Ornella Ongaro, pilote française du championnat WorldWCR
Publié le 06/11/2025• Par Thierry Traccan
Après une blessure en juillet qui aurait pu mettre fin à sa saison, Ornella Ongaro, figure emblématique de la moto française, revient plus déterminée que jamais. Engagée dans le championnat du monde féminin WCR, elle nous parle de sa rééducation, de ses ambitions et de sa passion intacte pour la compétition.
Ornella, tu t’es blessée fin juillet en Hongrie, comment ça va ?
Écoute, ça va bien. Oui je me suis fracturée la tête de l’humérus à la suite d’un accrochage en course sur le circuit du Balaton Park. Ça m’est arrivé le samedi 26 juillet et je suis rentrée en camion avec l’équipe, un trajet de 17 heures, ça m’a donné le temps d’organiser à distance l’opération. Tout s’est très bien passé, j’ai été prise en charge dès mon retour en France, admise à la clinique de Saint-Laurent du Var où j’ai été opérée le 29 juillet pour la pose classique du combo plaques-vis. Depuis, je suis un protocole strict de rééducation pour être présente à la manche française de Magny-Cours les 6 et 7 septembre.
Ça veut dire qu’entre ta chute et la reprise de la moto, il se sera écoulé un peu plus d’un mois ?
Exactement, et même un peu moins puisque je vais faire un essai avant, pour être certaine que je me sens prête. Rouler pour être vingtième, ça ne sert à rien, et revenir trop vite comme Marc Marquez1 l’avait fait, ça ne sert à rien non plus, surtout que contrairement à lui, je ne gagne pas onze millions d’euros par an (rires). Mais là tout se passe bien, et puis le mental fait beaucoup pour passer au-dessus de la douleur. Donc on verra mais je suis confiante pour pouvoir rouler sur la manche française de notre championnat du monde, même si je sais que je ne serai pas à 100 %.
Tu as un parcours riche et varié, avec des compétitions dans plein de championnats, tu peux nous en parler ?
Oui j’ai roulé dans les catégories jeunes, puis en 125, 250, 500, 600 et 1000. J’ai gagné des courses en France, j’ai fait des courses sur route en Angleterre, toujours avec les garçons. Depuis 2024, date de création du championnat du monde féminin, je suis revenue à la compétition après presque sept ans d’arrêt. J’avais dû tout arrêter, mettre mes anciennes activités entre parenthèses au moment où j’ai récupéré la garde de ma nièce, qui va bientôt avoir 7 ans. Quand j’ai appris la création de ce championnat, alors que de mon côté j’avais œuvré en France pendant mes saisons de course pour mettre en avant les filles, je me suis dit qu’il était temps que je reprenne aussi le cours de ma vie.
Et justement, comment juges-tu le championnat du monde féminin ?
Je trouve que c’est vraiment une bonne chose, il enlève une difficulté majeure à laquelle nous sommes souvent confrontées dans un sport mécanique quasi exclusivement masculin : la misogynie. Un championnat exclusivement féminin au moins c’est clair, et puis nous sommes mises en valeur, il y a une excellente communication, les choses sont bien faites, on nous respecte, ce championnat ne va faire que grandir c’est certain. Ça permet aussi aux jeunes de prendre le temps de progresser.

Tu te projettes comment dans ce championnat ?
Le premier objectif était déjà de revenir en compétition, refaire ma place dans le milieu. Il m’a fallu retrouver des budgets, même si ceux que j’ai réunis sont incomparables avec ceux d’autres filles.
C’est quoi le budget global pour une saison ?
Si tu veux gagner, c’est plus de 100 000 €. Ce qui représente beaucoup d’argent et à la fois pas tant que ça pour un championnat du monde. Mais moi je reste très loin de cette somme, je pense qu’aux 25 000 € demandés par l’organisation je dois rajouter un peu plus de 10 000 €. Mais c’est la formule mini : je ne m’entraîne pas, je n’ai pas de moto d’entraînement, je ne voyage pas en avion, je ne dors pas à l’hôtel, etc. Pour espérer gagner il faut travailler à fond l’entraînement, pouvoir aller sur les circuits pour préparer les courses en amont. Malgré tout, tu peux faire un championnat du monde avec peu d’argent, et ça c’est une vraie chance. Sur place nous sommes dans une structure dédiée, il y a des techniciens de chez Yamaha, un télémétriste, des pièces détachées, leurs techniciens assurent aussi la maintenance entre les courses, tu as des primes en fonction de tes places obtenues, c’est vraiment très bien pensé.
Et la Yamaha R7 qui est la moto retenue, tu la trouves adaptée ?
Oui, elle est bien. Personnellement je trouve qu’elle manque un peu de chevaux, parce que j’ai un pilotage assez agressif, mais objectivement c’est une moto parfaitement adaptée à la catégorie où parmi les vingt-cinq pilotes engagées nous avons des gabarits différents, des compétences et des expériences motos différentes. C’est une moto qui réclame de rouler propre, de manière fluide, plus tu vas attaquer et moins tu vas avancer. Il faut être fine, subtile, ça colle bien à notre championnat.
C’est un championnat que tu valides et dans lequel tu espères rester ?
Tout à fait. Et comme j’ai arrêté sept ans, je compte bien récupérer ces années et rouler au-delà de mes quarante ans. J’espère me battre devant en 2026, je vais tout faire pour. Je suis en train de monter un projet pour faire aussi des courses mixtes, histoire de gagner en rythme. Je reste 100 % passionnée, et j’ai toujours autant envie de m’investir dans la compétition. Je sais pourquoi je suis là et je sais où je veux aller.
Qu’est-ce que tu donnerais comme conseil à une fille qui hésiterait à se lancer dans la moto ?
Qu’elle fonce, il ne faut pas hésiter à se lancer ! Nous les femmes, on a tendance à se poser des millions de questions. C’est dans nos gènes, mais à un moment il faut plutôt écouter son cœur, se faire confiance et y aller. Que celles qui hésitent à se lancer se rapprochent des pilotes féminines plus expérimentées qui sauront les conseiller. Mais c’est un fait, la moto et même la course ne sont plus réservées aux garçons. Et puis se faire confiance et s’investir, c’est une règle que je crois valable pour beaucoup de choses dans la vie. Je crois qu’il vaut mieux se lancer et s’apercevoir que ça ne plaît pas plutôt que de se dire à soixante-quinze ans : j’aurais dû essayer parce que j’en ai toujours rêvé. D’autant qu’on ne parle pas de sauter d’un avion sans parachute, juste pratiquer de la moto, ce n’est pas un truc fou.
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1 Marc Marquez avait tenté le pari fou en 2021 de revenir en course moins d’une semaine après la fracture (et l’opération) de son humérus. Un retour catastrophique qui le handicapera plusieurs années et lui valut de nombreuses opérations pour réparer son bras meurtri.
Visuels : © FIM WCR, Lily Rault
