Alexis Aubertin, auteur des guides à moto Dafy Trip
Publié le 29/07/2025• Par Thierry Traccan
Alexis Aubertin est l’auteur des guides moto Dafy Trip, une collection pensée pour les motards en quête d’authenticité. À travers ses roadbooks, il invite à découvrir la France autrement : loin des grands axes, au plus près des territoires, des paysages variés et des rencontres locales. Dans cette interview, il partage ses coups de cœur, ses conseils pratiques et sa vision du voyage à moto, entre liberté, curiosité et plaisir de la route.

Alexis, si je te demande tes cinq meilleurs endroits pour partir à moto ?
Dans mon top 5, il y en a beaucoup qui vont être en Auvergne (Alexis est auvergnat, NDLR.). Non, sincèrement je trouve qu’il y a beaucoup de régions qui se prêtent à la moto, même si on ne va pas dans les endroits les plus réputés. C’est sûr que pour moi faire l’Ardèche ou les Alpes en plein mois de juillet ou d’août, c’est bien moins sympa que de faire les routes du Quercy ou du Limousin qui te permettent de trouver de l’espace. C’est vrai que la montagne, les Alpes, les Pyrénées comme le Jura se prêtent à se faire plaisir. On a beaucoup de régions qui allient les spécialités locales (découvertes, visites, art culinaire), et ça, ça plaît énormément aux motards.
Au cours de la réalisation de tes guides, t’es-tu fait surprendre ?
Ah oui… J’ai fait un guide sur le haut Languedoc et franchement, ça a été une découverte incroyable, tant par la richesse que par la variété de ses territoires. Quand tu fais la route des Grandes Alpes, évidemment que tu en prends plein les yeux, mais ce n’est pas dû à la variété des paysages. Là, en haut Languedoc, les tableaux se succèdent en quelques kilomètres. Quand tu passes des Cévennes à l’Aubrac, à la Lozère, à l’Aveyron, la diversité des paysages t’en met plein les yeux.

Et au-delà des régions, les routes ?
On s’offre des surprises hallucinantes quand tu es à moto… Par exemple, on prend tous la côte de Mayres pour descendre dans le sud quand on traverse l’Ardèche, direction Aubenas. Mais juste à côté, tu as une route parallèle qui part de la Croix de Bauzon et qui va aussi jusqu’à Aubenas, c’est une route folle, avec des panoramas incroyables, des virages en enfilade magnifiques, et en plus tu t’y retrouves seul au monde. Une route qui ne sert à personne, sauf aux motards.
Pas dans le même style, je me suis retrouvé bloqué un jour dans les Pyrénées à cause d’un éboulement sur une route qui devait m’amener à Font-Romeu. On m’a conseillé de prendre une route alternative, la D4 depuis Aureilhan, une route de vingt kilomètres que tu fais en une heure ! Mais c’est une route incroyable. Une route à flanc de montagne où tu croises à peine une autre moto, où tu rentres dans la roche, où tu es dans un panorama tellement grandiose, au bord du vide, que tu ne sais plus si tu fais de la moto ou du vol à voile. Il y a quelques perles comme ça.

La France est magique pour la moto ?
Nous avons un territoire extraordinaire. L’idée de mes guides, c’est de défricher, de sortir des itinéraires les plus connus, même si on les mentionne toujours, pour trouver des alternatives au moins aussi intéressantes, et ce dans des territoires où les motards sont les bienvenus. C’est sûr qu’aujourd’hui dans les Vosges, par exemple, tout est fait pour limiter la présence des motards, alors que la région s’y prête tellement. Pareil, faire un Ventoux surpeuplé en été n’a pour moi aucun intérêt. Ce qu’il faut c’est aller chercher des endroits moins « touristiques » en été, et faire ces grands classiques hors période si on le peut.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui envisage de partir quelques jours à moto ?
À moto, on a beaucoup de liberté, c’est aujourd’hui très simple de gérer son hébergement avec toutes les applications mises à disposition, de décider le jour même où on fera halte le soir plutôt que de se fixer impérativement dès le départ un point de chute. On doit savoir se laisser porter par son rythme, pas l’imposer.
Après, et c’est l’intérêt de mes guides, c’est de construire son itinéraire en suivant l’essentiel d’une trame, des recommandations, d’aller piocher dans ce qui existe pour ne pas se retrouver déçu. Rien ne t’empêche évidemment de partir à la découverte en tournant à gauche, à droite, même si un roadbook te conseille d’aller tout droit, la moto offre facilement ce plaisir. Tu peux vivre ta propre expérience, et l’enrichir des prescriptions validées par les professionnels qui ont tout repéré dans ces espaces et sélectionné ce qu’ils jugeaient de meilleur.

Voyager c’est donc aussi prendre le temps ?
Tout dépend de ce que l’on recherche, mais oui, je dirais qu’il faut savoir apprécier au maximum le moment et l’endroit. Souvent on se fixe une feuille de route trop ambitieuse et on roule sans prendre le temps de profiter de ce qui nous entoure, on se dit alors qu’il faudra qu’on y revienne...
Moi je conseille déjà d’en profiter directement, en limitant la taille de ces étapes par exemple. J’ai souvent roulé avec des motards qui décidaient de se faire une étape de 250 kilomètres et qui se retrouvaient frustrés parce qu’ils n’avaient pas pu profiter de l’entièreté de ce que proposait l’itinéraire. Ne pas être trop gourmand, se dire que faire 500 kilomètres en 4 ou 5 jours, ben finalement ce sera bien mieux que d’en faire le double mais sans pouvoir profiter de tout.
C’est quoi pour toi un voyage réussi à moto ?
C’est celui qui ne te contraint pas à rester le nez derrière le guidon, mais celui où tu lèves justement le nez du guidon pour aller à la rencontre des gens, discuter avec les locaux, le boulanger, le restaurateur, pour prendre des conseils. On ne se rend pas compte mais les gens sont d’une grande gentillesse, et adorent faire partager leur territoire, leur région.
Alors ce n’est pas forcément changer de région, mais simplement adapter les choses. C’est-à-dire par exemple, plutôt que faire l’Ardèche, faire la Haute Ardèche. Dans mes guides, je prévois toujours quatre parcours pour une région, avec le parcours carte postale, et trois alternatives qui permettent d’en profiter tout autant par des voies moins fréquentées. En été, c’est sur ces alternatives que je partirais. Essayer toujours d’aller chercher dans les régions des endroits un peu moins connus.
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