Les métiers itinérants en véhicules aménagés

13/02/2024

Ils sont libraires, fleuristes, médecins ou toiletteurs canins itinérants et ont choisi de sillonner les routes de France en véhicule aménagé, pour se rendre au plus près de leurs clients. Dans leur van, leur camionnette ou leur camping-car spécialement aménagés, ils accueillent chaque jour une clientèle variée, ravie de pouvoir accéder à des services souvent rares ou inaccessibles dans leur région. Cap’Passion est parti à leur rencontre.



Doctobus : le centre de santé mobile

Camping-car aménagé en centre de santé itinérant, le Doctobus accueille depuis quelques mois des patients dans plusieurs communes autour d’Évreux (27). Une initiative portée par l’agglomération d’Évreux Portes de Normandie, où environ 16 000 personnes sont sans médecin traitant. Julien Bosher, responsable du pôle Santé et handicap de la ville et de l’agglomération d’Evreux, nous explique comment est né ce projet.

Doctobus

Quand le Doctobus a-t-il été lancé et pour quelles raisons  ?

Le Doctobus a ouvert ses portes en mars 2023. Le projet a été lancé par le Conseil départemental de l’Eure, séduit par un projet similaire dans l’Orne, afin de pallier aux déserts médicaux autour d’Évreux. Notre agglomération se situe en effet dans les derniers rangs au niveau national, en matière de nombre de médecins par patients.

Un an et demi de préparation ont été nécessaires en amont pour faire aboutir le projet. Il a fallu ensuite obtenir l’autorisation de l’agence régionale de santé et trouver des médecins disponibles. L’équipe médicale se compose de 6 médecins (dont 5 retraités en reprise d’activité et un jeune urgentiste), d’une secrétaire et de deux assistantes médicales, tous salariés par l’agglomération.

Pouvez-vous nous présenter ce centre médical itinérant  ?

Le Doctobus tourne 5 jours par semaine (du lundi au vendredi) dans 9 communes autour d’Évreux, dont Saint-André-de-l’Eure, une commune rurale dans laquelle il y a eu récemment plusieurs départs de médecins. Du jour au lendemain, près de 4 000 patients se sont ainsi retrouvés sans praticien... L’objectif de ce dispositif est de lutter contre le recours systématique aux Urgences pour des pathologies qui ne relèvent pas de ces services.

Quel modèle de camping-car avez-vous choisi et comment l’avez-vous aménagé  ?

Nous avons d’abord lancé un appel d’offres pour un camping-car aménagé, mais aucune société ne nous a adressé de réponse satisfaisante. Après avoir écumé les salons du camping-car, nous avons réalisé que notre budget de 70 000 € était raisonnable avec un véhicule d’occasion, même si les prix sur ce marché avaient explosé après le Covid. Nous avons finalement fait appel à une société d’ambulances sur-mesure. Ce sont eux qui ont trouvé le véhicule car ils connaissaient bien les contraintes, notamment en ce qui concerne les circuits de gaz, électriques ou d’eau, et qui l’ont aménagé. Nous avons consacré 40 000 € à l’achat du véhicule, un Bavaria Arctic I70 LC (un modèle assez long de près de 7 mètres de longueur), et environ 30 000 € à son aménagement.

La salle à manger, conservée à l’identique, sert de salle d’entretien entre le médecin et son patient. Le médecin peut s’asseoir sur le siège conducteur, en le tournant vers l’intérieur. La partie kitchenette a été aménagée en plan de travail pour y installer l’imprimante du médecin et le frigo a été conservé, ainsi que les rangements. La zone de couchage a été entièrement réaménagée, avec une table d’examen électrique à la place du lit. Nous avons installé la climatisation, indispensable, ainsi que des prises électriques. Le point crucial était de disposer d’une connexion 4G stable pour l’informatique. Nous avons donc un routeur 4G et 2 cartes SIM qui basculent d’un réseau à l’autre en permanence.

Comment se déroulent l’accueil des patients et les consultations  ?

