Damien Pichereau, directeur de la communication de REV Mobilities

15/03/2023

Damien Pichereau est directeur de la communication, de l’événementiel et des relations institutionnelles chez REV Mobilities, dont la filiale Retrofuture est spécialisée dans le rétrofit des voitures anciennes. Il nous fait part de son optimisme sur le développement du rétrofit en France, malgré certaines contraintes règlementaires qui ont un peu freiné son démarrage.



Damien Pichereau

Où en est le développement du rétrofit aujourd’hui en France ? Combien existe-t-il de véhicules homologués ?

La demande est exponentielle. Chaque jour, des entreprises viennent nous voir. Il y a notamment une grosse demande pour les anciennes. Il existe aujourd’hui en France, à ma connaissance, seulement cinq modèles de véhicules rétrofités ayant reçu une homologation partielle (c'est-à-dire un certificat de conformité partiel, Ndlr) : la 2 CV, la 4L, le Renault Trafic, le cyclomoteur Peugeot 103 et le Solex. Mais comme leur batterie électrique n’est pas encore homologuée à la norme ECE R100 Rev.2, la production de ces véhicules ne peut pas dépasser les 100 exemplaires.

Chez REV Mobilities, nous cherchons à obtenir une homologation complète de nos kits de conversion (l’ensemble batteries et moteur électrique, Ndlr), afin que chacun des modèles (transformés batteries et moteur électrique, Ndlr) que nous commercialiserons soient pleinement homologués et que nous puissions les produire en série.


Quelles sont les contraintes de développement du rétrofit en France ?

Les contraintes règlementaires sont nombreuses. Nous devons conserver le même poids et la même puissance que le véhicule d’origine, ainsi que la même répartition des charges. Nous devons aussi respecter la même plage de puissance. Tout doit rester à peu près identique au véhicule d’origine en termes d’équipements, y compris l’ABS pour le freinage, par exemple.

En ce qui concerne la puissance du nouveau moteur électrique, il faut savoir que la réglementation nous autorise à être légèrement en-dessous de la puissance moyenne d’origine du moteur thermique. Ce qui est largement suffisant pour une utilisation quotidienne. Mais avec une différence de taille : avec le moteur électrique, l’accélération sera généralement bien meilleure.

Il existe aussi d’autres obligations. Ainsi pour faire de la grande série (plus de cent véhicules), il faut obtenir pour les batteries au lithium une homologation ECE R100 Rev.2 qui concerne leur résistance aux chocs et au feu.

Une fois le modèle de batterie homologuée, nous pourrons l’utiliser sur un grand nombre de modèles différents et donc passer à la vitesse supérieure. Il y a aussi des contraintes sur le bruit. Comme les véhicules électriques neufs, nos véhicules rétrofités doivent générer un bruit (artificiel), par mesure de sécurité pour les piétons. Il y a enfin un cahier des charges en matière de compatibilité électromagnétique : l’installation de la batterie électrique et le moteur doivent communiquer avec les autres organes déjà présents sur le véhicule sans générer d’interférences électromagnétiques.


Quelles problématiques particulières avez-vous rencontré chez REV Mobilities et chez Retrofuture ?

On trouve aujourd’hui dans le commerce des éléments de rétrofit (moteur, batteries, câblage, ou électronique), notamment pour les deux-roues, mais ils sont difficiles et longs à installer et ne permettent pas d’obtenir l’homologation d’un véhicule. En ce qui nous concerne, nous préférons vendre des véhicules dotés de kits de conversion homologués et installés par des professionnels, afin de garantir la sécurité du véhicule. Nous sommes très exigeants sur la qualité de nos produits. Or cette exigence de contrôle qualité est beaucoup plus difficile à maintenir, sur un même modèle, pour des grandes séries de plusieurs centaines de véhicules.

De plus, après la livraison, nous devons pouvoir garantir un bon niveau d’assistance et de maintenance du véhicule. C’est pourquoi nous signons actuellement des accords avec des réseaux d’entretien des véhicules. Cette double exigence de qualité et de maintenance est notre objectif prioritaire. Nous devrions être prêts en fin d’année.


