Road trip moto au Moyen-Orient : Jour 7, D’Alep au Château de Saladin

Publié le 05/05/2022 Par David Dumain

À Alep, impossible de dormir ailleurs qu’à l’Hôtel Baron, où celui qui n’était pas encore Lawrence d’Arabie descendait à chacun de ses passages dans la ville syrienne proche du site Hittite de Karkemish. Le jeune Thomas Edward Lawrence travaillait comme assistant pour une mission archéologique britannique au moment où la Première Guerre mondiale a éclaté, ce qui a provoqué son recrutement par les services secrets.

Si une affiche d’époque proclame en français (la langue internationale des voyageurs de l’époque) que l’hôtel Baron est « l'unique hôtel de première classe à Alep, chauffage central partout, confort parfait, situation unique » la situation a bien changé depuis la guerre. Après avoir fait prendre la pose à Sylvain, livre en main, dans un antique fauteuil en cuir devant le bar, Thomas ne pourra se délecter du luxe qui a fait la renommée des lieux : « Il n’y avait ni eau chaude, ni douche, ni électricité, mais il était impossible que nous allions ailleurs… ». C’est à la lueur des bougies que Sylvain, François et Clément fêteront l’anniversaire de Thomas, avec un gâteau arrosé d’un vin libanais.

Partout dans ces lieux flotte le fantôme de Lawrence, comme en témoigne un présentoir où figure une facture en livres ottomanes établie en juin 1914 (en français toujours) au nom d’un certain « Monsieur Lawrence ». « Elle a bel et bien été réglée » nous garantira Thomas, malgré une légende tenace. Dans « Les Sept Piliers de la Sagesse », Lawrence s’attarde à Alep, qu’il désigne comme « une grande ville en Syrie, mais non de Syrie, ni d’Anatolie, ni de Mésopotamie. ». Il continue : « Là, les races, les croyances et les langues de l’Empire ottoman se rencontraient et se mêlaient les unes aux autres dans un esprit de compromis. Le heurt des particularités, qui faisait des rues un kaléidoscope, pénétrait l’Aleppois d’une grossière prudence qui corrigeait en lui ce qui était flagrant chez le Damascène. Alep participait de toutes les civilisations qui avaient tourné autour d’elle (…) Une caractéristique d’Alep était la suivante : le sentiment mahométan y était très haut, mais il y avait plus de camaraderie qui s’exerçait entre Chrétiens, Musulmans, Arméniens, Turcs, Kurdes et Juifs que peut-être dans aucune autre ville de l’Empire ottoman, et plus d’amitié, quoique peu de tolérance pour les Européens. ».

Après une nuit fraîche, la pluie continue et les températures glaciales poursuivront Sylvain et ses compagnons, qui se rendront dans le souk d’Alep hélas dévasté aujourd’hui. Une grande partie des célèbres boutiques souterraines qui reflétaient l’histoire commerciale d’une ville au croisement des civilisations ont été réduites en cendres en septembre 2012, au début du conflit syrien. La grande Mosquée a elle aussi subi des dommages importants, tout comme la citadelle d’Alep, dont plusieurs parties du mur d’enceinte se sont effondrées. Des outrages récents qui font suite aux nombreux assauts que ce palais médiéval fortifié a subi à travers les siècles depuis l’époque d’Alexandre Le Grand. Tour à tour romaine, puis byzantine, détruite par les mongols, reprise par les Mamelouks, puis les Ottomans… sans oublier un séisme en 1822, la citadelle d’Alep, avec son tunnel conduisant au Souk, en a vu d’autres.

Pour ses clichés, Thomas trouvera un point de vue où l’on distingue bien le pont-escalier à huit arches de l’entrée fortifiée, avant de repartir pour la prochaine étape, Lattaquié, ville du bord de mer que la guerre a épargné. Une trentaine de kilomètres avant destination, une étape s’imposera à Qal’at Salah al-Din, la forteresse de Saladin, célèbre pour l’aiguille rocheuse soutenant la pile du pont-levis et dont la première construction remonte au premier millénaire avant J.-C. avec les Phéniciens.

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