

D’ici trois ans, nous aimerions organiser une dizaine de courses par an, réparties sur des circuits en France et en Europe, avec une grille de trente à trente-cinq voitures. L’événement se greffera sur des événements tels que ceux organisés par Caterham et se déroulera sur deux jours, le vendredi et le samedi, avec une logistique entièrement prise en charge : les voitures et les équipements seront mis à disposition sur place, la restauration sera incluse, et les participants n’auront qu’à réserver leur hébergement.

Aujourd’hui, lorsqu’un pilote souhaite se lancer en compétition, il se retrouve souvent sans réel accompagnement. Avec ce championnat, notre ambition est d’apporter le même encadrement que sur nos stages, afin de démocratiser la course automobile historique.

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Visuels : © Classic Racing School, Killian Herbert, Benjamin Fournier, Joris Clerc, Julien Chaffard