Planète moto : les tendances 2025, une année riche
Publié le 15/01/2025• Par Thierry Traccan
Finalement, peu importe la situation économique compliquée de notre vieille Europe ou les tensions géopolitiques qui ébranlent le monde, rien ne semble pouvoir ralentir l’industrie du deux-roues motorisé qui avance toutes voiles dehors. L’année 2025 sera une nouvelle fois impressionnante.
Salon de l’EICMA, Milan 2024.
Zoom sur L’EICMA 2024
Si la réussite commerciale de l’année 2025 s’envisage aux chiffres spectaculaires recueillis lors du récent salon EICMA de Milan, on imagine alors une industrie du deux-roues motorisé pressée d’entamer cette nouvelle année. Pour la 81ᵉ édition de la grand-messe milanaise, ce sont près de 600 000 visiteurs (soit 40 000 de plus qu’en 2023) qui se sont rués - en l’espace de six petites journées - dans les 10 halls qui composaient les 330 000 m2 de l’exposition 2024, avec pour la première fois 770 exposants recensés (venant de 45 pays et dont 26 % participaient pour la première fois) pour nous présenter un total de 2 163 marques !
C’est bien simple, quelle que soit l’allée empruntée, il était bien difficile de savoir quand arrêter de tourner de la tête pour espérer rater le moins de choses possibles… Il y en avait partout, et dans tous les styles. Et comme nous n’avons pas encore de cervicales montées sur rotules, ni une souplesse naturelle nous permettant de tourner le cou à 360°, nous nous sommes donc résolus à chausser nos plus confortables baskets pour en faire plusieurs, des tours de ce salon. Et tant pis pour les courbatures accrochées aux jambes, elles en valaient la peine. Des courbatures derrière les mollets à force d’arpenter en long, en large et en travers les allées milanaises, mais aussi des courbatures dans les adducteurs à force d’enjamber les selles de toutes ces belles, et ainsi envisager in situ, fut-ce en statique, la vie à bord proposée.
Il y en avait des nouveautés à enfourcher, largement plus de 100 sur cette édition. Des basses de selle, des plus hautes, des trop hautes parfois, des étroites, des nettement plus larges, des spartiates, des confortables, des entre-deux, des pour deux, des selles de célibataire, des selles amoureuses… Montre-moi ta selle et je te dirai qui tu es ? On va tâcher de vous éclairer sur qui elles sont.
Le trail a toujours le vent en poupe
Les selles de ces trails, elles sont pour la plupart haut perchées. Parfois trop. Et plus elles sont hautes, moins elles se montrent confortables. Plus de hauteur imposée par les choix de géométrie (mais aussi le débattement des suspensions ou encore la garde au sol, cet accord qui garantit la possibilité de se jouer des mouvements de terrain en off-road) conduit les constructeurs à garnir de moins d’épaisseur de mousse pour tenter de rendre les choses supportables... en limitant cette hauteur de selle.
Des selles souvent plates en somme. Certaines font l’effort, d’autres pas vraiment. Vous me direz que tout dépend de la taille du pilote ? C’est vrai, mais pour des motos imaginées pour l’aventure comme le sont les nouvelles Yamaha Ténéré pour 2025, Aprilia Tuareg Rally, CF Moto 800 MT, Kove 800, Voge 800, les moins d’1,80 m auront bien du mal à poser leurs pieds à plat. Même Coluche n’aurait pas dit autre chose, lui qui déclarait que « la bonne hauteur c’est quand les pieds touchent par terre ! ». Et la bonne hauteur, c’est donc encore mieux si les pieds touchent à plat, surtout pour des motos qui restent lourdes et délicates à manœuvrer à l’arrêt.
Des trails de moyennes cylindrées (entre 700 et 800 cm3) qui rendraient une copie quasi parfaite grâce à leur polyvalence réelle qui leur assure une utilisation naturelle aussi bien sur la route que sur les chemins, à leurs tarifs contenus, à leurs performances générales, si elles ne souffraient de ces gabarits qui impressionnent (et à raison) souvent.
Et plus on monte en cylindrée, plus ça s’accentue. Pas toujours pour la taille de selle il est vrai, puisque la hauteur est parfois « contenue », mais pour les mensurations XXL. Dans le genre, la nouvelle BMW R 1300 GS Adventure impressionne carrément. Même chez le constructeur, on l’a surnommé le Rhinocéros, c’est dire. Il faut reconnaitre que les lignes sont pour le moins massives, les dimensions généreuses, de quoi laisser s’échapper un filet de sueur froide entre ses épaules en imaginant la belle à terre, et nous d’aller chercher de l’aide pour la relever. Mais la force de cette BMW, c’est cette faculté à faire oublier son poids dès qu’elle se met en branle. Les kilos s’envolent en même temps que les kilomètres/heures s’additionnent. Une réalité dynamique qui contraste avec les évolutions moteur arrêté. C’est là son talon d’Achille, en plus d’un prix de vente lui aussi « généreux ».
