Road trip moto au Moyen-Orient : Jour 5, Damas et la trahison de Lawrence

03/05/2022 Par David Dumain

C’est dans un état de fatigue avancé que Sylvain, Thomas et Clément, accompagnés de leurs contacts sur place, François et Mahmud, sont arrivés à la nuit tombée dans un hôtel « à l’ancienne » de la capitale syrienne. Poulet grillé et msabbaha (houmous syrien dans lequel les pois chiches restent entiers) parviendront à requinquer la troupe.

Le matin, Thomas et Clément sortiront leurs appareils pour saisir des images fixes et animées des motos dans les ruelles du vieux Damas. De quoi se consoler d’avoir fait l’impasse la veille sur la visite de Jerash, où subsistent les vestiges de l’antique cité de Gérase et notamment son fantastique forum ovale, connu pour être le plus grand de l’Empire romain. François, maître d’œuvre du parcours historique sur les sites jordaniens et syriens, y a renoncé à regret, mais le fastidieux passage de la frontière jordano-syrienne a donné raison au choix des aventuriers de parer au plus rapide. Les contacts noués par François et Mahmud auprès des tribus bédouines quelques semaines avant l’aventure ont en outre assuré le transfert sans le moindre problème jusqu’à Damas.

La récente guerre en Syrie a ravivé la plaie née des accords Sykes-Picot signés en mai 1916 entre Français et Britanniques et qui prévoyaient le découpage du Proche-Orient et le mandat français sur la Syrie, avant même que la campagne de Lawrence soit achevée. D’où le sentiment de trahison de ce dernier envers les troupes qu’il emmenait au combat. Si le film entretient le mythe d’une ignorance de Lawrence de ces accords secrets, il est pourtant explicite dans ses mémoires :

« La Révolte arabe avait débuté sur de faux-semblants. Pour obtenir l’aide du Cherif, notre cabinet avait offert de soutenir l’établissement de tribus dans certaines parties de la Syrie et de la Mésopotamie « sans préjuger des intérêts de notre alliée, la France. Cette dernière clause discrète dissimulait un traité par lequel la France, l’Angleterre et la Russie s’accordaient pour annexer certaines de ces zones promises et pour établir leurs sphères d’influence respectives sur le reste. Des rumeurs sur cette fraude atteignirent, de Turquie, les oreilles arabes. En Orient, on faisait plus confiance aux personnes qu’aux institutions. Aussi les Arabes, ayant éprouvé sous le feu mon amitié et ma sincérité, me demandèrent, en tant qu’agent libre, d’avaliser les promesses du Gouvernement britannique. On ne m’avait pas averti, même en privé, du traité Sykes-Picot. Mais, n’étant pas un parfait imbécile, je voyais que, si nous gagnions la guerre, les promesses faites aux Arabes ne seraient que du papier. Eussé-je été un conseiller honorable, j’aurais renvoyé les hommes chez eux et ne les aurais pas laissés risquer leur vie pour de telles balivernes. Pourtant l’aspiration arabe était notre principal outil pour gagner la guerre d’Orient. Je leur assurai donc que l’Angleterre tenait sa parole à la lettre, et en esprit. Avec cet encouragement, ils accomplirent leurs exploits ; mais bien sûr au lieu d’être fier de ce que nous faisions ensemble, j’étais continuellement et amèrement honteux. ».

Cette trahison explique la démission de Lawrence du cabinet des Affaires étrangères peu après son retour en Angleterre, et son engagement sous un pseudonyme dans la Royal Air Force comme simple mécanicien, afin de laisser libre cours à sa passion – qui s’avérera fatale – pour la moto et la vitesse.

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