Nicolas Sénéchal, un champion vitesse motos anciennes
Publié le 12/11/2024
Baigné quotidiennement dans la mécanique par le biais de son métier de mécanicien chez Mercedes, Nicolas Sénéchal n’hésite pas à enfourcher de vieilles bécanes pour vivre sa passion à cent-milles à l’heure et tirer la bourre à d’autres passionnés. Sacré Champion de France Vitesse Motos Anciennes (VMA) en 2014, ce compétiteur est revenu dix ans après, fouler le circuit de Lédenon (30), avec un but précis : décrocher un nouveau titre au guidon de sa Suzuki. Entretien avec cet amateur d’anciennes, d’endurance et de vitesse. D’une passion intemporelle à l’adrénaline des courses.
Nicolas Sénéchal, un passionné de compétitions en motos vintage.
Quelle est l’origine de votre passion pour la moto et de votre parcours de pilote ?
Je suis un pilote qui a commencé la moto sur le tard : j’ai passé mon permis moto à l’âge de 20 ans. J’ai beaucoup roulé sur route et par la suite, j’ai eu envie de commencer la compétition dans les années 2010, à 26 ans. Mon beau-père m’avait pris sous son aile après l’obtention de mon permis pour nous encadrer, un copain et moi-même. On partait sur des week-ends entiers faire des grosses balades.
Quelles sont vos motos personnelles ?
Pour la route, j’utilise un side-car : une Suzuki 1250 Bandit. C’est un véhicule que l’on partage avec ma compagne et notre petit garçon. Le side-car a l’attrait du deux-roues avec une grande capacité de chargement, ce qui s’avère être très utile pour les déplacements en famille. Pour les passionnés qui reconnaîtront, je roule également avec une Honda 650 Deauville, une routière des années 2000, avec des sacoches sur le côté. Sinon, j’ai roulé longtemps en sportive, avec des Suzuki GSX-R. Avec le recul, je pense que mes préférées ont longtemps été les Hyper-sports. Tant qu’il y a un guidon et une poignée de gaz, cela me convient ! C’est vraiment la passion de la moto.
Comment avez-vous fait vos armes dans ce milieu et plus particulièrement en vitesse ?
Ça a été un long apprentissage ! J’ai commencé avec mes motos de route, sur des journées de roulage occasionnelles, en autodidacte. J’observais et j’analysais ce que faisaient les autres pilotes pour ensuite mettre en pratique. Il y a eu beaucoup de chutes au début, mais j’avais quand même certaines facilités qui m’ont beaucoup aidées à me perfectionner.
Quels sont les pilotes qui ont votre admiration ?
Je pense tout particulièrement à Valentino Rossi et Marc Márquez, d’anciens pilotes comme Freddie Spencer, Giacomo Agostini, Barry Sheene, et d’autres qui ont fait l’Histoire de la moto. Ces dernières années, j’ai eu aussi l’occasion d’aller voir des Grand Prix MotoGP, où j’ai pu les voir rouler. Aujourd’hui je vis à Bourges, où l’on a une entité sportive appelée Tecmas, qui a vu passer énormément de pilotes français, qu’on a pu observer dans des championnats du monde et d’autres compétitions locales.
Quel a été le point de départ des compétitions de motos anciennes ?
À la base, c’était un projet qui a été nourri par l’IUT de Bourges. Un des projets de fin d’année était d’engager une moto sur le Bol d’Or Classic. Ils sont venus démarcher mon beau-père, qui a refusé l’invitation. Il leur a en revanche parlé de moi et c’est à partir de là que j’ai commencé à mettre un premier pied dans la moto ancienne, quand j’avais 26 ans.
Que recherchez-vous principalement lorsque vous participez à ce type de courses ?
Donner le meilleur de moi-même, quel que soit le résultat. C’est un investissement car en plus de concourir, on passe plus de temps dans les ateliers à faire la préparation et de la construction. Le but final est d’aller chercher le maximum et le meilleur avec ce qu’on a pu créer les semaines précédentes.
Au guidon d’une Honda 350 Four des années 70.
Vieux bolides & nouvelles émotions : le championnat de VMA 2024.
Le 14 avril dernier sur le circuit de Lédenon, vous avez terminé 1erdans la catégorie VMA Superbike (course 1). Félicitations ! Pouvez-vous nous parler du circuit de Lédenon, en termes de technicité ?
Le circuit de Lédenon est un circuit très particulier : il est très vallonné avec quasiment l’intégralité des virages qui se « déroulent à l’aveugle », c’est-à-dire qu’on voit l’entrée du virage mais pas sa sortie. Certaines pentes sont à plus de 12 %, ce qui est très atypique en France. C’est aussi un circuit que je n’avais pas pratiqué depuis 2014, donc presque tout nouveau pour moi et avec une moto différente cette fois-ci.
J’avais beaucoup d’appréhensions car il est réputé dangereux et avant que la compétition commence, je me disais déjà qu’il fallait faire attention, jouer la carte de la sécurité. Il est vrai que l’on n’est pas forcément dans cette optique-là quand on arrive sur d’autres circuits. Finalement, tout s’est bien passé et les chronos ont été là malgré cette réticence de départ. La concurrence est partie à la faute très rapidement dans le week-end, notamment avec une grosse chute.