Le médecin est accompagné d’une assistante médicale qui conduit le bus d’une ville à l’autre. Cette dernière accueille les patients dans une salle d’attente mise à disposition à proximité du camping-car par les municipalités (avec lesquelles nous avons un partenariat). Les médecins effectuent entre 20 et 30 consultations par jour. Notre dispositif repose sur une régulation, effectuée par une structure basée à Caen, qui oriente les patients : en fonction de leur degré d’urgence, des créneaux disponibles, s’ils sont véhiculés ou non, etc. Car les rendez-vous ne sont pas toujours effectués dans la ville de résidence du patient. Nous conservons quelques créneaux pour les urgences, notamment pour les jeunes enfants.

intérieur du Doctobus


Sun Flower Truck : l’artisan fleuriste ambulante

Il y a un an et demi, Blandine lançait son Sun Flower Truck, un projet inspiré par un séjour aux États-Unis. Après avoir sillonné les routes des Landes dans sa camionnette aménagée sur-mesure, la jeune fleuriste ambulante a depuis réduit son rayon d’action en se limitant à quatre villes landaises. Elle y propose des fleurs fraîches, fleurs séchées, tableaux végétaux et anime des ateliers pratiques.

Blandine devant le Sun Flower Truck

Comment avez-vous eu l’idée d’ouvrir un flower truck  ?

J’ai suivi une formation de wedding planer (organisatrice de mariage) aux États-Unis. Mon employeur avait une activité de fleuriste en parallèle et ce métier m’a attirée. C’est aussi là-bas que j’ai découvert les flower trucks, qui sont nombreux dans le pays. J’ai adoré ce concept qui n’existait pas en France. J’ai ensuite effectué un CAP de fleuriste en alternance à Paris, lors de laquelle j’exerçais comme fleuriste à l’hôtel Georges V à Paris. Après cette expérience, j’ai décidé de lancer mon « Sun Flower Truck » en février 2022, autour de Mont-de-Marsan.

Pouvez-vous nous présenter votre camion à fleurs et votre activité  ?

Je voulais opter au départ pour un van vintage similaire à ceux que j’avais vus aux États-Unis. Là-bas, les flower trucks sont généralement des vans vintage, type combis Volkswagen. Mais j’ai finalement choisi un petit camion aménagé, un Renault Master. Je voulais un véhicule qui soit fiable, plus facile à réparer qu’un vieux combi et avec lequel je puisse faire beaucoup de kilomètres sans problème. Car au début j’étais très mobile, je rayonnais dans toute la région. J’allais jusqu’à la frontière espagnole.

Je vends mes fleurs depuis l’intérieur de mon camion, tandis qu’aux États-Unis, les vans sont souvent utilisés comme simple support décoratif, les vendeurs se trouvant la plupart du temps à l’extérieur. Je suis présente dans les villes de Villeneuve-de-Marsan, Roquefort, Mont-de-Marsan et Saint-Médard. Je vends des fleurs fraîches et séchées ainsi que des tableaux végétaux et je crée également des bijoux en résine, avec des fleurs que je sèche ou que je presse. J’anime aussi régulièrement des formations pour apprendre à réaliser des créations florales avec des fleurs séchées, stabilisées ou avec des fleurs fraîches. En parallèle, je suis régulièrement sollicitée pour des mariages.

Qu’apporte un flower truck par rapport à un commerce traditionnel  ?

Le premier avantage est d’être au contact en permanence avec les clients, sur les marchés, beaucoup plus que dans une boutique, où on attend le client une bonne partie de la journée. L’autre avantage est d’avoir une clientèle très diverse en fonction des emplacements : plutôt âgée sur les marchés et d’un âge plus varié en centre-ville. Le camion aménagé est également très pratique, pour installer et remballer mes fleurs. Je stocke mes fleurs dans une chambre froide, et je ne prends que ce dont j’ai besoin pour la journée.

Comment avez-vous aménagé ce camion  ?

À l’intérieur de mon camion, j’ai des étals en escalier, avec des trous pour poser les bacs de fleurs. C’est moi qui ai conçu cet aménagement : j’ai dessiné les plans et ai réalisé une maquette grandeur nature en carton, pour vérifier que cela fonctionnait ! C’est Narbonne Accessoires qui a ensuite réalisé l’aménagement. Les flower trucks similaires au mien sont encore assez rares en France. Depuis le lancement de ma société, j’ai reçu beaucoup d’appels de personnes qui souhaitent ouvrir un flower truck.

Pouvez-vous nous raconter une journée type dans votre truck  ?

