Cyril Neveu, quintuple vainqueur du Paris-Dakar et organisateur de rallyes automobiles
Publié le 10/03/2023
Cyril Neveu a laissé son empreinte dans l'histoire du sport moto, entre 1978 et 1991. Quintuple vainqueur du Paris-Dakar et Champion de France d'Enduro en 1982, il est aujourd'hui à la tête d'une entreprise d'événementiel qui organise notamment des rallyes d’exception en voiture de collection. Au cours de cette interview, nous vous proposons de découvrir son parcours éclectique dans les univers du deux-roues, de la plaisance et de la collection.
- Quel est votre souvenir le plus mémorable ?
- Quel aurait été selon vous votre autre parcours de vie ?
- Le sport, la compétition, est-ce pour vous une histoire de famille, de transmission ?
- Était-ce la suite logique de votre parcours de devenir organisateur d'évènements ?
- Comment expliquer ce passage du deux-roues à la collection, mais aussi à la plaisance ?
- Qu'est-ce qui, selon vous, explique le succès de vos rallyes ?
- Y a-t-il de nouveaux évènements ou de nouvelles destinations à ouvrir prochainement ?
- Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Entre 1979 et 1991, vous décrochez 5 victoires au Paris-Dakar, ce qui vous propulse sur le devant de la scène. Mais vous vivez également des moments plus compliqués, avec des défaites et des évènements marquants comme la chute de votre principal ami et concurrent Hubert Auriol. Comment avez-vous vécu cette période de compétition et quel est votre souvenir le plus mémorable de ces années ?
C’était pour moi un vrai bonheur, tout simplement. C’est une chance inouïe de pouvoir faire de sa passion son métier et j’ai conscience que tout le monde n’a pas cette possibilité. J’ai donc beaucoup de souvenirs marquants de cette période, mais c’est bien ma première victoire au Dakar en 1979 qui restera à tout jamais gravée dans ma mémoire, car c’est grâce à ce titre que j’ai pu réaliser mon rêve et devenir pilote professionnel, ce qui n’était pas forcément ma vocation première. Et vivre 10-15 ans de sa passion c’est déjà bien remplir une vie. Ensuite, ce premier succès m’a aussi permis de forger mon caractère – à 23 ans, j’étais encore un gamin qui se cherchait – et de devenir l’homme que je suis aujourd’hui : un ancien pilote professionnel, devenu homme de notoriété publique qui vit encore de sa passion, mais d’une autre manière. Et de manière générale, c’est le sport qui m’a construit et m’a amené à devenir un battant, ce qui m’a beaucoup apporté dans mon parcours professionnel.
Imaginons le temps d’un instant que cette fameuse première victoire n’ait pas eu lieu : quel aurait été selon vous votre autre parcours de vie ?
S’il n’y avait pas eu cette victoire ? Hum, je préfère ne pas y penser [rires]. Disons qu’à l’époque, je m’étais lancé dans des études de kinésithérapie, mais le sport était quand même très présent dans les mœurs au sein de la maison familiale, donc je pense que j’aurais quand même rebondi dans cet univers. Je serais peut-être devenu kiné de l’équipe de France de football, qui sait ?
Lors de ces années, vous avez été bien accompagné, notamment par votre père, lui-même champion du monde de canoë-kayak, qui vous a soutenu dans votre passion. Puis vous avez partagé cette expérience à votre tour avec votre fils, en participant ensemble à des rallyes. Le sport, la compétition, est-ce pour vous une histoire de famille, de transmission ?
Oui clairement, mon père était lui-même passionné de sports mécaniques, et avait quelques motos à la maison. Donc naturellement, dès l’âge de 12 ans je montais déjà sur des deux-roues, même si je n’avais pas forcément le droit si jeune. Plus tard, c’est lui qui m’a fait monter sur une moto et m’a poussé à faire le maximum pour vivre de ma passion, et je voudrais lui dire un grand merci pour ça. Car pour autant, il ne m’a pas imposé son sport, il m’a laissé le choix de faire ce que je voulais et c’est ça aussi qui est important, que cette envie, cette passion, vienne de moi avant tout.
