Analyse du marché du deux-roues 2024 :
entre artifices et certitudes

Publié le 14/01/2025 Par Thierry Traccan

Au-delà des immatriculations artificielles programmées par les constructeurs en fin d’année qui gonfleront les résultats, le marché reste intrinsèquement solide, poursuivant sa route sur un haut plateau depuis cinq années maintenant.

Traditionnellement, le mois de décembre prend pour les marques des allures de « money time », le moment pour la majorité d’entre elles de demander à leur réseau de concessionnaires de faire l’effort d’immatriculer des motos neuves alors même qu’elles n’ont pas trouvé - physiquement - d’acquéreur. Pourquoi cette manœuvre ? Soit pour améliorer son classement au palmarès des constructeurs, soit pour alléger ses stocks et faire de la place aux nouveaux millésimes, soit parce qu’une norme arrive à échéance au 31 décembre et impose de vendre, avant cette date, tous les modèles qui ne répondent pas à la suivante… Soit, parfois, les trois à fois... Voilà exactement ce qui était annoncé pour ce mois de décembre 2024, et si nous avons arrêté pour analyse ces chiffres à fin novembre, nous pouvons à leur lecture affirmer que les grandes manœuvres ont déjà commencé. Avec la nouvelle norme Euro5+ qui entrera en vigueur dès janvier 2025, pas d’autres choix pour les marques que d’immatriculer dans leurs magasins celles qui se contentent d’Euro5. Ainsi, voit-on des marques comme Peugeot ou Kymco afficher des chiffres records, avec parfois des hausses de +400 %...

Yamaha X-Max 125
Yamaha X-Max 125

Des rideaux de fumée qu’il nous faut traverser pour regarder plus justement la réalité de notre marché. Et ce que l’on peut en dire, c’est qu’il reste solide, divers et varié. Peu importe s’il avait dû finir légèrement en négatif cette année (avec les immatriculations forcées, il est déjà légèrement positif à fin novembre et le sera de façon plus marquée fin décembre), le volume global de véhicules écoulés s’inscrit une nouvelle fois parmi les meilleurs résultats jamais enregistrés. Depuis 2019, le marché de la moto bat ou flirte avec ses scores records, montrant son dynamisme et sa capacité à tracer sa route, même dans un environnement économique, politique, et géopolitique, perturbé. La moto est un créateur d’émotion portée par un cœur de passion, comme un îlot de résistance face à une société jugée de plus en plus décevante. Et on peut le mesurer à la diversité des modèles vendus, même en s’arrêtant sur le top 15 des ventes (à fin octobre). Roadsters, trails, scooters… modèles accessibles financièrement ou au contraire élitistes, petites ou grosses cylindrées, il y en a pour tous les goûts, et si on s’enfonce un peu plus loin dans le classement, s’y ajoutent des sportives, des néorétros… Le catalogue de la moto représentée, portée par ses best-sellers R 1250 et 1300 GS, Hornet 750, Tracer 9, Ténéré ou MT-07, sans oublier les scooters qui emportent tellement d’évidences pour accompagner ses trajets en milieu urbain et périurbain.

Honda Forza 125Honda Forza 125

Analyse de Vincent Thommeret, Président de la Chambre Syndicale des Importateurs de l’Automobile et du Motocycle

Vincent Thommeret
Vincent Thommeret

Bilan 2024

Marché total

Janvier à novembre 2024 : 176 416 unités

« Je dirais que le marché s’est fait en deux temps cette année. Déjà, nous avons pu constater que le déclin du marché du 50 cm3 continue. Il y avait eu un sursaut pendant la Covid, mais là, on revient sur une pente descendante… Le 50 n’est plus un produit destiné aux jeunes, mais est utilisé par les livreurs dans les centres-villes, et aujourd’hui ils les remplacent par des sortes de vélos électriques illégaux car débridés au-delà de 35 km/h. Ça leur permet de prendre les sens interdits, les pistes cyclables, et d’aller aussi vite qu’avec un 50 cm3… Ce marché est terminé.

Les évolutions sur les onze premiers mois

  • 125+ gros cubes : -2 %
  • Gros cubes de + de 125cm3 : + 0,5 %
  • 125 + gros cubes + 3 roues : + 8 %

Top 20 des constructeurs de deux-roues motorisés2

Tableau top 20 des constructeurs deux-roues

Le marché du 125 est aussi dans le dur, notamment à cause des politiques des villes, les parkings payants, et puis le télétravail qui reste développé. Un double impact qui rend les choses inquiétantes pour le marché du commuting1.

Le marché de la grosse cylindrée bénéficiait d’un début d’année tout à fait correct, avec une nouvelle progression de l’ordre de + 4 % alors que, je le rappelle, nous sommes sur les records historiques. Les cinq dernières années ont affiché cinq records consécutifs… Donc, je dirais que tout allait bien, jusqu’à la dissolution de l’Assemblée nationale. Avec cette dissolution, nous avons subi un retournement de marché. Il y a depuis beaucoup d’inquiétudes, sur les impôts, sur une forme d’instabilité, ça a mis un coup de frein au marché. De notre côté, nous avons fait beaucoup d’efforts au niveau tarifaire pour soutenir l’offre, sachant en plus que l’on arrive à un changement de normes, avec des stocks à écouler. Toutes les marques ont joué la promotion à fond, et aujourd’hui le marché est comme mis sous perfusion. Mais malgré tout, la moto reste préservée par rapport à d’autres marchés, notamment l’automobile qui souffre beaucoup plus. Pour cette fin d’année, avec les immatriculations sur stock, le chiffre sera artificiellement gonflé, et on risque de le payer sur les premiers mois de 2025 parce que tous ces véhicules immatriculés en concession, quand ils vont trouver client, ils ne vont pas être immatriculés une seconde fois. Attention aux vases ‘‘communicants’’…».

Top 15 des immatriculations3

Tableau top 15 des immatriculations

Perspectives 2025

« Je reste un éternel optimiste, et franchement, quand on voit le récent salon de Milan avec autant de nouveautés, on comprend que nous avons une chance immense : celle d’avoir un métier et un marché qui sont animés par la passion et l’envie de se faire plaisir, donc une envie qui est très souvent alimentée par le produit. Dès que le produit évolue, tu donnes envie aux gens de changer de véhicule. À Milan, on a vu qu’il allait y en avoir pour tous les goûts et pour toutes les bourses. À ce titre, les constructeurs majeurs historiques font de gros efforts pour limiter les impacts de l’inflation, proposant des modèles 2025 ayant bien évolué à des prix équivalents à l’euro près à celui de 2024. Il y a une vraie dynamique suite à Milan, on va voir comment les immatriculations artificielles de fin 2024 seront gérées début 2025. Mais je suis confiant, l’automobile va être encore impactée par les récentes mesures gouvernementales, la moto restera cet achat passion ».

1 Le commuting désigne les trajets réguliers entre la maison et le lieu de travail/d’études.

2 Janvier à fin novembre 2024

3 Janvier à fin octobre 2024

Lire aussi : Les tendances deux-roues 2025Obtenir mon Tarif d'assurance Moto

Visuels : © Photos DR