Quels sont les modèles de voiture que vous avez rétrofités et qui sont en passe d'être homologués ?

Nous nous sommes pour le moment concentrés sur la Porsche 912 en version 4 cylindres. La version rétrofit devrait être homologuée entre juillet et septembre, pour une installation des premiers systèmes prévue en fin d’année. Nous pensons que la Porsche est un bon choix à ce stade. En effet, il n’existe encore aucun kit de rétrofit pour ce modèle qui est très demandé par les collectionneurs, en France comme à l’étranger. D’autres modèles devraient suivre dès l’année prochaine, grâce à l’expérience que nous aurons acquise, comme la Fiat 500, l’Austin Mini ou la Coccinelle. En ce qui concerne les utilitaires, nous espérons avoir des modèles rétrofités dès cette année.

Porsche 912 Retrofuture


Le rétrofit, combien ça coûte ?

Nous évaluons aujourd’hui le coût de la R&D (recherche et développement) et de l’homologation entre 800 000 euros et 1,2 million d’euros pour un même modèle de véhicule. Mais ce coût sera amené à diminuer avec les volumes. C’est pourquoi nous devons faire les bons choix dès le départ. Nous devons soigneusement sélectionner les modèles de véhicules qui sont susceptibles d’intéresser le plus grand nombre d’acheteurs, en particulier dans les voitures anciennes.

La Porsche 912, upliftée par Retrofuture en version électrique, devrait être homologuée cet été, pour une commercialisation en fin d’année. Le système (kit de conversion homologué + installation) sera vendu en France dans un premier temps, puis pourra par la suite être commercialisé dans d’autres pays.


Le gouvernement a lancé récemment un plan de soutien de 20 millions d’euros à la filière rétrofit pour les véhicules particuliers. Comment accueillez-vous cette mesure ?

Favorablement, même si initialement, les véhicules particuliers ne figuraient pas dans nos priorités. Car cela implique de pouvoir produire et entretenir de forts volumes (10 000 à 20 000 véhicules par an), tout en garantissant un bon niveau de qualité. C’est compliqué, sachant que chaque installation nécessite environ 2,5 journées de main d’œuvre… Mais nous y réfléchissons.


Côté batteries et moteurs, quelle technologie utiliserez-vous sur les anciennes rétrofitées ?

Nous avons choisi d’utiliser avant tout des batteries françaises Néogy, avec des cellules qui seront bientôt fabriquées aussi en France par la société Verkor. Nos batteries sont garanties 3 ans, pour une durée de vie estimée d’environ 6 000 recharges (soit 8 à 10 ans). En cas de problèmes, on pourra changer uniquement certains éléments de la batterie et non l’ensemble.

Pour les moteurs électriques, nous utilisons actuellement des moteurs européens et nous sommes en discussion pour avoir des modèles français. Avec l’électrique, les moteurs sont quasiment inusables.


Quelles sont les perspectives de développement pour Retrofuture ?

Notre priorité en 2023 sera de tenir le calendrier et de sortir les modèles prévus. Nous voulons également développer notre réseau d’installateurs. Rev Mobilities a ainsi intégré depuis novembre dernier Mobilians, une organisation qui regroupe notamment les réparateurs automobiles. Nous venons aussi de signer un accord avec Autobacs, un des premiers acteurs de réparation et de maintenance automobile au monde. Ils sont encore peu connus en France, mais très renommés à l’international. C’est une vraie force. Ils vont beaucoup nous apporter, en nous aidant notamment à contrôler la qualité du produit.

Nous avons aussi un partenariat avec Financo pour le financement de l’achat des véhicules rétrofités et nous avons ouvert récemment un showroom à Paris, le « Labo de REV », qui ne désemplit pas, ce qui est très bon signe !

Adresse du showroom de REV Mobilities / Retrofuture : 96, rue de Lourmel, 75015 Paris.

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Visuels : © REV Mobilities