Un marché du trail qui a donc le vent en poupe, un vent qui se renforce, poussant chaque marque à développer sa moto d’aventure (on peut ajouter ici KTM avec ses nouvelles 790 Adventure et 890 Adventure R, Honda qui a modifié légèrement l’esthétique de sa Transalp). Des trails le plus souvent polyvalent, mais aussi parfois le choix de modèles plus routiers, équipés de roues de 17 pouces à l’avant et à l’arrière (les profils des pneumatiques pour ces dimensions sont quasi exclusivement routiers), voire de 19 pouces à l’avant et de 17 à l’arrière.
Des trails qui ont remplacé la catégorie GT (celle des Honda Pan European, Yamaha FJR 1300…) et offrent par leurs aptitudes un potentiel dynamique routier assez incroyable. Parmi les nouveautés de cette année, citons par exemple la nouvelle Ducati Multistrada V4S, sorte de missile sol-sol à très longue portée sur lequel on voyage dans l’espace dos droit, et mains confortablement posées sur un large guidon. Le trail, c’est aussi de plus en plus les petites cylindrées, à l’image de Suzuki qui présente deux déclinaisons de sa DR-Z4. Des petites « moyennes » cylindrées qui dépassent les frontières des pays pour lesquels elles ont été imaginées, comme nous le détaillons dans les lignes suivantes.
Honda nous a surpris avec sa GB 350, une excellente affaire sur le segment néo-rétro.
Des moyennes cylindrées qui prennent du volume
Il va devenir compliqué d’ordonner les choses à cette allure... Avant, il y avait les petites cylindrées, on va dire jusqu’à 125, puis les moyennes cylindrées, entre 600 et 800, et enfin les grosses, à partir de 900 (mais plus communément dès 1000 cm3). Avec l’arrivée d’une ribambelle de 300, 400, 450 ou 500 cm3, on en vient à sous-qualifier la catégorie, pour la définir comme celle des « petites moyennes » cylindrées. Des motos longtemps imaginées pour les marchés émergents, ceux d’Asie du Sud-Est ou d’Amérique du Sud. Une montée en gamme pour ces pays qui passaient des 125 ou 150 cm3 à des cylindrées deux à trois fois supérieures.
Longtemps tenus éloignés de nos marchés occidentaux (simplement parce que les tests commerciaux n’avaient pas donné les résultats escomptés pour les marques), ils reviennent en force. Pourquoi ? Déjà parce que le pouvoir d’achat des ménages n’est pas forcément allé en augmentant, et que ces cylindrées deviennent de fait des alternatives crédibles quand on souhaite acheter un véhicule neuf (les prix, en fonction des marques et modèles, varient entre 4 500 et 8 000 €). Ensuite, parce que le développement des plateformes communes et les technologies maîtrisées permettent de développer des modèles très aboutis, esthétiquement valorisants, et performants !
Pour cette année 2025, nos petites « moyennes » investissent toutes les catégories, le trail comme nous l’avons vu juste avant avec Suzuki qui profite des normes Euro5+ en vigueur dès janvier pour remettre à jour sa DR-Z4 (déclinée en version trail et supermotard) et l’importer de nouveau sur le continent européen (elle se réservait jusque-là aux USA), mais aussi des Honda CRF 300 L et Rally revisitées, la KTM 390 Adventure R, Morbidelli T352X et T502X… même BMW a récemment dévoilé un concept F 450 GS tellement abouti qu’il est à parier qu’il sera bientôt sur la route.
Et les trails ne sont pas les seuls à être animés par ces cylindrées, on en trouve beaucoup dans la catégorie roadster, à l’image des inédites Aprilia Tuono 457 ou Kawasaki Z 500, mais aussi dans le genre néo-rétro avec la Honda GB 350. Une catégorie en plein boom qui, à l’inverse de la majorité des trails évoqués plus haut, joue la carte de l’évidence. Des motos légères, accessibles au niveau gabarit, des motos qui s’adaptent à tous les utilisateurs et utilisatrices. Des atouts qui devraient les enraciner durablement dans notre marché.
La nouvelle R9 sera la seule hypersportive Yamaha homologuée pour un usage routier.
