Road trip moto au Moyen-Orient : Jour 8, L’imprenable Krak des Chevaliers

06/05/2022 Par David Dumain

Au départ de Lattaquié, une première étape s’impose par le Château de Marqab, l’une des rares forteresses ayant résisté à Saladin durant les Croisades. Après une sieste au soleil sur l’une des tours de ce bastion implanté au bord du rivage, les aventuriers et leurs Ténéré mettent le cap sur l’une des étapes principales de l’aventure : le somptueux Krak des Chevaliers.

C’est le jour de son 21e anniversaire que Thomas Edward Lawrence découvre cet emblématique château croisé du XIIᵉ siècle surnommé la « forteresse imprenable ». En cette année 1909, Lawrence qualifie cette citadelle autrefois tenue par l’ordre militaire des Hospitaliers de « plus beau château du monde ». C’est peu dire que Lawrence s’y connaît en la matière pour avoir travaillé sans relâche sur sa thèse à Oxford intitulée « L’Influence des croisades sur l’architecture militaire européenne à la fin du XIIᵉ siècle ». Avant d’affronter son destin en Orient, Lawrence a sillonné la France et ses châteaux, effectuant plus de 4000 kilomètres à vélo, et c’est à l’abord d’un autre château célèbre, celui de Châlus où Richard Cœur de Lion a rendu l’âme, que l’aventurier britannique avait soufflé - seul dans un hôtel - sa 20e bougie.

Ce tour de France des châteaux médiévaux a forcément interpellé l’aventurier Tesson, qui s’était déjà rendu en contrebas du Château-Gaillard des Andelys pour exprimer sa vision de l’œuvre de Lawrence, avec une récente traduction des « Sept Piliers de la Sagesse » sous le bras. Sylvain Tesson se défend de voir en Lawrence un homologue écrivain, érudit, aventurier, motard. On ne peut cependant s’empêcher d’y voir un miroir lorsqu’il déclare : « Lawrence m’inspire. Ce qui m’intéresse chez lui, c’est qu’il y a une coexistence sur le plan de l’aventure physique, l’aventure musculaire, et l’aventure de l’esprit. C’est rare. En France, on considère toujours qu’un intellectuel doit être un peu débile physiquement et qu’un sportif, un motard, doit être un petit peu abruti intellectuellement, alors que les anglo-saxons, et la figure de Lawrence le prouve, marient les deux, dans l’ordre de l’esprit et dans l’ordre de l’action. Lui, il ne peut pas s’empêcher de monter sur sa moto, sur sa bicyclette ou sur un chameau plus tard, tout en pensant à la littérature. Le génie de Lawrence est un mélange d’inspiration politique, de goût du nomadisme aussi. Il dit, dans les « Sept Piliers de la Sagesse », « le nomadisme était notre morsure ». Il ne peut pas s’en empêcher : il est sur la route, il fédère les hommes, et son mouvement va créer la libération. C’est fantastique. ».

Tout comme Lawrence, c’est une année après avoir admiré Château-Gaillard que Sylvain Tesson reste pantois devant la silhouette imposante du Krak des Chevaliers. Ce dernier ne joue aucun rôle dans la Révolte arabe de Lawrence d’Arabie, mais c’est aussi sur les traces du géographe Lawrence et des châteaux qu’il cartographia à l’occasion de son premier voyage en Orient que se sont lancés nos aventuriers modernes au guidon de leurs motos. Le Krak des Chevaliers, situé à 50 kilomètres à l’Ouest d’Homs, était à ce titre incontournable pour l’expédition de Tesson et de ses compagnons. Réputé imprenable car bâti à 500 mètres de hauteur sur les derniers contreforts de la Montagnes des Alaouites ou « jabal Ansariya », le Krak n’a été repris aux Croisés en 1271 qu’à la faveur d’une ruse : le Sultan des Mamelouks, Baybars, falsifia une missive en faisant croire aux quelques trois cents Hospitaliers qui gardaient la forteresse que le Grand Maître des Templiers leur enjoignait de se rendre.

Malgré des demandes insistantes et répétées de passer la nuit dans ce château qui a accueilli jusqu’à 2000 cavaliers en armes, Sylvain, Thomas, Clément et François se sont rabattus sur un petit hôtel sur la colline en face du krak, pour revenir avant l’aube afin de fumer un cigare sur les contreforts au lever du jour…

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