Le mardi, je vais chercher mes fleurs chez mes fournisseurs à Bayonne, avec mon flower truck. De retour à Mont-de-Marsan, je passe l’après-midi à les préparer, à les nettoyer et à préparer les compositions florales. Le lendemain, j’ouvre mon camion sur le marché, sur lequel je vends mes fleurs toute la matinée.

le Sun Flower Truck


La Bulle de Poils : le toiletteur canin itinérant

À la suite d’une réorientation, Jean-Luc a débuté en 2019 une toute nouvelle carrière, celle de toiletteur canin. Il a pour cela décidé de racheter et d’aménager un camping-car en salon de toilettage pour sillonner les routes du Gard et de l’Hérault. Une nouvelle vie portée par une profonde envie de ramener du contact humain dans son quotidien.

Jean-Luc devant la Bulle de Poils

Comment vous est venue l’idée de vous lancer dans cette activité de toiletteur canin itinérant  ?

J’ai découvert ce métier un peu par hasard. Avant de me lancer, j’ai fait beaucoup de métiers différents. J’ai travaillé dans la grande distribution et j’ai fait du multiservice pour des entreprises, mais j’avais envie d’apporter ce service à des particuliers.

Ma belle-mère faisait régulièrement appel à un toiletteur itinérant pour son chien. Un jour, ce professionnel lui a annoncé qu’il souhaitait arrêter son activité, vendre sa société et son véhicule. L’idée de reprendre son entreprise a commencé à faire son chemin chez moi, jusqu’au jour où mon épouse m’a proposé de me lancer. J’ai d’abord fait des essais pour voir si cela pouvait me convenir puis j’ai validé une formation de toiletteur en parallèle de mon emploi de l’époque.

Finalement, nous n’avons pas réussi à trouver d’accord pour la reprise de la société, mais ce toiletteur m’a tout de même incité à me lancer de mon côté. Je l’ai écouté et j’ai repris un camping-car appartenant à mon beau-père. Après l’avoir aménagé, j’ai commencé mes premiers déplacements début 2019.

Pouvez-vous nous présenter votre camping-car et nous parler de son aménagement  ?

C’est un véhicule que j’ai racheté d’occasion, un Knaus Eifelland 520 de 2002. L’intérêt pour moi d’être dans un camping-car est que certains des équipements nécessaires, comme les réservoirs d’eau propre et d’eau usée ou la chaudière, sont déjà présents. J’ai aussi gardé une partie de l’aménagement d’origine : le frigo, les plaques de cuisson, les placards, la douche ou les WC. Pour le reste, comme j’avais un peu de temps, j’ai tout aménagé moi-même. Le gros de la transformation consistait surtout à enlever une couchette à l’arrière pour y installer une baignoire pour les chiens. J’ai aussi enlevé tout le coin salon pour m’aménager un plus grand espace de travail et j’ai ajouté une vitrine pour les ventes.

Qu’apporte cette itinérance par rapport à une activité plus traditionnelle  ?

Je dirais d’abord davantage de convivialité. Sur mes déplacements à domicile, les clients s’ouvrent bien plus facilement et je me suis aperçu que beaucoup de personnes âgées ne voyaient pas grand monde dans la journée.

Pour certains clients, j’essaye de placer le rendez-vous en fin de tournée, car je sais que je vais ensuite passer une demi-heure ou une heure à discuter et à boire un coup. C’est un moment d’échange important pour beaucoup et le lien est tout autre que lorsqu’on travaille en boutique. L’aspect humain est pour moi primordial, au-delà du service en lui-même. Nous sommes dans une société de plus en plus déshumanisée et c’est très important, pour moi, de garder ce contact.

Il y a aussi un intérêt financier. J’ai un coût de fonctionnement moindre, car je n’ai pas de loyer. Je dois simplement payer les droits de place dans les villages, environ 7 à 10 euros par jour. Sur l’année, cela représente une grosse économie.

Enfin, les déplacements m’offrent une certaine liberté et me permettent de découvrir ce qui nous entoure. Grâce à mes coûts de fonctionnement légèrement inférieur à ceux d’un salon traditionnel, je peux me permettre de faire quelques toilettages en moins dans la semaine pour profiter de cette liberté.

