Julien Bodel : cofondateur GS Do Brasil

Publié le 24/11/2025

Depuis dix ans, GS Do Brasil fait voyager les passionnés d’automobile à travers l’histoire méconnue mais fascinante des véhicules brésiliens. Fondée par Julien Bodel et Thomas Cocaud, la société s’est spécialisée dans l’importation et la restauration de voitures de collection venues tout droit du Brésil, avec en vedette le mythique Combi Volkswagen. Nous avons rencontré Julien Bodel pour revenir sur cette aventure singulière.

Si vous deviez résumer dix années d’aventure avec GS Do Brasil, comment la raconteriez-vous ?

En condensant ces 10 ans sur une année, ça donnerait quelque chose comme ça :

Dans le premier « trimestre », l’idée, c’était de faire connaître les véhicules brésiliens en France. On les rachetait, on les remettait au propre, et on les revendait. Au début, on ne faisait que du Combi, le plus connu.

Pour le second, à force d’être sur place et de voir des modèles incroyables, on s’est dit qu’il fallait aussi proposer d’autres autos : Puma, Gurgel, Coccinelle, etc.

Au troisième, on est monté en gamme sur la qualité des Combi, en plus d’augmenter nos volumes. Et pour cause, nous étions de plus en plus en lien avec des Brésiliens résidant en France qui souhaitaient y retrouver des voitures de leur pays.

Et dans le quatrième trimestre le développement est multiple, mais le fil rouge reste le véhicule de collection brésilien, avec le Combi en tête d’affiche.

À côté, on fait de plus en plus de Puma, Bianco, Chevette, Brasilia, mais aussi des Formule 1 en résine pour de la déco, des sièges cockpit de gaming, des bars Combi Volkswagen, et pas mal d’autres choses.

Une Puma GTE 1600 de 1976, fabriquée à 3300 exemplaires.

Qu’est-ce qui vous a captivé dans l’histoire de l’automobile au Brésil, au point de créer votre société ?

L’Histoire de l’auto au Brésil est assez condensée mais très riche. Des archives montrent des prémices automobiles dès 1891 mais ce n’est qu’en 1956 que l’histoire automobile brésilienne débute son industrialisation.

La dictature, les taxes d’importation élevées et les fortes variations du Real ont contribué à la faible implantation de marques internationales. Les deux seuls grands protagonistes qui ont vu leur usine s’installer sur le sol brésilien sont Volkswagen et Chevrolet. Une marque allemande et une américaine, juste après la Seconde Guerre mondiale… De nombreux carrossiers collaboreront avec Chevrolet et Volkswagen pour y associer une carrosserie originale avec une mécanique fiable comme pour Puma, Malzoni, Gurgel ou même Bianco.

Ce qui est drôle, c’est qu’aujourd’hui nous ramenons des Chevette (américaines), des Combi (allemands), des Puma (créées par un immigré italien, Rino Malzoni). Tout est lié à l’histoire automobile du pays, de la dictature à l’industrialisation, une adaptation permanente à leur création.

L’histoire automobile du Brésil s’écrit d’abord sous pavillon étranger. Au milieu du XXe siècle, l’État mise sur l’industrialisation locale et attire les constructeurs européens et américains. Dans la région de São Paulo, Volkswagen, Mercedes-Benz, GM, Ford ou Simca ouvrent des usines qui vont façonner le paysage industriel et social. Certaines marques s’adaptent au marché en changeant d’identité : Mercedes devient LHM Phoenix, Alpine devient Willys et Alfa devient FNM, pour ne citer qu’elles.

Ces marques ne se contentent pas d’assembler : elles modifient leurs modèles pour les adapter aux routes, aux préférences locales et aux matériaux disponibles. Naissent alors des icônes « brésiliennes » : la Volkswagen Fusca et la Kombi (équivalents locaux de la Coccinelle et du Combi), produites pendant des décennies, la Chevrolet Opala, le Simca Chambord, puis des créations spécifiques comme la Volkswagen Gol.

Certaines de ces voitures ont connu une longévité exceptionnelle au Brésil, parfois bien au-delà de leur cycle de vie européen. Volkswagen a ainsi poursuivi la production du T2 jusqu’en 2013, alors que le T5 était déjà en fabrication en Europe. À l’inverse, le Taigo a été commercialisé au Brésil dès 2020, un an avant son lancement européen.

Existe-t-il un profil type d’acheteur de Combi brésilien ?

J’aurais du mal à dresser un portrait type, il y a un peu de tout. Des gens qui réalisent un rêve de gosse, d’autres parce que c’est la mode, des très aisés, d’autres qui achètent à crédit. Certains aiment l’objet parce qu’il est tendance, comme peut l’être une Tesla, d’autres le trouvent réellement magnifique. Impossible d’établir un profil type, et c’est ce qui me plaît car chaque client a un besoin différent.

Pour l’usage, c’est pareil : certains ne roulent jamais. J’ai un client à Nice qui a dû faire 10 km. À l’inverse, cet été, un autre m’a écrit depuis Nazaré au Portugal, alors qu’on s’était vu à Chartres la semaine précédente !

À quel prix peut-on espérer acquérir un Combi brésilien aujourd’hui ?

Pour vous donner un comparatif, un Combi européen peut se vendre aujourd’hui entre 120 000 et 200 000 €. Le record du monde est même autour de 300 000 €.

Pour un Combi brésilien, c’est environ un tiers de ces prix. Mais certains acheteurs se fichent de la distinction Brésil/Europe : ils le trouvent beau, ils le veulent. Ce sont souvent des clients qu’on trouve via de grandes maisons de vente. Comptez 35 000 € minimum, jusqu’à 50 000 € pour une très belle config et 60 000 € pour une restauration totale et personnalisée.

