Interview de Marc Ouayoun : Directeur Général Peter Auto
Publié le 24/11/2025• Par Stéphane Cohen
Face au succès populaire des évènements organisés par le leader des compétitions automobiles historiques, et pour répondre à une clientèle qui ne cesse d’évoluer et de rajeunir, Marc Ouayoun, le nouveau directeur général de Peter Auto dévoile ses stratégies. Rencontre avec un “bagnolard” à la passion solidement ancrée dans le parcours, tant professionnel que personnel.

Depuis plus d’un an, vous avez rejoint l’équipe de Peter Auto. Quel chemin vous y a amené ?
J’ai toujours souhaité travailler dans l’industrie automobile comme d’autres rêvent de devenir pompiers. Je suis entré chez Mercedes en 1995, au département marketing. Puis je me suis occupé de la distribution en Île-de-France pour Smart. Mon rêve d’adolescent s’est accompli en 2006 : travailler chez Porsche ! Je suis devenu directeur de Porsche France, puis PDG de Porsche Canada de 2018 à 2022.
À mon retour en France, j’ai pris la direction de la marque Audi. J’ai un parcours très allemand !
Et vous voici chez Peter Auto…
Pierre Fillon m’a appelé pour me dire que Peter Auto allait être repris par l’ACO et ASO. Il a pensé à moi parce qu’on a longtemps travaillé ensemble quand j’étais chez Porsche. Patrick Peter me connaissait aussi parce que j’ai souvent été partenaire de ses opérations. Donc ayant beaucoup de liens avec l’automobile de prestige, de sport et par extension de compétition, c’était un job sur mesure !
Comment expliquer cet engouement pour les rassemblements d’anciennes ou de youngtimers, qui semble gagner en popularité chaque année ?
Que ce soit la voiture des vacances en famille ou celle qui a gagné Paris-Dakar ou les 24 Heures du Mans, l’automobile est omniprésente dans notre culture. Ces voitures réveillent des souvenirs qui sont nos madeleines de Proust, et facilitent les échanges entre passionnés. On veut partager sa passion avec d’autres et rien de tel qu’un rassemblement comme Le Mans Classic par exemple, où vous avez, près de 9 000 voitures de clubs qui sont exposées sur le circuit Bugatti dans une atmosphère extraordinaire ! Le Mans Classic est un musée vivant du sport automobile.

De même, les courses historiques que Peter Auto organise procurent des émotions à part…
Au volant d’une Bugatti d’avant-guerre au Mans Classic, dans une Jaguar Type E des années 1960 lors de nos courses des Sixties ou avec des voitures des années 1980, les Groupe C, on n’est pas comme dans une course moderne : il y a un côté gentleman driver, une espèce d’esthétique et d’art de vivre liés à ces courses où l’on se remémore le passé mais où l’on vit surtout des émotions extraordinaires. Pas mal de nos concurrents passent d’une voiture à une autre pendant les week-ends de compétition, parce qu’ils veulent multiplier les expériences de conduite : années 1960, années 1980… Ces expériences procurent des sensations incomparables. C’est la combinaison de tout cela qui fait notre succès.
Vous devez vivre à 100 à l’heure !
Je vais partout, j’essaie d’être bien organisé. Le Mans Classic a été un véritable tourbillon ! Imaginez l’ampleur de l’évènement qui rassemble plus de 238 000 personnes, 700 pilotes ! C’est le plus grand évènement de course historique au monde ! Le temps est passé comme un éclair. Je suis allé à la rencontre de nos concurrents, de nos partenaires, de nos commissaires qui ont un rôle important à jouer. C’est beaucoup d’investissement personnel, mais chaque week-end de course est différent et c’est toujours un vrai plaisir de retrouver nos concurrents. Beaucoup se connaissent, c’est une vraie famille qui se retrouve sur les circuits.
L’ACO (Automobile Club de l’Ouest) est l’organisateur historique des 24 Heures du Mans et l’un des principaux acteurs du sport automobile d’endurance, responsable notamment de la réglementation des catégories comme LMP et GT.
