Rétromobile tente l’aventure américaine

Publié le 01/09/2025

Immanquable de chaque début d’année, Rétromobile fait figure de référence dans l’univers prisé des salons dédiés aux voitures anciennes. Après près de 50 ans d’existence, l’heure était venue de relever un nouveau défi : tenter l’aventure américaine avec une première édition à New York en 2026. Un pari osé, confié à Gérard Neveu, ancien directeur général du Championnat du Monde Endurance de la FIA (WEC) et du circuit Paul Ricard, qui revient pour AXA Passion sur les préparatifs de cet événement.

Gérard Neveu
Portrait de Gérard Neveu, Directeur de Rétromobile New York.

Comment est née l’idée d’exporter Rétromobile aux États-Unis ?

C’était une réflexion commune. ComExposium, la société organisatrice de Rétromobile, réfléchissait à l’idée de développer le salon, qui rencontrait un grand succès en France. Et quand on cherche un autre pays qui pourrait avoir un intérêt majeur pour ce genre d’événement, on pense rapidement aux États-Unis, puisque plus de 50 % du marché mondial des voitures de collection et des collectionneurs s’y concentre.

De mon côté, je vais chaque année à Rétromobile, comme tout passionné, et je connais bien Romain Grabowski, son directeur. Un jour, je lui ai dit : « Pourquoi ne pas aller aux États-Unis avec un produit aussi incroyable ? ».

C’était presque une évidence de se dire qu’avec la réussite du salon en France, s’il y a bien un autre endroit au monde où ce concept peut prendre toute sa valeur, ce sont les États-Unis. On a travaillé pendant quelques mois pour étudier la faisabilité, et les conclusions de cette étude nous ont confortés dans l’idée qu’il y avait un potentiel réel.

Une fois l’idée de cette implantation américaine validée, comment s’est fait le choix de la ville ?

Avant même de choisir une ville, il fallait comprendre le territoire américain, qui est bien plus qu’un simple pays : c’est un continent, avec des cultures régionales très variées. L’erreur aurait été de faire un simple copier-coller du modèle parisien. D’ailleurs, si c’était si simple, d’autres l’auraient déjà tenté.

En analysant le marché, on a constaté qu’il n’existait pas vraiment d’événement équivalent à Rétromobile aux États-Unis. Il y a bien sûr de grands rendez-vous comme Pebble Beach, dans le cadre de la Monterey Car Week en Californie, Amelia Island, Audrain ou encore The Bridge, mais ce sont principalement des concours d’élégance. Il manquait un salon qui rassemble à la fois les professionnels (B2B), qui viennent acheter et vendre des voitures, et le grand public (B2C), qui vient les admirer.

Et pourquoi avoir finalement choisi de vous installer à New York ?

Une fois la décision prise de tenter l’aventure américaine, il fallait choisir entre la côte ouest et la côte est. Le centre du pays n’était pas une option. La côte est s’est imposée pour des raisons à la fois logistiques et culturelles. La proximité avec l’Europe facilite les échanges et attire les exposants européens, qui avaient déjà manifesté un fort intérêt lors de Rétromobile Paris.

Nous avions le choix entre Miami et New York, les deux principales villes pour organiser ce type d’événement. À Miami, l’ADN est davantage tourné vers les supercars, alors que New York bénéficie d’un bassin de population unique, avec une forte concentration de collectionneurs dans les États voisins : New York, New Jersey, Connecticut et Massachusetts.

Nous avons également eu la chance de trouver à New York un site capable de nous accueillir et surtout d’accompagner la croissance de l’événement, avec une possibilité d’étendre la surface : le Javits Convention Center.

Javits Convention Center
L’impressionnant Javits Center, où se déroulera Rétromobile New York

Rétromobile New York conservera-t-il l’ADN européen du salon parisien, ou adoptera-t-il une identité plus américaine ?

La volonté de ComExposium est très claire : Rétromobile New York doit conserver l’essence même de ce qui fait le succès du salon en France. En quelque sorte, nous allons conserver la substance du plat, mais c’est l’assaisonnement qui changera légèrement.

L’objectif est d’offrir un écrin prestigieux aux plus belles collections de voitures et de motos anciennes, avec des espaces dédiés à l’art, à l’automobilia, aux grands vendeurs, sans oublier une vente aux enchères. D’ailleurs, sur ce point, la culture américaine nous pousse à aller encore plus loin : la vente aux enchères y occupe une place centrale, bien plus qu’en Europe. Elle sera assurée, comme à Paris, par Gooding & Company et Christie’s.

C’est une magnifique valeur ajoutée pour la marque Rétromobile. Nous accueillerons David Gooding, un des plus grands experts au monde, parfaitement reconnu sur la scène mondiale, et Christie’s, une des maisons de ventes les plus importantes au monde.