Projet de restauration en référence à la Harley Softail Héritage Classic.

Dans quel état général retrouvez-vous les Combi que vous importez du Brésil ?

Étonnamment bons. Les Brésiliens sont passionnés, collectionneurs et fiers de leur patrimoine automobile. Souvent, les véhicules restent dans les familles depuis des décennies, dans des états tout à fait corrects. Les autos abandonnées au fond d’un jardin, dans des états invraisemblables, ne nous intéressent pas mais cela fait de belles photos.

Comment se déroule concrètement la recherche de véhicules sur place ?

Quand on repère un véhicule prometteur, on dépêche quelqu’un sur place pour un rapport photo. Selon l’état, on décide.

Pour les Combi, on traite avec des professionnels, des garages locaux. Pour les voitures de collection type Coccinelle ou Puma, on préfère les particuliers qui les ont souvent choyées pendant de nombreuses années. On a des amis collectionneurs et surtout des partenaires professionnels sur place qui font partie de la FFVE (Fédération Française des Véhicules d’Époque) locale. On peut leur demander s’ils savent où trouver un type de véhicule précis. On se rend au Brésil tous les 3 à 4 mois, pendant une petite semaine. Sur nos cinq jours sur place, la plupart de nos rendez-vous sont calés à l’avance pour aller voir ces véhicules. Le reste des rendez-vous s’organise sur le moment, par le bouche-à- oreille.

Pouvez-vous nous décrire les différentes étapes, de l’achat d’un Combi à sa mise en vente en France ?

Il existe deux types de Combi :

Le premier est celui qui nous plaît tel quel, que nous achetons et envoyons directement dans notre garage partenaire au Brésil. Si une date d’export est à respecter, seules quelques contrôles sont effectués sur place. Sinon, une liste de réparations plus complète est établie. Dans tous les cas, une fois le véhicule arrivé en France, il passe par notre garage des Yvelines où tout est vérifié et, si besoin, refait.

Le second type concerne les Combi nécessitant une restauration. Il y a deux niveaux:

  • Les restaurations « basiques », qui durent entre 3 et 6 mois.
  • Les restaurations complètes et surmesure. Pour celles-ci, le Combi est entièrement décapé dans un bain d’acide. Toute pièce présentant la moindre corrosion est remplacée. Le client peut alors personnaliser entièrement le véhicule : choix des couleurs extérieures, des matériaux intérieurs, des accessoires… Toute la partie mécanique, du moteur à la boîte en passant par le système de freinage et la direction sont révisés intégralement, avec des freins à tambour et un moteur 1500. Ce type de projet s’étale généralement sur 12 à 15 mois.

Étant adhérents à la FFVE, nous avons un devoir de conservation : les véhicules doivent être en adéquation avec leur sortie d’usine.

Avez-vous déjà reçu des demandes de restauration particulièrement originales ?

En général, les demandes restent assez classiques. Je pense quand même à une restauration particulière, où le client voulait accorder son Combi à sa Harley. Il demandait un intérieur très sobre et mon associé Thomas a proposé de faire autre chose. C’était un ami de son oncle, on savait qu’il aimait l’atypique. On a fait une sellerie ton sur ton, nouveau volant, initiales gravées sur le pommeau… Il a adoré.

Trois Combi T1 sélectionnés pour des restaurations personnalisées.

Quels sont vos principaux canaux de vente ?

Majoritairement Annonces-Automobile. com. Mais aussi sur Leboncoin, et parfois des maisons de ventes réputées.

Avec le temps, qu’est-ce qui continue de vous marquer dans la philosophie de vie brésilienne ?

Je n’ai évidemment plus cet effet de découverte des premières fois, mais j’ai toujours la même joie d’y retourner, c’est comme un besoin. Il faut le vivre pour comprendre.

Le Brésil est incroyable sur beaucoup de plans et pas seulement d’un point de vue professionnel. Chaque voyage a son lot de surprises et de nouveautés. C’est un pays sans limite : j’ai même rencontré une personne qui faisait des Hot Wheels à taille réelle, avec des châssis et mécanique Volkswagen !

Un aspect tout simple auquel je pense, c’est leur rapport à la rentabilité. En France, un métier jugé inutile finirait par disparaître. Là-bas, le supprimer, c’est retirer du travail de quelqu’un. Il y a une vraie résilience face à tous les problèmes économiques et politiques auxquels ils doivent faire face. Et toujours avec le sourire et dans la bonne humeur.

Avez-vous déjà des idées de projets pour la suite ?

En priorité, développer notre garage au Brésil et notre communication en Europe tout en ouvrant le marché asiatique. Nous avons aussi un projet audiovisuel en lien avec le Brésil qui met notre expérience et nos relations en lumière.

Et enfin partager cette expérience, car pour moi, cela fait partie du métier : transmettre un message sur l’automobile et la façon dont elle est vécue au Brésil. Au fond, c’est la même chose qu’en France : on est passionnés par nos voitures, et par le plaisir d’en parler.

Et dans dix ans, quel avenir rêveriez-vous pour GS Do Brasil ?

J’aimerais que GS Do Brasil soit une société reconnue comme diffuseur premium des véhicules brésiliens, non seulement entre la France et le Brésil, mais pas que. Et nous aimerions aussi approfondir et développer la société dans l’automobilia1.

Il nous reste de nombreux créateurs, passionnés ou restaurateurs à rencontrer !

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1 L’automobilia désigne les objets de collection liés à l’univers de l’automobile, tels que les miniatures, affiches, accessoires ou pièces anciennes.

Visuels : © Julien Bodel