Plongez dans l’Aventure Citroën

• Retour sur un héritage automobile
• La naissance du Conservatoire Citroën
• L’Aventure évolue
• Devoir de conservation à l’atelier
• Un spectre de plus en plus large
• Une présence terrain renforcée

Retour sur un héritage automobile

Petit retour en arrière. C’est en 1919 que commence la grande aventure Citroën, avec le lancement de la Type A, premier véhicule européen construit en grande série par André Citroën. Ce pionnier de l’industrie automobile conservera par la suite dans sa collection le premier exemplaire de cette automobile, ainsi que les véhicules utilisés lors des croisières jaune et noire ¹. Fin 1934, la société est reprise par Michelin qui la sauve de la faillite et la remet sur pied. La Seconde Guerre mondiale se profilant, quelques voitures sont remisées dans les sous-sols de l’usine Citroën de Javel, à Paris.

C’est Jacques Wolgensinger, alors directeur des relations publiques de la marque aux chevrons, qui suggère au patron de Citroën dans les années 60 : Nous avons très peu de voitures qui représentent l’histoire de notre marque dans nos collections. Il faut commencer à racheter des modèles qui constituent notre patrimoine. Les véhicules sont entreposés à différents endroits : à Javel, au centre d’essais de La Ferté-Vidame, puis dans des sous-sols de la rue Vasco de Gama, dans le 15ᵉ arrondissement de Paris.

Le service du patrimoine, rattaché à la direction de la communication et des relations publiques de Citroën, va être pris en mains par Gérard Lorieux, puis Marcel Allard avec l’aide de Jean-Paul Cardinal. Le service fonctionne de la sorte jusqu’au milieu des années 90 , relate Denis Huille.  Puis, à l’occasion d’un salon Rétromobile, le grand patron du groupe PSA, Jean-Martin Folz, visite nos deux stands. Jean-Paul Cardinal en profite pour lui glisser que, à l’instar de Peugeot qui dispose de son musée depuis 1988, la marque Citroën mériterait à son tour d’avoir le sien.

Miniatures de voitures Citroën

La naissance du Conservatoire Citroën

Rendez-vous est pris rue Vasco de Gama avec la direction pour la recherche d’un espace dédié, mais force est de constater que le site ne se prête pas à ce genre d’activité. Avec l’appui de Pierre Peugeot, président du conseil de surveillance du groupe et de Claude Satinet, directeur général de Citroën, Jean-Paul Cardinal et la direction décident alors en 1998 de créer un Conservatoire digne de ce nom qui sera installé sur le site de l’usine à Aulnay-sous-Bois, d’une superficie de 180 hectares, où il reste encore de la place pour installer une telle structure.

Des crédits sont débloqués pour construire un vaste entrepôt à même d’accueillir toute une collection auparavant éparpillée sur plusieurs sites, notamment à Paris et à La Ferté-Vidame. Une fois toutes les voitures rapatriées, le Conservatoire est officiellement inauguré le 28 novembre 2001. Les collectionneurs de Citroën et les passionnés de la marque demandent à pouvoir visiter la collection réunie. Charles Herval, qui est alors directeur de la collection, fait donc habiliter le bâtiment afin qu’il puisse recevoir des visites privées.

Puis Citroën constate qu’il existe encore beaucoup de modèles stockés dans certaines de ses filiales européennes. Plus de quarante voitures seront ainsi récupérées en Espagne, au Portugal ou en Angleterre, et quelques-unes au Danemark. La collection constituée par Auguste Génovèse, patron des usines Citroën de Rennes de 1980 à 1996, est, elle aussi rapatriée à Aulnay en 2008.

Commercialisée à partir de 1961 et carrossée par Flaminio Bertoni, l’AMI 6 sera la voiture la plus vendue en France.

Denis Huille nous explique : M. Génovèse avait décidé de garder un exemplaire de chaque modèle produit dans ses usines. Il avait constitué une petite équipe dans un bâtiment à part, dans lequel des bénévoles entretenaient les voitures. Les gars de l’équipe avaient même le droit de rentrer chez eux avec les voitures s’il faisait beau ! Cela permettait aux voitures de rouler, ce qui reste le meilleur moyen d’éviter qu’elles ne s’abîment. Du coup, nous avons récupéré les voitures de Rennes en très bon état. Ils récupèrent également des concept-cars (via le département Style Citroën), plus la fin du programme ZX Rallye Raid (via Citroën Sport), soit dix-neuf véhicules au total.

