David Castera fait le point sur le programme Dakar Future
Publié le 22/03/2023
David Castera, patron du rallye-raid Dakar, présentait en janvier 2021 un projet de transition écologique nommé « Dakar Future », dont l’objectif principal est d’équiper l’intégralité des participants de l’épreuve en motorisation à faible émission à l'horizon 2030. Début décembre, à quelques jours du lancement de la 45ᵉ édition en Arabie Saoudite, il nous avait accordé un entretien pour faire le point sur les prochaines étapes de cet ambitieux programme.
- Gardez-vous ce même enthousiasme face à cette course mythique ?
- Que vous apportez votre carrière sportive dans votre travail chez ASO ?
- Avez-vous introduit le projet « Dakar Future » chez ASO ?
- Quels sont les initiatives afin de contrebalancer l’empreinte carbone du Dakar ?
- Comment maintenir une homogénéité, face aux motorisations innovantes et inégales ?
- Equiper les concurrents en motorisation à faible émission d'ici 2030 sera tenu ?
- Le palmarès de David Castera
Bonjour David Castera, merci de nous accorder un peu de votre temps pour cette interview. L’édition 2023 est la quatrième pour vous en tant que directeur de l’épreuve. Gardez-vous toujours, malgré votre rôle d’organisateur, ce même enthousiasme face à cette course mythique ?
Bien sûr, le plaisir est toujours là. Il y a des sujets que j’aime et d’autres moins comme dans tous les métiers. À la base, ce que j’aime c’est créer, c’est faire, c’est voir l’évènement se construire et se dérouler, mais c’est vrai que c’est difficile. C’est un gros rendez-vous donc il peut se passer beaucoup de choses. On est dans un rendez-vous à risques, il y a des hélicoptères, des avions, des voitures, beaucoup de personnes qui circulent. C'est une compétition avec des conditions extrêmes, donc tout peut arriver.
Ce stress du risque enlève forcément une partie du plaisir, mais si je n’aimais pas ce que je fais, je ne serais plus là. La passion garde le dessus et permet d’être toujours créatif. Malgré tout, je pense que ça n’est pas un métier que l’on peut faire toute sa vie, on est simplement de passage et je l’ai programmé comme cela dans ma tête.
Vous êtes aussi connu pour vos performances en tant que pilote, en enduro et rallye-raid notamment. Que vous apporte cette carrière sportive dans votre travail chez ASO* ?
Énormément de choses, mais j’apprends encore tous les jours. La moto m’avait aidé à devenir directeur sportif et la voiture (en tant que copilote) m’a aidé à comprendre d’autres choses de la compétition, qui m’ont permis d’être directeur aujourd’hui. J’avais déjà pu me faire la main sur mon propre évènement avec le rallye du Maroc, d’une taille plus modeste.
C’était important d’avoir cette première expérience d’organisateur pour découvrir ce rôle de A à Z, car quand on n'a qu'une partie à gérer, ce n’est vraiment pas pareil ! C’est ce qui m’a mis à l’aise pour dire oui [à ASO pour devenir directeur du Dakar, Ndlr].
Aujourd’hui, je ne conçois pas qu’un patron n’ait pas été concurrent ou très proche de la compétition, pour en connaître toutes les facettes. Ou alors, cela va dépendre de l’organigramme. S'il n'y a pas cette expérience en haut, il faut l’avoir plus bas. De notre côté, c’est moi qui l’ai et ceux en dessous de moi un peu moins, mais ils en ont d’autres et on se complète bien.
Le projet « Dakar Future », qui prévoit notamment l'introduction de motorisations alternatives, a été annoncé peu de temps après votre arrivée à la tête de l’épreuve. Peut-on y voir une impulsion de votre part chez ASO ?
Oui, c’est moi qui ai impulsé cette dynamique avec mes équipes après ma prise de fonctions. Nous arrivions dans un nouveau pays et dans un nouveau cycle du Dakar, après l’Afrique et l’Amérique du Sud. Avec toutes les problématiques écologiques d’aujourd’hui, nous ne pouvions pas ne rien faire. Au contraire, le sport a toujours été un laboratoire. En rallye-raid, nous avons amené l’airbag pour les motards et fait évoluer de nombreuses normes de sécurité. Encore aujourd’hui, on continue à travailler sur un airbag total qui englobe la tête. Le sport sert à ça : le Dakar doit être un laboratoire à ciel ouvert.
