Ben Blake, l’Amérique dans tous ses États

Publié le 16/07/2024

Rencontre avec le vidéaste aventurier Ben Blake, récemment revenu d’un road trips de deux mois sur la terre promise des motards, les États-Unis. Après avoir parcouru 16 000 kilomètres, visité 21 États, fait 100 pleins d’essence et logé dans d’innombrables motels, Ben Blake en a tiré une série en 3 épisodes : « À travers l’Amérique, j’ai suivi mon pays ». Un long reportage qui permet de prendre conscience de la beauté des paysages américains et de l’immensité du territoire. Lors de cette interview, Ben Blake revient sur son voyage à moto et nous en dit plus sur ses projets.

Ben BlakeAu loin, Monument Valley, à la frontière entre l’Arizona et l’Utah.

Pour commencer, pouvez-vous nous parler de la moto qui vous a accompagné lors de ce voyage, une Indian FTR 1200 ?

La FTR 1200 est un modèle peu habituel, beaucoup moins imposant que les autres de la marque : c’est un roadster plutôt « classique » en termes de position et de confort, mais pas une moto conçue pour voyager. Je me suis donc lancé comme défi de l’adapter pour mon road trips aux États-Unis en lui ajoutant un « kit voyage » réalisé sur-mesure, avec des supports sur les côtés pour pouvoir accrocher des sacoches de voyage étanches, un sac à l’arrière, des supports pour les outils de navigation comme le GPS… Bref, tous les équipements dont on a besoin pour réaliser un voyage à moto comme il se doit.


Quel bilan tirez-vous de votre expérience avec ce modèle ?

J’en suis très satisfait et je m’y suis beaucoup attaché, ce qui m’arrive très rarement. C’est une moto américaine mais qui ne tombe pas dans le populaire cliché du gros custom. Elle ne ressemble pas à ce qu’on imagine d’une moto américaine, ce qui a attiré les curieux, car on en voit assez peu là-bas. Avec ses 120 CC, c’est une moto très puissante, parfois même trop !


Comment vous êtes-vous préparé à cette aventure ?

Faute de place, j’avais besoin d’un QG pour préparer la moto et j’ai eu la chance de pouvoir compter sur un copain directeur d’un atelier situé à Sannois (95) : « 90 à l’heure ». Il fait de l’aménagement de vans, de 4x4 et plus récemment, il s’est lancé dans l’aménagement de conteneurs. Cet endroit rappelle une vieille grange dans laquelle on pourrait trouver les trésors de son grand-père. C’était un véritable cocon. Pendant un mois et demi, j’ai aussi fait des allers-retours dans un autre atelier près de Rouen, où j’ai fait réaliser les soudures pour le porte-bagage : « Cooperweld’s ».

Ben Blake sur la route 66Sur la route 66, en direction du Grand Canyon, situé en Arizona.


Êtes-vous un passionné de bricolage ou de mécanique ?

Je suis bricoleur : j’ai fait de la menuiserie quand j’étais au lycée et j’aime me débrouiller. Néanmoins, la mécanique n’est pas mon fort. Mais j’ai pour devise que « quelle que soit la manière dont on s’y prend, on arrivera toujours à aller au bout des choses et tout finira par se faire ».


Le début de votre voyage a été marqué par des conditions météorologiques parfois dantesques…

En effet, pendant les 700 à 800 premiers kilomètres de mon voyage, sur la route de Kansas City dans le Missouri, j’ai dû affronter quatre jours de très forte pluie et des rafales de vent d’une force exceptionnelle, plus loin, dans le Montana.

Il faut savoir que c’est aux États-Unis qu’il y a les tornades les plus meurtrières. Je pense par exemple à la « Tri-State Tornado » (la tornade des trois États), en 1925, qui a tué plus de 700 personnes et a fait plus de 2 000 blessés. Heureusement, après Yellowstone, j’ai bénéficié de conditions météo fabuleuses. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il faut savoir rester positif en toutes circonstances et accepter la situation. Il faut aussi adapter constamment son équipement au gré des écarts de température, parfois très importants d’une région à l’autre, ou d’un moment à l’autre de la journée.