Bilan des opérations : le nombre de véhicules conservés explose. Toutes les voitures ne peuvent pas rentrer dans le bâtiment principal d’Aulnay. Une partie d’entre elles sont stockées dans un bâtiment adjacent dans un premier temps, puis dans le bâtiment « 01 » de l’usine, dans lequel on réalisait la sellerie des CX à l’époque tout était fait sur place !

Pour faire vivre le Conservatoire, sont organisées des visites privées et différents évènements comme les 50 ans de la DS en 2005, le jubilé Bob Neyret en 2007 ou les 60 ans de la 2 CV, en 2008.  Nous aimons également revenir à Montlhéry, souligne Denis Huille. Même si le circuit a été fermé à la compétition en 2004, nous avons participé à un évènement avec plusieurs de nos véhicules en 2006 dans le cadre des Journées du patrimoine. Nous y allons régulièrement.

L’Aventure évolue

Denis Huille revient sur l’évolution du statut de la structure en charge de la conservation des patrimoines des marques Citroën et Peugeot : Pour ma part, je trouvais que le terme « service patrimoine » ne voulait pas dire grand-chose. En 2012, nous avons donc changé l’appellation au profit de « Citroën Heritage ».

En 2014, l’arrivée de Carlos Tavares à la tête de PSA, (actuel directeur général du groupe Stellantis, NDLR) s’accompagne de nombreux changements au sein du groupe. Le nouveau patron a décidé d’externaliser différentes activités, se rappelle Denis Huille. Il a choisi de nous mettre dans le même contexte que Peugeot, de nous sortir du giron de la marque. En 1983, Pierre Peugeot avait en effet créé l’association L’Aventure Peugeot, afin de protéger le patrimoine de la marque parce qu’à l’époque, le groupe PSA qui n’allait pas très bien, était « opéable ». Et en désolidarisant L’Aventure Peugeot du groupe, il n’y avait plus de risque que le patrimoine et les collections de Peugeot partent chez l’éventuel repreneur.

Citroën 19_19 Concept

L’Aventure Peugeot devient en 2015 « L’Aventure Peugeot Citroën DS », une association dont l’objet est de préserver, développer et faire rayonner le patrimoine des marques Peugeot, Citroën et DS Automobiles, en France et dans le monde. Depuis, 55 personnes travaillent sur les différents sites sous la bannière de cette association qui comprend le Conservatoire Citroën à Aulnay-sous-Bois (93), le Musée Peugeot à Sochaux (25), le Centre d’archives de Terre Blanche à Hérimoncourt (25), ainsi que la collection de l’Aventure Automobile à Poissy (78).

Devoir de conservation à l’atelier

Des ateliers dédiés à l’entretien du patrimoine Peugeot et Citroën existaient déjà à Aulnay et à Sochaux avant même la création de l’association L’Aventure Peugeot Citroën DS. En 2015, il est décidé d’ouvrir l’atelier vers l’extérieur, afin de permettre à la nouvelle structure de constituer sa propre trésorerie. Éric Leton, à la tête de ces ateliers, précise : Je suis à Aulnay-sous-Bois pour ma part et j’ai un chef d’atelier à Sochaux . Cette activité permet d’offrir un service complet d’entretien, de restauration partielle ou totale définie avec un chef de projet qui va suivre le véhicule à l’atelier, notamment s’il faut faire appel à des prestataires extérieurs.

L’atelier Aulnay se spécialise plutôt dans la mécanique en raison de sa superficie relativement limitée, tandis qu’à Sochaux, l’atelier prend également en charge la carrosserie et la peinture.  L’intérêt de déposer sa Citroën ou sa Peugeot chez nous, c’est évidemment d’avoir affaire à de véritables passionnés de la marque disposant des savoir-faire et des archives qui nous permettent de travailler au plus près des préconisations du constructeur , souligne Éric Leton.

Les clients de l’atelier du Conservatoire sont dans un premier temps essentiellement des salariés du groupe, puis de plus en plus de collectionneurs, qui connaissent L’Aventure Citroën ou L’Aventure Peugeot, découvrent ce service. Les équipes travaillent sur tous les types de modèles Citroën, indique Éric Leton. L’atelier prend en charge de l’entretien simple ou des interventions sur un problème de fonctionnement ou de réglages, jusqu’à des restaurations intégrales.

Citroën ZX Rallye Raid, années 1990. Citroën Sport totalise avec la ZX Rallye Raid 5 Coupes du monde des Rallyes Tout-Terrain entre 1993 et 1997, dont Paris-Tripoli-Dakar en 1991 et Paris-Moscou-Pékin en 1992.