Réfléchissez-vous aussi à des initiatives afin de contrebalancer l’empreinte carbone du Dakar ?
Bien sûr. Nous menons déjà des actions en ce sens depuis de nombreuses années. Depuis 2009, nous réinvestissons ainsi chaque année dans un projet appelé « Madre de Dios » qui lutte activement pour la préservation de la forêt amazonienne. À notre arrivée en Amérique du Sud, nous avions rencontré cette association et cela nous avait semblé être un projet intéressant. Nous devons maintenant dénicher un projet similaire, plus proche des lieux actuels du Dakar, mais nous n’avons pas encore trouvé l’équivalent pour faire la transition. Nous avons aussi un semi-remorque entier qui récupère chaque année les pneus usagés. Nous ne laissons rien sur place, car les pays que nous traversons ne disposent pas d’usines de traitements adaptés.
Depuis le lancement du programme en 2021, on voit fleurir bon nombre de projets de motorisation (hydrogène, électrique ou biocarburant) particulièrement innovants, mais logiquement inégaux, en termes de performances et de niveaux de maturité. Comment pensez-vous réussir à maintenir une certaine homogénéité entre les concurrents ?
Quand on a fait les règlements, c’est justement la question que l’on s’est posée. En analysant bien, on se rend compte qu’il n’y a jamais eu un seul type de voiture sur le Dakar. En Formule 1 ou en WRC, tous les véhicules sont semblables. Sur le Dakar, il y a du 2 roues motrices, 4 roues motrices, des moteurs essence, des moteurs diesel... On a 7 ou 8 modèles de voitures différents, c’est beaucoup, mais ça a toujours été comme cela.
On fait une analyse de performance permanente des voitures, on récupère toutes les données et grâce à cela, on équilibre. C’est-à-dire qu’il y a des brides. Sur les voitures les plus anciennes, on diminue le diamètre d’entrée d’air et sur les nouvelles, tout est électronique, on fournit simplement une courbe de puissance aux équipes. Grâce à cela, on arrive à recréer sur chaque voiture des courbes équivalentes, qui vont nous donner des puissances plus ou moins similaires. En électrique c'est particulièrement simple, on définit une norme de watts, qui sera la même pour tous les véhicules, qu’ils roulent en 2 ou 4 roues motrices et quel que soit leur poids.
Le projet a aujourd’hui presque deux ans. Avance-t-il toujours comme vous le souhaitiez et pensez-vous que l’objectif d'équiper l'intégralité des concurrents en motorisation à faible émission d'ici 2030 sera tenu ?
Je crois que oui. Audi est déjà là avec une voiture électrique, qui utilise un moteur au biocarburant pour se recharger. Et quand demain, ils passeront à l’hydrogène, le cercle sera complètement vertueux. Donc j’y crois et de toute façon, si on ne se pose pas d’objectifs, on ne fera jamais rien. Même si cela doit être 2031 ou 2032, au moins on aura travaillé, on aura fait ce qu’il fallait et je sais que l’on y arrivera. Aujourd’hui, il y a beaucoup de projets qui naissent et d’ingénieurs qui travaillent, des plus petites aux plus grosses industries. Il y a une dynamique sans précédent, et c’est génial !
* Amaury Sport Organisation, société organisatrice du Dakar
PALMARÈS DE DAVID CASTERA
SILK WAY RALLY
Vainqueur avec Cyril Despres : (2016 et 2017)
DAKAR
3ᵉ place : (1997 et 2017)
ENDURO DU TOUQUET
10ᵉ place : (2000), 9ᵉ place : (2001)
GILLES LALAY CLASSIC
2ᵉ place : (1997 et 1999), Vainqueur : (2001)
CHAMPIONNAT DE FRANCE ENDURO
Champion (1992), vice-champion par équipe (1993)
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Visuels : © A.S.O. / Edoardo Bauer / Rally zone / FOTOP