Les sportives confirment leur volonté de reconquête
Les radars automatiques sont passés par là… Et ça fait 20 ans déjà. On pensait que la vitesse avait perdu de son attrait, et avec elle, les sportives, de leur légitimité. Ça a été le cas pendant de nombreuses années, les constructeurs laissant l’ex-filon se tarir de manière naturelle. Pourtant, l’année 2025 semble rebattre les cartes. Les constructeurs qui s’étaient détournés de ce segment y reviennent.
Honda avait déjà pris ce chemin l’an passé en décidant de réimporter (ce qui imposait une remise à niveau quant au respect des normes) sa supersportive CBR 600 RR, Yamaha fait de même en 2025 en proposant une inédite R9 motorisée par un 3-cylindres tandis que KTM arrive avec une très jolie RC9. On peut aussi souligner les efforts faits par Aprilia et BMW qui apportent toujours un peu plus de technologie (et de performance !) à leurs incroyables RSV4 et Factory, S 1000 RR et M 1000 RR, à Ducati qui à côté de sa Panigale V4 propose cette année une Panigale V2 certes moins puissante, mais aussi plus abordable d’un point de vue tarifaire.
Un argument repris par les Chinois qui proposent des sportives à trois ou quatre cylindres particulièrement prometteuses (CFMOTO 675SR-R, QJMOTOR SRK 921 et 600 RS, Zontes, Voge…), tout autant que cette Bimota KB998 développée avec un cœur de Kawasaki ZX-10R.
L’année 2025 sera sportive ou ne sera pas, avec cette polyvalence pour ces modèles capables de remplir bien des usages. De la moto pas même homologuée et destinée exclusivement au circuit (KTM RC9 Track, Yamaha R6 et R1. Eh oui, la R1 ne sera plus vendue l’année prochaine avec une carte grise) à la petite sportive 300 ou 400 cm3 qui embrasse la philosophie tout en se montrant bien plus abordable d’un point de vue dynamique ou financier.
Sous un nom italien, se cache une technologie japonaise, et les liserés verts sur les roues trahissent la filiation avec la marque Kawasaki.
La Chine et l’Inde à l’assaut de l’Occident
Cette fois le plan de bataille est limpide, la Chine et l’Inde, sans l’avoir orchestré de concert, ont cette volonté affirmée de conquête du marché occidental. Lors du récent salon de Milan, les stands des constructeurs indiens et chinois rivalisaient avec ceux de leurs homologues japonais. Des surfaces d’exposition conséquentes, et surtout, beaucoup de modèles pour les garnir.
En faisant le tour des marques les plus reconnues, Royal Enfield et Hero pour l’Inde, CFMOTO, QJMOTOR, VOGE, par exemple, pour la Chine, on mesure la montée en gamme réalisée. Les finitions sont de bonne et même de très bonne qualité, les designs s’émancipent des lignes connues des marques référentes qu’autrefois elles copiaient (on parle là des Chinois, les Indiens ont toujours eu leur propre style), les technologies s’agrègent et les performances s’affirment.
Beaucoup de ces modèles n’ont aujourd’hui plus rien à envier (si ce n’est le réseau commercial, encore largement à l’avantage des marques japonaises ou européennes) à leurs concurrents directs, et elles continuent de faire la différence au niveau des prix, mais aussi de leur singularité si l’on parle de Royal Enfield qui nous entraine dans un univers à nul autre pareil. Dans ce contexte, les sociétés japonaises mesurent le danger, et réagissent au plus près en venant aligner quand nécessaire une alternative sur la cylindrée (on pense aux 300 et 400 cm3), ou en faisant en sorte de pouvoir les challenger au niveau du prix, même si sur ce terrain les marques indiennes et chinoises possèdent un coup d’avance. Cette fois on peut le dire, le match est engagé.
Une belle prise, l’électrique ?
Dans l’univers du deux-roues motorisé, l’électrique est la catégorie qui polarise le plus la communauté. Surtout, il existe un décalage immense entre les déclarations d’intention d’une industrie poussée par des désidératas politiques et une réalité économique qui se rapproche du voltage zéro… Il y a bien ces marques pure player, exclusives si vous préférez, qui vivent pour l’essentiel de subventions allouées soit par l’état (de Californie en l’occurrence pour Zero Motorcycles), soit par l’Europe (ça s’est tassé toutefois, l’Italien Energica et le Suédois Cake faisant naufrage au moment où les vannes se sont coupées), mais qui sont dans l’incapacité de vivre du fruit de leur production.
La nouvelle KTM électrique destinée à un usage enduro.