Comment s’organise votre planning entre cette activité fixe et les déplacements à domicile  ?

Les jours où je fonctionne en fixe sont planifiés et ne changent jamais. Je m’installe au choix sur la place du village ou dans des entreprises voulant bien m’accueillir. Je tourne sur plusieurs villages du Gard et de l’Hérault. Pour la partie à domicile, j’essaye de rassembler mes rendez-vous par secteur pour éviter les kilomètres et la perte de temps.

Avez-vous plutôt une clientèle régulière malgré cette activité en itinérance  ?

J’ai un noyau dur de clients, qui reviennent chaque mois, et d’autres qui me découvrent par différents moyens. Il est vrai que mon véhicule est assez visible et il m’est déjà arrivé que des gens m’appellent quand je suis sur la route, pour me demander des informations.

Jean-Luc qui nettoie un chien


Le Serpent d’Étoiles : le libraire itinérant

Bertrand Hugot, 32 ans, a installé sa librairie indépendante itinérante dans un camion aménagé avec lequel il rayonne en Charente-Maritime, autour d’Oléron. Il nous présente « Le Serpent d’Étoiles ».

Le Serpent d’Étoiles

Comment vous est venue l’idée de lancer un camion librairie ?

J’ai exercé plusieurs années comme vendeur dans plusieurs librairies parisiennes, puis à l’île d’Oléron. Mais je ne me retrouvais plus dans mon métier, où la part de manutention est très importante et le contact avec les clients relativement limité. Je souhaitais faire quelque chose de plus convivial et me confronter à un public plus large.

Pouvez-vous nous présenter votre bibliobus ?

Le camion mesure 7 m de long et 3,50 m de haut. Il comporte plusieurs hublots et une ouverture avec une porte coulissante et un escalier sur le côté. J’ajoute généralement un auvent, avec quelques livres disposés sur un présentoir, mais la plupart des gens rentrent dans le bus, où se trouvent les rayonnages. J’ai 3 000 livres en stock, dans tous les genres : romans, sciences humaines, bandes dessinées, mangas, livres jeunesse, livres de cuisine...

Comment avez-vous trouvé et aménagé ce camion ?

J’ai racheté en juin 2021 « Le Serpent d’Étoiles » à une amie qui l’avait déjà utilisé comme librairie itinérante pendant quatre ans, autour de La Rochelle. Elle l’avait spécialement aménagé pour transporter des livres, avec des rayonnages inclinés, afin que les livres ne tombent pas pendant le transport. Lorsqu’elle a mis en vente son camion librairie, le nombre d’acheteurs potentiels était assez limité, notamment parce que sa conduite nécessite d’avoir un permis poids lourds. J’ai donc pu l’acquérir à un prix relativement raisonnable, 10 000 €, ce qui est peu comparé à un utilitaire aménagé.

Qu’apporte un bibliobus par rapport à une librairie traditionnelle ?

Sur Oléron, c’est assez compliqué d’ouvrir un commerce tel qu’une librairie. Donc avoir une librairie itinérante permet d’obtenir une zone de chalandise plus grande et de toucher le bon public au bon moment, c'est-à-dire sur les marchés, là où il y a du monde. Cela me permet aussi d’accéder à un cercle de lecteurs plus diversifié que celui qui fréquente habituellement les librairies, en particulier dans un territoire comme Oléron avec une saisonnalité importante, un peu déserté l’hiver et très fréquenté l’été. L’avantage d’un book truck est également de pouvoir réduire les coûts par rapport à un commerce traditionnel.

Quelle est votre clientèle habituelle ?

Je suis présent sur plusieurs marchés autour d’Oléron, dans plusieurs villes d’environ 30 000 habitants. J’effectue une tournée hebdomadaire toujours identique, sur quatre marchés hors saison et six ou sept en pleine saison. J’ai une clientèle régulière de lecteurs qui viennent me voir chaque semaine et qui me passent commande lorsque je n’ai pas le livre qu’ils cherchent. Il y a notamment beaucoup de retraités et l’été, davantage de familles et d’enfants. J’organise également des rencontres littéraires.

Bertrand Hugot Le Serpent d’Étoiles

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Visuels : © Sun Flower Truck, Communication Evreux Portes de Normandie, La Bulle de Poils