Road trip moto au Moyen-Orient : Jour 6, Palmyre à la belle étoile

Publié le 04/05/2022 Par David Dumain

L’étape à Palmyre, avec les autorisations qu’elle a nécessité pour y amener des motos au pied des colonnades et y passer la nuit, constituait un point d’orgue de l’aventure de Sylvain Tesson et de ses compagnons. François avait travaillé d’arrache-pied pour sécuriser cette étape dans une cité antique symbolique de la guerre qui a récemment déchiré la Syrie. Lorsque l’État Islamique a diffusé les images de la destruction du temple de Baalshamin en août 2015, jusque-là l’un des mieux conservés de cet ancien comptoir commercial romain qui prospérait vers 200 avant J.-C., le monde entier a subi de plein fouet le choc de cette attaque dirigée contre la culture et le patrimoine mondial.

L’autorisation de dormir à la belle étoile dans l’ancienne cité-état de la Reine Zénobie avait donc été accordée à Sylvain, Thomas, Clément et François, une poignée de soldats montant la garde près du temple de Bêl, également détruit à l’explosif par l’État Islamique en août 2015. Le « fixeur » de l’équipe, Mahmud, a quant à lui préféré dormir sous un toit moins céleste, rafraîchi par les températures extrêmement basses. La route jusqu’à la porte du désert que constitue Palmyre, ancienne halte pour les caravanes sur la route de la Soie, s’est en effet accomplie dans la douleur, la grêle giflant les motards pendant près de 20 minutes au départ de Homs. Partout dans cette zone de Syrie, les vestiges de la guerre sont présents, jusqu’au village de Palmyre, qui lui aussi a subi les outrages des explosifs.

Rien ne devait cependant décourager les aventuriers lancés sur les traces de Lawrence d’Arabie, dont le rêve d’édifier de son vivant « ce Moyen-Orient nouveau que les temps nous apportaient lentement et inexorablement » tel qu’annoncé dans « Les Sept piliers de la Sagesse » avait lui, volé en éclats depuis longtemps. Lawrence savait l’incroyable difficulté d’affronter des rebelles, lui qui avait lancé nombre de sabotages contre l’armée turque durant sa guerre de reconquête : « Faire la guerre à une rébellion est lent et compliqué, comme de manger sa soupe avec un couteau ». C’est armés de livres (l’ouvrage de référence de Lawrence et « Le Rêve le Plus Long de l’Histoire » de Jacques Benoist-Méchin) et se réchauffant le corps grâce à un brasier improvisé dans une brouette abandonnée que les gars Tesson, Goisque, Lastours et Gargoullaud allaient passer une nuit sous une nuée d’étoiles, avant que Thomas ne se réveille à 3 heures du matin pour immortaliser ce moment de grâce avec des clichés de 30 secondes de temps de pose.

Dans « Les Sept Piliers de la Sagesse », Lawrence se souvient d’un échange avec son fidèle Aouda, qui lui demande « de façon provoquante » : « Pourquoi les occidentaux veulent-ils toujours tout ? Derrière nos quelques étoiles, nous sommes capables de voir Dieu, qui n’est pas derrière les millions des vôtres. » Ce à quoi Lawrence se souvient avoir répondu simplement : « Nous cherchons la limite du monde, Aouda. »

Après quelques fonds filés devant les vestiges du temple mythique sous une lumière orangée, direction Alep et le fameux Hôtel Baron où figure, sur un présentoir, une facture en livres ottomanes établie en juin 1914 (en français, la langue internationale des voyageurs de l’époque), au nom d’un certain « Monsieur Lawrence », « qui a bel et bien été réglée » nous garantira Thomas, malgré une légende tenace.

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