ASO (Amaury Sport Organisation) est une société spécialisée dans l’organisation d’événements sportifs internationaux, dont le Dakar, le Tour de France et plusieurs rallyes-raid.
Comment Peter Auto se renouvelle et s’adapte aux attentes ?
C’est une maison qui s’est bâtie sur l’excellence, sur l’exigence, et c’est une recette que je n’ai pas l’intention de bouleverser. En revanche, comme je l’ai souvent dit dans mes fonctions précédentes, il faut savoir changer pour que rien ne change. Ça veut dire que nous allons nous muscler pour faire face à nos nouveaux défis mais en restant à taille humaine. Cela permet de combiner au mieux efficacité, souplesse et réactivité ce qui fait notre force, il me semble.
Ça veut aussi dire suivre les attentes des clients ainsi que l’arrivée de nouvelles générations qui veulent rouler avec des voitures plus récentes. Et c’est ce que nous faisons. Nous sommes en train de préparer la saison 2026 avec toutes ces nouveautés : les nouveaux plateaux, les nouvelles séries plus récentes, le GT3, LMP1, LMP21, des voitures de 10-15 ans aujourd’hui. On est entrés dans une période plus récente, sans négliger les véhicules plus anciens.
Ça va en faire, du monde !
C’est la raison pour laquelle nous allons désormais organiser une édition du Mans Classic tous les ans mais avec des orientations distinctes. Il y aura une version vintage, Le Mans Classic Heritage, qui réunira les véhicules des années 20 au milieu des années 70 et une version plus Youngtimers, Le Mans Classic Legend, avec les véhicules de 1976 à 2015. Le monde de la collection est vivant et les nouvelles générations sont également en demande. Aussi, il s’agit de se réinventer mais sans perdre notre âme. Si je devais résumer je dirais que l’Heritage sera l’édition où les parents emmèneront leurs enfants et le Legend l’inverse.
Est-ce à dire qu’il y aura deux salles, deux ambiances ?
Oui mais avec le même fil rouge, une passion omniprésente et toujours la même exigence de qualité quant aux véhicules présents. Le Mans Classic est un événement incontournable qui doit rester une référence mondiale.
Par contre, certaines animations seront à l’avenant. Les concerts seront en cohérence avec les éditions. Difficile d’imaginer de la musique électro type Kavinsky dans la version Heritage par exemple. Je ne peux pas encore tout dire car nous y travaillons mais l’arrivée de nos nouveaux actionnaires va également nous permettre de proposer de nouvelles choses. Nous allons plus largement mettre le musée en avant avec un billet d’entrée couplé. De gros investissements viennent d’y être réalisés et il serait plus que dommage de venir au Mans Classic sans le visiter.
Et enfin, nous renforcerons les nouveaux modes de communication. Nous avons mis en place un live sur les réseaux sociaux lors de la dernière édition avec un vrai succès et plusieurs dizaines de milliers de vues. Aussi, nous allons continuer dans cette voie et depuis mon arrivée, je travaille sur ce storytelling.
Les jeunes : l’avenir des anciennes ?!...
C’est très intéressant de voir que le pilotage des voitures anciennes ne se démode pas. Je vois des jeunes trentenaires, y compris des femmes, qui roulent dans des voitures d’avant-guerre, des Bentley ou des Bugatti… Ces voitures ont, pour certaines, presque cent ans. Elles sont chouchoutées, restaurées et génèrent également beaucoup de main-d’œuvre locale, il ne faut pas l’oublier. Il s’agit de patrimoine, d’artisanat, et d’économie locale et durable.
Et vous, quelle sorte de passionné êtes-vous ?
En culottes courtes, des Majorette dans les poches, je me souviens des longs voyages, le chien et moi à l’arrière de la Coccinelle 1302 familiale ! Ma première voiture, je l’ai achetée grâce à un petit prêt étudiant qui a financé un ordinateur et une 205 GTI d’occasion ! Aujourd’hui, j’ai toujours une DS19 de 1957, une des premières… Mais la voiture préférée de ma petite collection, c’est un Boxster Spyder 987 absolument magnifique que j’adore conduire !
Visuels : © Peter Auto, Y.Leclercq, Luc Dlb, ACO
