Le Mans 1966 : Ford au firmament

02/07/2020 Par Igor Biétry

Igor Biétry, Speaker et journaliste automobile, revient sur l'édition de 1966 des 24 heures du Mans, redevenue fameuse grâce au film « Le Mans 66 », sorti l'hiver dernier.

En ce mois de juin, époque traditionnelle de l’épreuve des 24 heures du Mans, revenons sur la 34e édition de la fameuse épreuve mancelle. Celle de 1966. Grâce au film sorti l’hiver dernier « Le Mans 66 », elle est devenue la plus fameuse de toutes, la plus connue en tous les cas.

L’aura de cette édition n’a, selon mon point de vue, pas d’égale dans l’histoire de l’épreuve et je ne parle ici que du point de vue sportif car personne n’oubliera jamais celle de 1955 qui marqua l’histoire de façon tragique avec l’effroyable accident de Pierre Levegh sur Mercedes qui coûta la vie à 84 spectateurs et en estropia plus de 150.

Revenons donc au sport. En 1966, les enjeux étaient assez magiques puisque en 1963, un « petit » constructeur italien n’avait pas voulu céder sa rougeoyante « scuderia » à l’armada yankee de Ford. Ces derniers, vexés comme des poux, avaient donc, à défaut et à la hâte, lancé un grand programme pour gagner l’épreuve et mettre une correction à l’italien. Ils avaient greffé un gros V8 maison sur une petite Lola anglaise et, comme lors de la seconde guerre mondiale, posé leurs bases en Angleterre, pour « débarquer » non pas sur les plages mais sur le circuit sarthois.

Las, en 1964, les toutes nouvelles Ford GT40 prirent une fessée déculottée puisque aucune des voitures engagées ne put franchir la ligne d’arrivée alors que Ferrari s’offrit les trois premières marches du podium. Les 5ᵉ et 6ᵉ places furent également de rouges vêtues puisque obtenues par de vieillissantes 250 GTO. A la 4ᵉ place pointait la Cobra Daytona privée de l’Ecurie Shelby, pilotée par Dan Gurney et Bob Bondurant. Forcément ça énerve Henry Ford II de façon inimaginable… mais marque le début d’une collaboration fructueuse, très fructueuse même, entre Shelby et Ford.

Si vous avez vu le film vous connaissez la suite. Devant la catastrophe sportive, Carol Shelby est embauché et impose Ken Miles qui sera le grand héros de cette histoire tellement américaine. Ce film a le grand mérite de montrer aussi les enjeux économiques colossaux pour Ford. La période est bénie, les « baby boomers » ont de l’argent et veulent se faire plaisir avec des voitures de sport et il faut que le géant américain s’impose face à la concurrence acharnée de Général Motors, car la nouvelle marque Edsel n’obtient pas les résultats escomptés et l’avenir de la Ford Motor Compagny est sombre.

Heureusement, la marque de Detroit s’offre un coup de génie avec la sortie de la toute nouvelle Mustang. Mais ceci est une autre histoire… Vous avez vu le film, forcément et savez que trois Ford MkII (prononcé Mark 2 et non pas MK 2 !) s’imposèrent en ce 19 juin 1966, tandis que la débandade fut cette fois-ci transalpine. Notons au passage que Porsche est à deux doigts de mettre tout le monde d’accord et est à l’aube à ce moment de son histoire d’une collection de victoires inégalées depuis.

Pour faire l’intéressant lors des dîners en ville ou lors de la prochaine sortie saucisson du club, notez qu’on parle ici de Ford Mk II et non pas de GT40. Carrosseries quasi identiques, les Mk II disposent du bloc moteur type 427 (soit 7 litres de cylindrée) alors que les GT40, sont mues par le bloc 289 de 4,7 litres.

En 1996, officiant pour l’hebdomadaire La Vie de l’Auto, j’assistais aux animations autour des 24 Heures du Mans et j’ai fait partie des petits veinards qui, en marge des festivités, ont assisté 30 ans après, au passage de la ligne des trois Ford victorieuses en 1966. Imaginez l’émotion de leurs propriétaires et le staff de Ford qui avaient fait affréter spécialement pour l’occasion un avion cargo pour les faire venir des États-Unis.

Ce passage de la ligne est totalement mythique puisqu’il fut l’un des plus controversés de l’histoire. En fait, Leo Beebe, le responsable des relations publiques de Ford en 1966, voit l’opportunité incroyable pour l’image de la marque de faire passer la ligne d’arrivée par les trois voitures en tête, ensemble. Caroll Shelby, contraint par le board de Ford ordonne à Ken Miles de ralentir, alors qu’il avait littéralement survolé l’épreuve. Les trois voitures passèrent la ligne ensemble… Mais c’est Bruce McLaren qui fut déclaré vainqueur aux dépends de Miles.

Il faut savoir qu’aux 24 Heures du Mans, le règlement prend en compte la distance totale couverte par les voitures. Et prend donc en compte la position sur l’épi de départ. Bruce Mac Laren moins bon aux essais est donc parti de « plus loin » que Ken Miles. La vérité est que les instances sportives avaient validé avec Ford que les distances seraient considérées comme égales… Oui mais la fameuse photo du passage de la ligne montre clairement que d’un coup de gaz, le nez de la Ford de Bruce Mac Laren précéda celui de la Ford de Ken Miles… Et qu’il fut déclaré vainqueur tout simplement !

Lien document vidéo d’époque : https://www.youtube.com/watch?v=7rrVOVuwPV0

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Visuels : © Igor Biétry / Archives ACO