Un spectre de plus en plus large

Le responsable de l’atelier reconnaît que c’est parfois plus compliqué, dans certains cas. Nous ne disposons pas forcément de toutes les pièces et il faut parfois les faire refabriquer. Cela demande du temps et un coût plus élevé, forcément. Pour les interventions mécaniques, c’est relativement facile d’établir un cahier des charges et un devis précis, mais pour la carrosserie, c’est plus compliqué et parfois très chronophage. .

L’atelier intervient essentiellement sur des voitures des années 60-70, mais il lui arrive aussi de prendre en main des Traction ou des voitures plus anciennes. Le gros des troupes reste les DS chez Citroën et les 504 chez Peugeot, mais les youngtimers, et notamment la Xantia et les XM, commencent aussi à arriver. Ce qui fait notre force à l’atelier, ce sont nos connaissances techniques sur ces voitures et notamment pour tout ce qui touche à l’hydraulique, précise Éric Leton. On constate aussi que le réseau n’a plus le savoir-faire. Quand les gens s’adressent directement au réseau, on leur préconise plutôt de s’adresser à nous. On nous envoie même des C5 et des C6 ! Et là, pour le coup, nous atteignons nos limites de compétence. Nous sommes moins formés sur ces voitures-là », déplore le responsable de l’atelier. « Côté formation, l’atelier travaille notamment avec le Conservatoire National Des Véhicules Anciens pour trouver des jeunes motivés susceptibles de prendre la relève.

Rejoindre l’atelier de L’Aventure Citroën, c’est avant tout une question de motivation. Comme l’explique Éric Leton : Pour travailler dans nos ateliers à Aulnay avec les Citroën ou à Sochaux avec les véhicules Peugeot, il faut être passionné par la marque, parce qu’il faut comprendre ce qu’on fait et pourquoi on le fait, retrouver l’état d’esprit qui fut celui des anciens lorsqu’ils ont créé ces voitures. Nous tenons beaucoup à cette connaissance de la marque et de la genèse des modèles, pour travailler en adéquation avec les attentes des clients, eux-mêmes passionnés. Nous avons une sorte de devoir moral par rapport à eux et à la marque que nous représentons.

DS à l’atelier de L’Aventure Citroën, à Aulnay-sous-Bois.

Une présence terrain renforcée

Aujourd’hui, le Conservatoire expose 240 voitures dont des concept-cars, des voitures de série, des prototypes, des voitures d’aventure, de sport automobile, des utilitaires et les véhicules présidentiels, sans oublier l’hélicoptère Citroën. Les visites se font sur rendez-vous, à l’attention particulière des groupes. Nous accentuons également la partie évènementielle BtoB avec des soirées ou des journées privées, indique Denis Huille. Ce type d’évènement est devenu très important pour nous car le groupe souhaite que nous soyons de plus en plus autonomes et que nous ayons nos propres sources de financement. C’est aussi dans cet optique-là que nous avons créé le service des pièces de rechange et ouvert l’atelier de restauration. .

Il poursuit : Pour faire connaître le Conservatoire et sa collection, nous n’hésitons pas à nous produire sur différents évènements. Nous participons à Rétromobile, au salon Epoqu’auto à Lyon et nous effectuons pas mal de journées anniversaires autour des modèles de la marque, avec la complicité des clubs automobiles. Les 30 ans de la Xantia, les 75 ans de la 2 CV étaient ainsi au programme de l’année passée. Ce ne sont pas de très gros évènements parce que nous n’avons pas la capacité d’accueillir des milliers de personnes, mais c’est un bon moyen de se faire connaître. En 2023, nous étions au Youngtimers Festival de Montlhéry et nous serons présents pour le Centenaire de l’anneau en 2024.

En 2024, les évènements ne manqueront pas, avec notamment les 90 ans de la Traction Avant.  Lors du premier semestre, nous réunirons toutes nos Traction que nous mettrons en valeur à l’entrée du Conservatoire, et puis au second semestre, ce sera la CX qui fêtera ses 50 ans, précise Denis Huille. Ce type de rendez-vous nous permet aussi de ressortir des photos, des témoignages autour du modèle concerné. Nous avons la chance d’avoir une histoire très riche, avec de nombreux modèles mythiques. En 2025, ce sera au tour de la DS de fêter son 70ᵉ anniversaire.

Nous avons aussi toute la partie course, ainsi que les archives publicitaires, ajoute Denis Huille. La “propagande”, comme on disait à l’époque, est particulièrement fournie. Bref, nous avons toujours quelque chose à raconter autour de l’histoire de Citroën et même si ce n’est pas directement sur la marque, il y a toujours de nouveaux thèmes transversaux sur l’innovation et la technique à explorer ou à mettre en valeur.

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