À côté, les gros observent. Quelques concepts chez Honda, quelques approches ciblées dans le groupe KTM (via l’axe de la rando loisir avec sa Freeride qui sera dans les magasins au printemps prochain), quelques tentatives plus ambitieuses pour Kawasaki (Ninja e-1, sortie en 2024 des chaînes de production, mais hélas, pas des concessions). Le moment choisi pour Can-Am de faire le pari d’y venir, proposant à côté de ses trois roues atypiques une moto aux allures de trail (Origin) et l’autre d’un roadster (Pulse), avec un prix d’appel débutant à 17 000 €.
C’est toujours le même problème avec les deux-roues motorisés électriques, l’autonomie ridicule et le tarif majuscule. Une équation insoluble pour le moment, incapable de trouver son inconnue… le client. Dans le rouge sur notre marché hexagonal en 2024, et avec des caisses publiques exsangues qui ne permettent pas d’incitations fi nancières suffisantes pour soutenir une politique d’offre, comment le segment électrique pourrait se redresser l’année prochaine ?
Spécialiste des trois-roues thermiques, Can-Am vient sur le marché du deux-roues avec une offre électrique.
Des scooters à choix multiples
Ils comptent parmi les meilleures ventes du marché hexagonal, notamment avec le Honda Forza 125 (1er à fin octobre), le Yamaha X-Max 125 (3ᵉ) et T-Max 560 ou encore l’original X-ADV 750. D’ailleurs, ces deux derniers modèles font leur mue pour 2025. Des scooters qui offrent des performances de moto (sportive) tout en offrant des aspects pratiques plus développés. Alors certes, ces deux véhicules restent chers, mais il existe dans la production beaucoup de modèles bien plus accessibles financièrement, et bien moins exclusifs d’un point de vue de la performance.
Pas facile de toucher une icône telle que le Yamaha T-Max. Le lifting est réussi.
Toutes les marques travaillent le scooter qui reste le deux-roues motorisé idéal pour affronter la jungle urbaine. Une offre généreuse proposant pléiade de modèles à prix serrés, des coffres volumineux, des protections valeureuses, des consommations ridicules… Aujourd’hui, un 125 cm3 4 temps représente - sans l’ombre d’un doute - l’une des solutions idéales pour décongestionner nos villes, que ce soit dans le trafic ou quand il est stationné. Un rapport nuisance/performance à l’avantage du scooter (mais ça vaut aussi pour la moto), reste à convaincre alors les pouvoirs publics dont les dogmes hélas s’imposent trop souvent à la raison.
Italjet ou les scooters en mode dragster...
La moto en mode automatique
L’année 2025 verra les motos à transmission automatique (ou assimilée) prendre davantage d’importance dans les catalogues, et certainement sur nos routes. Si nos scooters ont depuis bien longtemps abandonné le passage manuel des rapports, la moto s’y met, ou en tout cas propose parfois cette technologie en complément d’une transmission mécanique classique.
Honda a été le précurseur dans le développement de série de cette technologie, maîtrisant aujourd’hui parfaitement son système DCT. Un DCT (pour Dual Clutch Transmission) que le premier constructeur mondial adopte sur la majorité des modèles de sa gamme, des motos de moyenne cylindrée (style NC 750X ou Hornet 500) jusqu’à la colossale GoldWing 1800. Le constructeur BMW y va de son système baptisé ASA1 qui équipe par exemple les best-seller R1300GS et Adventure. Quant à Yamaha, c’est l’Y-AMT qui accompagne les performances de ses roadsters MT-09, MT-07 ou la famille Tracer 9.
Au-delà des spécificités techniques propres à chacune des marques, retenons l’objectif visé qui est de proposer une conduite sans jamais se servir du sélecteur de vitesses, mais bien de s’appuyer sur la gestion pilotée qui autorise d’évoluer l’esprit serein, en mode automatique.
Transmission auto KTM.
Salon du 2-Roues de Lyon
Organisé cette année plus tôt dans la saison puisque programmé du 13 au 16 février 2025 (l’an dernier, c’était début mars), le salon de Lyon sera une nouvelle fois l’occasion de découvrir de visu toutes celles qui feront l’actualité 2025. On ne peut que vous encourager à réserver votre venue du côté de l’Eurexpo, en périphérie de Lyon, et à parcourir les 130 000 m2 d’un feu d’artifice d’expositions qui met en avant, comme nul autre endroit au monde, notre passion du deux-roues motorisé. Une nouvelle fois, dans la capitale des Gaules, vous aurez droit au triptyque gagnant composé d’1/3 de commerce, d’1/3 d’exposition et d’1/3 de show. Mi-février, c’est à Lyon que la moto tient salon ! Renseignements ici : www.salondu2roues.com
1 Automated Shift Assistant. C’est une nouvelle technologie qui simplifie le passage des vitesses.
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Visuels : © Photos EICMA/DR, Honda