Quelles étaient les difficultés rencontrées durant cette épreuve ?
Je dirais principalement le fait de retrouver du rythme. Il m’a fallu quasiment toute la journée du vendredi, avec quatre séances de roulage, pour pouvoir me remémorer le circuit. Il est tellement particulier que l’on peut très vite se faire surprendre. J’ai dû rester sur mes gardes pour pouvoir vraiment l’analyser, reprendre mes marques et mes automatismes.
Le déroulement du tour, c’est un automatisme, une osmose entre la moto et le pilote. Tout doit être naturel et décontracté. Quand tout est aligné, on va plus vite et on fait de bons chronos (rires) !
Zoom sur une Kawasaki Performance (1980), avant une manche du championnat d’Europe d’endurance sur le circuit belge Spa-Francorchamps.
Quelles sont les différences que vous avez pu observer depuis votre dernière participation ?
J’avais déjà gagné ce championnat en 2014 avec des motos plus anciennes. Depuis, j’étais passé sur la catégorie endurance, qui est une autre expérience, avec mon beau père et toute notre équipe. Durant cette période, nous avions gagné quatre titres de champions de France.
Au fil des années, le championnat a évolué et a intégré de nouvelles motos. Je me suis donc donné le challenge de revenir seul dans cette catégorie Superbike, avec l’envie de me jauger par rapport à la concurrence, puisqu’elle change et évolue également avec le temps.
Y a-t-il eu un moment particulier dans ce championnat qui vous a marqué plus que les autres ?
Lors de la première épreuve du championnat, après avoir remporté la 1ère course, j’avais pas mal d’avance et, malheureusement, j’ai chuté à la deuxième course en essayant de doubler un retardataire. Sur seize tours, soit 20 minutes de course, j’étais prêt à prendre un deuxième tour d’avance sur ce concurrent.
Il avait le signe des commissaires lui indiquant qu’il allait être doublé, mais il était complètement perdu. Il a alors décidé de changer de trajectoire et a fini par me percuter.
Quelles sont les particularités du Championnat VMA ?
Il faut savoir qu’il y a une grosse différence entre les courses de motos modernes et de motos anciennes : au-delà des engins, on ressent un écart de niveau assez important entre les pilotes. C’est bien un championnat de France et pourtant, les règles ne sont pas toutes respectées car il y a une certaine difficulté à remplir les grilles, faute de participants.
Il y a un côté « gentleman rider » dans la moto ancienne, moins sportif, avec des participants qui viennent surtout pour se faire plaisir, tandis que moi, j’ai plutôt l’esprit compétiteur. Mais je vous rassure, tout se passe très bien : il y a beaucoup de tolérance, de solidarité et de courtoisie.
Pouvez-vous nous parler de la moto vintage avec laquelle vous avez roulé ?
Oui, c’est une Suzuki 1100 GSX-R de 1992. C’est une moto qui n’a pas été développée pour la compétition dans ses grandes années, au contraire de la 750. Il a fallu la créer et la « coursifier » avec nos propres moyens. À part une partie de son cadre, la moto n’a quasiment plus rien d’origine : tout a été modifié, reconditionné, développé par des usineurs avec nos idées ou monté par nos soins. La moto a des caractéristiques qui n’existent même pas sur le marché.
Un bolide aux couleurs de Barry Sheene, avec lequel Nicolas a été Champion de France VMA en 2014.
Quel est son style ?
On a voulu garder le style des années 85/90 de la moto. Toute la partie avant est une base de motos de série des années 87/88. La partie arrière est modifiée et faite sur-mesure. La signature visuelle, on l’a surtout sur l’avant et son moteur, qui sont reconnaissables et parlent même à ceux qui ne connaissent pas le monde de la compétition.
L’aviez-vous décoré d’une manière spéciale pour l’occasion ?
Non, car les peintures et le stickage sont de vraies préparations qui prennent beaucoup de temps. La décoration n’a pas évolué depuis sa création en 2015. Il y a quinze jours, lors de la quatrième manche du championnat sur le circuit de Croix-en-Ternois (62), il y a eu des spectateurs et même des compétiteurs qui ont trouvé la moto magnifique. Les couleurs y sont pour beaucoup.
Comment décririez-vous les performances de votre deux-roues durant cette épreuve ?
Il a réellement fallu apprivoiser la moto et chercher ses limites car elle n’a pas été développée pour les compétitions. Malgré tous nos investissements et les modifications apportées, on rencontre encore certains freins et contraintes techniques, comme sa garde au sol. Elle ne permet pas de prendre l’angle maximal qu’elle pourrait accepter, car ses carters moteurs viennent toucher la piste. Encore aujourd’hui, quand je reviens de sessions de roulage ou de courses, je retrouve des protections moteurs toutes abîmées. Je suis à la limite de ce que je peux faire en termes de pilotage avec cette moto.