Ensuite, mon père nous a énormément accompagnés, aussi bien moi qu’Hubert Auriol et Fenouil (lorsque le père de Cyril Neveu participe en 4x4 au Dakar 1979, ses mécanos s’occupent aussi des véhicules de son fils, d’Hubert Auriol et de Jean-Claude Morellet dit Fenouil, tous engagés en moto. Cyril remporte alors son premier Dakar, Ndlr). Et c’est d’ailleurs en partie grâce à mon père qu’on s’est retrouvés tous les trois à vivre encore aujourd’hui de notre passion : soit à cheval sur une moto, soit comme organisateurs de rallyes...
Et effectivement, j'ai probablement essayé de reproduire le même modèle avec mon fils, surtout ces dernières années. Il faut dire que pendant toute cette période de courses, je voyais rarement mon fils, donc j'ai pensé que tant que j’étais encore en forme, il fallait qu’on partage notre passion à deux. On a donc fait quelques courses ensemble en buggy, notamment le rallye du Maroc, et on fera peut-être le Dakar aussi, qui sait, mais pas forcément pour la compétition, simplement pour s’amuser, vivre ensemble de notre passion et en profiter au maximum.
À la fin de votre carrière de pilote professionnel en 1991, vous avez alors 35 ans, et vous décidez de vous lancer dans l’organisation de rallyes-raid en Afrique. Était-ce la suite logique de votre parcours de devenir organisateur de tels évènements ?
Il est vrai que j’ai arrêté ma carrière assez jeune finalement, parce que j’ai pris peur et j’ai senti qu’il était temps pour moi de passer à autre chose. Ce n’est pas une victoire de plus qui allait me faire grandir. Et j'ai pris conscience que le danger était présent à chaque fois. La question de ma reconversion professionnelle s'est alors posée. Et en tant que compétiteur, j’avais les bases pour me lancer dans l’organisation. Car il ne suffit pas d’être seulement « bon » pour devenir pilote professionnel, il faut également savoir s’organiser, savoir bien s’entourer des meilleurs professionnels – mécaniciens, ostéopathes. Je me suis donc reconverti plutôt aisément dans l’organisation de rallyes, même si au départ, cette voie s’est annoncée par hasard. Alors que je participais à un rallye en voiture en Tunisie avec un ami, celui-ci m’a proposé que nous organisions l'évènement ensemble.
Au début, j’ai hésité car ce n’était pas forcément ce que j’avais envisagé, mais il m’a convaincu en me disant qu’il s’occuperait de l’organisation et moi plutôt de la partie terrain qui me plaît plus, en particulier le tracé du rallye et tout ce qui va avec. Nous nous sommes donc associés en 1988, puis à la fin de ma carrière en 1991, j’ai pris encore plus de pouvoir dans l’organisation de ce rallye. À l’époque d’ailleurs, ce rallye de Tunisie était plus important que le Dakar, avec 1200 participants, c’était même un record de participations dans le milieu du rallye-raid.
Par la suite, vous vous spécialisez dans l’univers de la plaisance et de la collection et fondez notamment Cyril Neveu Promotion, qui organise et développe de nombreux rallyes en voitures anciennes en France et à l’étranger. Comment expliquer ce passage du deux-roues à la collection, mais aussi à la plaisance ? Diriez-vous qu’il y a des points communs entre ces univers ?
Le passage à la collection s’explique assez simplement. Là encore c’est une histoire de famille, mon père possédait des véhicules classiques, dont une Jaguar Type E – qui étaient des voitures modernes à l’époque mais qui sont devenues des collections. Donc, dès que j’ai eu un peu d’argent – que j’ai notamment gagné avec le Dakar –, j’ai moi-même investi dans des voitures d’époque.
Puis, quand j’ai arrêté d’organiser les rallyes tout-terrain, j’ai réactivé ma société Cyril Neveu Promotion en reprenant le rallye Maroc Classic en 1993, un rallye de régularité que je ne connaissais d’ailleurs absolument pas. J’ai trouvé le fonctionnement intéressant, un rallye en petit comité comprenant environ 40 grosses cylindrées vintage et une belle clientèle. Cela m’a donc inspiré et donné envie d’en créer d’autres, j’ai donc lancé le rallye Megève / Saint-Tropez, un rallye touristique très ludique qui m’a permis de faire de belles rencontres avec de nombreux passionnés.