Le but de ce road trips aux États-Unis était notamment de sortir des sentiers battus. Avez-vous néanmoins fait une partie de la Route 66 ?

Oui, j’y suis quand même passé en sortant de la route principale quand je prenais la direction de Phoenix, dans l’Arizona, car elle reste un symbole immanquable. J’y ai fait le plein d’essence, me suis rendu dans une boutique de souvenirs et j’ai pris quelques photos. Il faut bien se rendre compte que c’est une route un peu décevante, comme la Nationale 7 en France, avec beaucoup de boutiques abandonnées et de stations-essence défraîchies. Néanmoins, contrairement à la N7, elle a servi maintes fois pour des tournages, alors selon les endroits, la magie opère, et on entre littéralement dans un décor de film.

Ben Blake et JasonBen Blake et son ami Jason, accompagnés de leur Indian.


Vous vouliez également aller à la rencontre de l’Amérique profonde. Pensez-vous avoir atteint votre but ?

Les contacts ne sont pas forcément faciles là-bas, à cause des différences culturelles, mais j’ai cependant fait des rencontres assez marquantes, avec des profils atypiques, notamment à Phoenix, en Arizona. La plus forte reste, je pense, celle que j’ai faite avec un certain Victor, un Canadien anglophone, et William, un vétéran ayant servi en Irak, dans la chambre d’un motel à Barnesville, dans le Minnesota. Ébranlé par son expérience de la guerre, ce vétéran voyage aux États-Unis depuis quinze ans avec son vélo, ou tout simplement à pied. C’était un moment hors du temps et fort en émotion. Je suis à ce jour encore en contact avec le Canadien, qui s’est d’ailleurs acheté une moto !

Il y a eu ensuite une femme d’une trentaine d’années qui a ouvert son garage de réparation moto. Il faut savoir que là-bas, selon les États, le casque n’est pas obligatoire et que porter des gants l’est encore moins. Grâce à elle, on a pu avoir des images, très « rock’n’roll », qu’on n’aurait pas pu avoir en France, pour des raisons évidentes.

J’ai aussi rencontré et filmé un homme fascinant qui va chercher des vieilles sorties de granges, des motos anciennes qu’il remet en service pour les revendre. J’ai d’ailleurs découvert qu’il est le fournisseur de l’acteur, producteur et réalisateur américain Jason Momoa (connu pour ses rôles dans la série Game of Thrones et le film Aquaman, NDLR) qui collectionne les motos.

Enfin, j’ai également croisé un retraité, un ancien shérif passionné de moto qui m’a accueilli chez lui et a partagé avec moi de belles histoires. C’est un mordu de figures au lasso et il m’a fait quelques démonstrations, c’était très étonnant.


Quelles sont les régions ou les choses qui vous ont le plus marqué ?

Pendant les 16 000 kilomètres parcourus, j’ai essentiellement roulé sur des routes de campagne. Je suis un amateur de ce que j’appelle le « grand vide » : la solitude et les horizons infinis. Et aux États-Unis, on peut dire que j’ai été servi ! Le Montana, au nord du pays, m’a beaucoup plu, car depuis ma moto, je pouvais apercevoir des chevaux sauvages et différents animaux, dans de superbes paysages durant des heures. Sinon, je dirais Monument Valley, à la frontière entre l’Arizona et l’Utah. J’ai aussi adoré le Nouveau-Mexique, au sud-ouest, beaucoup plus confidentiel. Je suis passé par la ville de Roswell, qui est une ville très particulière, avec tout son folklore autour des OVNI et des extraterrestres.

J’ai eu beaucoup de mal avec la nourriture. Il y a peu d’options là-bas, à part les fast-foods. Le seul État que j’ai visité qui a fait la différence est probablement la Louisiane, avec la cuisine créole. J’ai aussi très bien mangé à Phoenix grâce à un Français, un ancien banquier qui s’est reconverti et a ouvert une boulangerie, « La belle vie ». Il était d’ailleurs très content de voir un autre Français lui rendre visite !


Avez-vous rencontré des problèmes mécaniques durant votre road trips ?

Des problèmes de mécanique pure, non, mais j’ai eu un problème de batterie au milieu de nulle part. C’est aussi ça, l’aventure. Personnellement, j’ai réussi à trouver avec les années du confort dans l’inconfort : régler les problèmes de manière récurrente est presque devenu pour moi un plaisir.