Comment maintenez-vous ce genre d’engin en bon état ?
On est plutôt fervent du préventif, que du curatif, c’est-à-dire qu’on ne veut pas mettre les mains dans la mécanique quand on est sur les circuits, on préfère contrôler la moto et faire de l’entretien en amont. Il nous arrive même d’ouvrir les moteurs l’hiver et les reconditionner pour faire tenir l’engin toute une saison. Si ce n’est pas possible, on s’en occupe en intersaison ou entre les courses, mais il faut que le maximum soit fait avant la compétition. Le stress, ça n’est pas bon pour la performance !
Après cette victoire, quels sont les principaux défis que vous souhaitez relever ?
D’aller gagner le championnat ! Aujourd’hui, j’ai beaucoup de points d’avance mais cela ne suffit pas. Il faut se donner à fond jusqu’au bout, pour les deux épreuves et les quatre courses à venir. Les prochaines épreuves se dérouleront en septembre sur les circuits de Pau-Arnos (64), vers les Pyrénées, avec une finale en octobre à Magny-Cours (58), dans la Nièvre. Je ne pratique pas souvent celui de Magny-Cours car il ne faisait pas partie du championnat ces dernières années, ni d’autres courses que j’ai pu réaliser. J’ai vraiment à cœur d’y être et d’y performer, entouré de ma famille et des partenaires.
Dernières réflexions d’un passionné
Emploi du temps d’un passionné : comment avez-vous réussi à vous préparer, en parallèle de votre métier ?
Je ne suis pas très assidu sur ma préparation physique. En revanche, je prends le temps de marcher régulièrement, de pratiquer la course à pied et d’effectuer des exercices d’étirements.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite se lancer dans la compétition de motos anciennes ?
S’essayer à une journée de roulage, quel que soit le niveau, de manière encadrée et avec une prise de vitesse en toute sécurité. Je trouve que cela apporte énormément sur soi-même, qu’on apprend davantage sur les capacités de la moto et ça permet de se sentir encore plus en sécurité sur la route.
Avec notre association Baugy Moto Racing Team, on a été organisateurs de journées de roulage pendant cinq ans. Nous avons arrêté pour des raisons financières, dues à des coûts très élevés. Elles ont permis à beaucoup de passionnés d’avoir accès aux circuits, avec leur propre moto et de comprendre beaucoup de choses : les angles à prendre, les phases d’accélération et de freinage, les évitements etc. Ces journées ont suscité beaucoup d’engouement. Pour moi, c’est quelque chose de très bénéfique qui devrait être obligatoire.
Comment voyez-vous l’avenir des courses de motos anciennes et leur place dans le monde de la compétition moto ?
J’espère que cela va continuer comme ça car il y a réellement beaucoup de passionnés, de proximité et d’échanges dans ce milieu-là. Lorsque je suis monté sur le podium au Circuit Carole (93), on m’a présenté à un ancien pilote, M. Jean-Louis Tournadre, 1er français à avoir été champion du monde en 250 cm³ en 1982, qui est venu me féliciter. C’était beaucoup d’émotions pour moi.
J’ai aussi pu partager des guidons avec d’autres pilotes comme Louis Rossi, en Championnat du Monde d’Endurance. J’ai disputé des épreuves sur le circuit de Mettet, en Belgique, avec M. Roger Ruiz et M. Stéphane Mertens. Cela fait de magnifiques souvenirs et des beaux moments de partage. En ce qui me concerne, tant que je pourrais rouler, je le ferai. Je ne me donne pas d’âge pour arrêter. Mon beau-père, avec qui j’ai obtenu mes quatre titres de Champion de France, a décidé de poser le cuir à l’âge de 68 ans. J’ai encore de belles années devant moi.
Pour finir, quelle serait la moto de vos rêves ?
Si j’étais amené à refaire le championnat l’année prochaine, je rêverais d’y participer avec une nouvelle moto et de construire un nouveau modèle : une Honda 900 CBR. Cela demanderait néanmoins énormément de travail pour la rendre compétitive.
Aussi, s’il y avait une moto mythique des années 85/90 que je pourrais avoir entre mes mains, ça serait une Honda RC30. À l’époque, c’était un « coupé-client » : une moto de course qui a tout gagné et qui a été homologuée pour la route, soit l’inverse de ce qu’on peut faire aujourd’hui.
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Palmarès de Nicolas Sénéchal
- 2014 : Champion de France – vitesse VMA.
- 2015 : 6ᵉ de la manche du Championnat d’Europe à SPA, en Belgique.
- 2015/2016/2019/2021 : Champion de France – endurance VMA.
- 2017 et 2020 : Vice-Champion de France - endurance VMA.
- Plusieurs participations aux 4 Heures de Liège Classics, dont une 3ᵉ place en 2015 et une 2ᵉ place en 2016.
- Plusieurs participations au Bol d’Or Classic, dont une 2ᵉ place en 2017.
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Visuels : © Nicolas Sénéchal, Delarue Photography, Geneviève Jacq, Hampe Racing Team