Enfin, certains exposants européens feront le déplacement à New York, tout comme on retrouvera des acteurs américains à Paris. J’ai été moi-même surpris, lors de la dernière édition de Rétromobile, par le nombre d’exposants qui ont manifesté un vif intérêt pour New York. Beaucoup y voient une opportunité unique de se positionner sur un marché qu’ils souhaitent pénétrer. Commencer l’année à Paris pour la finir à New York, voilà une jolie perspective.

Le nom Rétromobile suffit-il à convaincre les exposants américains ?

Du côté des professionnels du secteur, le nom Rétromobile bénéficie déjà d’une excellente reconnaissance. Les grands constructeurs, tout comme les collectionneurs avertis et les marchands spécialisés, savent parfaitement de quoi il s’agit. C’est un événement de référence, mondialement connu, même si l’on oublie parfois en France à quel point sa réputation dépasse les frontières. Il suffit de se promener dans les allées du salon parisien pour entendre toutes les langues parlées.

Cela dit, le fonctionnement du marché américain est un peu différent. Contrairement à l’Europe, où l’on traite souvent avec les sièges des constructeurs, aux États-Unis, chaque marque opère avec une certaine autonomie. Il faut donc s’adresser directement aux filiales locales de Ferrari, Porsche ou Bentley, par exemple.

Ferrari

Lancer un salon à New York, c’est aussi devoir bâtir une notoriété auprès du grand public américain. Comment comptez-vous faire connaître Rétromobile aux États-Unis ?

Aller à New York, c’est accepter de partir d’une feuille blanche. Là où Paris bénéficie de plus de 45 ans d’histoire, nous devons tout construire : l’image de marque, l’événement lui-même, les plans, les flux de circulations, l’expérience des visiteurs et des exposants… C’est un véritable défi logistique et stratégique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons fixé la première édition en 2026 : l’année 2025 aurait été trop courte pour préparer un événement d’une telle envergure. Il nous faut ces 18 mois pour bien faire les choses.

Le nom Rétromobile reste encore à faire connaître auprès du grand public. Nous sommes en train de bâtir une stratégie globale : achat d’espaces, interviews, médias, etc. Les Américains sont aussi très sensibles aux événements physiques : nous allons donc participer à des rendez-vous automobiles d’ici 2026, en présentant des activations avec quelques voitures et en annonçant qu’il y en aura cent fois plus à Rétromobile.

Quelles similitudes et différences avez-vous pu observer entre le marché américain et européen de la collection en préparant Rétromobile New York ?

Quand on parle des grands collectionneurs, il n’y a pas vraiment de frontière. Les passionnés s’intéressent autant aux marques européennes qu’américaines, et l’histoire de l’automobile du XXe siècle est profondément marquée par les grandes marques européennes.

Cela dit, les États-Unis occupent une place à part. Beaucoup de modèles d’exception sont aujourd’hui en grande partie entre les mains de collectionneurs américains, tout simplement parce que beaucoup des personnes susceptibles d’acheter ces modèles sont basées aux États-Unis.

Ferrari 250 GTO

Votre parcours s’est d’abord inscrit dans le sport automobile moderne. Comment en êtes-vous venu à rejoindre le monde de la voiture de collection ?

On peut dire que je suis un « transfert ». J’ai longtemps été lié à la voiture moderne, en dirigeant notamment le circuit Paul Ricard, puis le championnat du monde d’endurance (WEC) et le championnat européen (ELMS). Mais même dans ce monde du sport automobile moderne, on ne peut pas faire abstraction du passé : les 24 Heures du Mans, par exemple, représentent un siècle d’histoire.

Cela dit, le monde de la collection, je l’ai véritablement découvert en profondeur il y a quelques mois à peine, et je le trouve extraordinaire. Empreint d’une élégance très agréable. Il n’y a pas cette notion de pression, de bagarre, de compétition. C’est un univers de passionnés, de gens qui ne sont là que pour se faire plaisir, et cela génère une ambiance et des émotions très particulières.

Avez-vous un souvenir marquant, une rencontre ou un lieu, qui symbolise particulièrement cette passion ?

Depuis maintenant un an que je travaille sur le projet Rétromobile New York, j’ai la chance de visiter des endroits incroyables. J’ai notamment un souvenir à Bologne, l’année dernière, avec Romain Grabowski, lors de la visite de la collection Righini, un endroit véritablement unique, généralement fermé au public.

En entrant dans ces granges, avec ces collections de voitures dans leur jus, j’ai trouvé cela extraordinaire : l’odeur, la décoration, ces voitures d’exception, tout était d’origine. Et à côté de cela, il y a des gens qui ont connu ces voitures et qui te racontent ça avec une passion intacte, avec une lumière dans les yeux et beaucoup de sincérité. C’est aussi cette transmission qui me plaît dans l’univers de la collection.

Dans les allées de Rétromobile, ce n’est pas un cliché de dire que l’on croise désormais toutes les générations. C’est souvent un véritable lien, une passerelle de transmission intergénérationnelle. Ce n’est pas un hasard si, en pensant Rétromobile, nous évoquons un passé qui continue d’avoir un avenir.

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Visuels : © Gérard Neveu, Rétromobile Paris 2025