Souvenirs automobilistes - Joséphine, Juvaquatre de 1938

20/04/2020 Par Igor Biétry

Après avoir œuvré pendant près de 15 ans à la rédaction de La Vie de l’Auto, imaginé et présenté l’émission « La Balade d’Igor » pour Motorsport TV, le speaker des plus grands évènements de l’automobile de collection vous propose de revivre l'opération « Osez Joséphine » un « défi fou » relevé en 2018, sur les traces d'un record vieux de 80 ans d'une Renault Juvaquatre...

Fomenter de nouvelles aventures a un je ne sais quoi de merveilleux. Lorsque l’on est capable de s’autoriser à imaginer un voyage, une expérience, le boulot est déjà presque fait, c’est comme avoir déjà un pied dans la voiture pour prendre le départ.

Lors d’une visite anodine chez Jean-Jacques Lesage, président du club Echillais Locomotion d’hier et d’aujourd’hui, je passais dans sa « caserne » d’Ali baba, devant son bel alignement de sportives estampillées du losange Renault. Son truc à ce charentais-maritime, outre une incroyable collection autour des jouets et la « chine » dans toutes les bourses d’échanges de France dressée au rang de religion, ce sont les Renault de course. R8 Gordini, mais aussi les rares R8S, Alpine A106, Berlinette avec le choix du moteur ou des coloris et une poignée de monoplace de Formule toutes équipées du petit 4 cylindres avec le fameux G de Gordini sur le cache culbuteurs.

Habitué à les voir bouger régulièrement, ce jour-là, je ne fis pas attention à sa dernière trouvaille… Une petite voiture plutôt pâlichonne et loin d’être une voiture de course : Une Juvaquatre de 1938. Devant mon intérêt assez limité, je le concède, pour les petites « popus » des années 50 à 60, Jean-Jacques, qui me connaît bien, sortit l’arme fatale !

« Tiens regarde, j’ai le catalogue d’époque, ça a fait un record à Montlhéry avant-guerre !

- Quoi, un record à Montlhéry, avant-guerre ?

- 107,820 km/heure de moyenne en 50 heures en avril 1938 !

Là, j’ai les fils qui se touchent !

- Jean-Jacques, on va le refaire ! »

C’est là que les choses se sont compliquées.

Neuf mois après un boulot de dingue, nous étions une douzaine sur le circuit de Linas-Montlhéry pour une incroyable aventure de 36 heures. Jean-Jacques le propriétaire de la voiture, Thierry Dubois « Mr Nationale 7 » et illustrateur vedette du monde de l’automobile de collection, Jean-Claude Amilhat, la plume du magazine Auto Rétro et mézigue formions le quatuor qui allait se relayer toutes les deux heures.

Nous étions accompagnés d’une armée mexicaine composée de mécanos, d’une « cantinière » et d’une poignée de grognards, toujours prêts pour les bons coups. Nous étions partis pour rouler 36 heures en nous relayant toutes les deux heures. Pour dire vrai, nous étions quatre incroyables veinards qui roulions sur le précieux anneau dans le sens des records… Il faut bien reconnaître que nous ne sommes pas si nombreux à l’avoir fait. La nuit, dans le halo des maigres phares, nous visions d’un œil notre trajectoire pour rester sur la piste. La pleine lune était de la fête cette nuit de juin 2018 et transformait l’anneau de béton en une gigantesque vague dont nous surfions le tube. Je me suis surpris en train de baisser la tête dans l’habitacle…

Accompagné par tous les fantômes du fameux circuit parisien nous goûtions chaque seconde exactement comme 80 ans auparavant ils avaient pu le faire. Le chant du petit quatre cylindres, de Joséphine, le petit nom de la Juva, résonnait régulier à mes oreilles. Fébrile, j’étais à l’affut du moindre son suspect et me prenais un peu pour Mermoz ou Guyaumet au-dessus des Andes… Il fallait que la mécanique tienne !

Las, cette aventure faillit se terminer dans l’atelier de Fréderic Novo après 26h10 de roulage ! Le spécialiste des Bugatti, installé à une quinzaine de kilomètres du circuit, avait répondu favorablement à notre appel au secours, quand le régule de deux des bielles a fondu vers 22h. Le temps des conducteurs était passé, nos deux mécanos, Patrice et Renaud rentraient en lice. Après un véritable prodige et une nuit blanche, la petite octogénaire retrouvait la piste et passait la ligne d’arrivée le lendemain à 8h00.

Esbaudis mais heureux, nous avions osé le rêve. Il n’y avait rien à gagner, juste graver dans nos mémoires des souvenirs impérissables.

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Visuels : © J.-Ch. Chaudron