Puis je me suis dit qu’un troisième rallye d’un autre genre serait intéressant pour attirer une autre clientèle car les collectionneurs n’ont pas forcément l’occasion de se servir de leurs voitures. De là est né le rallye Entre 2 Mers qui propose des circuits de ville en ville, reliant Saint Emilion à Saint Tropez. Puis les autres ont suivi : l’Adriatique, le Monténégro, l’Andalousie… On essaie de changer régulièrement de destinations pour que nos clients ne se lassent pas.
Pour ce qui est de la plaisance, c’est le même principe de départ… Une histoire familiale ! J’ai toujours fait du bateau avec mon père, on a beaucoup voyagé en voilier, notamment jusqu’au Royaume-Uni, aux Açores... Ayant des notions de navigation, je me suis dit pourquoi ne pas organiser un Tour de Corse en jet-ski, une île que je connaissais particulièrement bien. J’ai donc convaincu mes copains d’acheter des jet-skis, ils m’ont tous suivi et on s’est lancé là-dedans et j’ai trouvé ça génial. J’ai organisé ça pendant deux ans, où je me suis vraiment éclaté.
Vos rallyes en voitures de collection sont des évènements d’exception qui ont notamment permis de mettre un coup de projecteur sur cette discipline à l’international. Qu'est-ce qui, selon vous, explique le succès de ces rallyes ?
Je dirais qu’au-delà du dénominateur commun de notre clientèle qui est la passion, il y a un autre enjeu important. La plupart de nos participants sont certes des possesseurs de belles voitures, mais ils s’en servent finalement assez peu. Car ils n’ont pas beaucoup la possibilité de se retrouver entre collectionneurs passionnés ou l’occasion de rouler sur circuit, et ils sont donc demandeurs de ce genre d’évènements pour pouvoir profiter de leurs véhicules mais aussi partager leur passion. Et de notre côté, on leur donne les moyens de pouvoir rouler dans les meilleures conditions.
Je dirais même qu’on est comme une conciergerie de luxe, et c’est loin d’être un terme péjoratif, dans le sens où l’on offre à nos clients un service clé en mains. On s’occupe du transport de leurs véhicules, de leurs bagages, on leur met des mécaniciens et réparateurs à disposition, une voiture-balai si nécessaire...
On s’occupe donc de tout, du début à la fin du rallye, les participants n’ont qu’à conduire et s’amuser. C’est tout ce qu’ils demandent et c’est ce qui fait, je pense, le succès de ces évènements.
France, Espagne, ou encore Maroc… Comme évoqué précédemment, vous avez, au fil des ans, ouvert beaucoup de destinations à vos rallyes de collection. Y a-t-il de nouveaux évènements à venir, de nouvelles destinations à ouvrir prochainement ?
Effectivement, nous allons ouvrir deux nouvelles destinations : un rallye au cœur des Alpes italiennes de Sanremo à Venise, et qui passerait par la région des lacs italiens. Il s’agit du Trans-Alps Rallye dont la 2ᵉ édition se déroulera en septembre 2023 exclusivement en Italie ; et un autre rallye plus parisien pour ceux qui voudraient s’évader le temps d’un week-end, pour un parcours entre Le Touquet / Deauville et Chantilly, en passant par le circuit de Croix-en-Ternois.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Et bien écoutez, une belle continuité, que nos rallyes fonctionnent aussi bien qu’en 2022, où on a explosé les compteurs de participations ! On a bien senti que directement après le confinement, les gens avaient un réel besoin de se retrouver et de partager leur passion. Même les voitures faisaient des bonds dans le garage [Rires]. Et c’est pourquoi cette année on a dû refuser du monde sur tous nos rallyes, étant donné aussi qu’on ne propose pas plus de 120 places par rallye. On privilégie la bonne humeur à la quantité, pour maintenir notre maître mot : la convivialité !
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Visuels : © Thomas Jamet / Cyril Neveu Promotion