Ben Blake et son Indian FTR 1200Pause bien méritée pour Ben Blake et son Indian FTR 1200.


Quel était votre matériel de tournage durant votre voyage ?

J’ai utilisé le même matériel qu’en Algérie : j’avais toujours avec moi au moins 2 à 3 caméras d’action, 2 appareils photo et 2 drones, par sécurité et précaution. J’avais également mon téléphone pour filmer quelques moments de vie plus intimes, plus bruts.


Qu’avez-vous pensé de votre visite à l’Indian Motorcycle Factory & Experience Center, à Spirit Lake, en Iowa ?

Cette visite est arrivée plutôt par hasard : je me trouvais dans un motel à Storm Lake, dans l’Iowa, lorsque j’ai eu connaissance (par le gérant de l’établissement) de cet endroit qui se trouvait à deux heures de route. Le musée Indian n’occupe qu’une petite partie de l’établissement, c’est avant tout une immense usine de fabrication de motos que j’ai eu la chance de visiter. C’est impressionnant et très intéressant, il s’agit de la seule source de production pour tout le territoire américain. Si je ne me trompe pas, il y a trois usines Indian dans le monde, une en Asie, une en Europe et une en Amérique du Nord. Indian a repris une production très importante depuis 2011 : c’est une marque qui a su renaître de ses cendres, devenant le seul véritable concurrent de Harley-Davidson.


Envisagez-vous de retourner aux États-Unis par la suite ?

Oui, car ce voyage était vraiment incroyable ! Même si ça n’a pas toujours été facile, notamment physiquement. Idéalement, j’aimerais partir pendant une année, cette fois-ci pas à moto, mais avec un gros 4x4 aménagé, pour faire tout ce que je n’ai pas pu faire lors de ce premier voyage.

Jason, José et le journaliste français Olivier Touron.Jason, José et le journaliste français Olivier Touron.


Vous avez lancé récemment votre propre chaîne YouTube, « Ben Blake - Roadtrips ». Pouvez-vous nous en dire plus sur les contenus que vous y publiez ?

C’est une nouvelle aventure pour moi, après mon départ de Motorlive, où je publiais des contenus depuis plusieurs années. J’ai réalisé une vidéo pour expliquer ce souhait de prendre mon envol. Pour le moment, on peut voir sur ma chaîne YouTube une version longue de mon film « J’ai tout quitté pour l’Algérie », ainsi que la série « À travers l’Amérique, j’ai suivi mon pays », avec 3 gros épisodes principaux, puis des versions plus courtes. Si j’en ai l’occasion, j’aimerais retourner en Algérie pour réaliser un reportage sur la communauté motarde et plus précisément sur celui d’un club de « Harleyistes ».


À l’avenir : petits voyages en France ou longs road trips à l’étranger ?

J’ai désormais envie de me concentrer sur autre chose que le format YouTube de « Petits roadtrips entre amis ». En revanche, je n’arrête pas pour autant les tournages en France et j’ai un potentiel projet cette année avec Indian : une série de 4 épisodes tournés en Auvergne à l’auberge du Lac de Guéry. Le but de cette série sera de faire découvrir les routes de cette région à une personnalité différente à chaque épisode, dont la vie tourne autour d’une passion, mais ce n’est encore qu’un projet pour le moment.


Vous avez aussi le projet de partir tourner un film en Alaska, c’est bien cela ?

Tout à fait ! J’envisage de partir à l’automne 2024 ou au printemps 2025, pendant un mois, pour parcourir une distance de 6 000 kilomètres. J’aimerais remonter de Vancouver sur la côte Ouest, jusqu’à Prudhoe Bay sur la côte à l’extrême nord de l’Alaska. Il y a très peu de routes là-bas mais on y trouve beaucoup de pistes, avec un peu de tout-terrain, ce qui sera un voyage radicalement différent de mon road trips aux États-Unis. L’idée serait de réussir à obtenir une moto à Vancouver et de trouver un point de chute sur la côte nord.

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Visuels : © Ben Blake, Vincent Levrier, Olivier Touron