Ludovic Lazareth, sculpteur animé
Publié le 02/06/2023• Par Thierry Traccan
Concepteur et bricoleur de génie à l’imagination débordante, Ludovic Lazareth est un homme qui fourmille d’idées. À tel point que lorsqu’on le rencontre, il a bien du mal à tenir en place. Ce constructeur de motos originales est notamment en train de mettre au point une moto volante, point d’orgue de ses créations mécaniques. Zoom sur ce projet détonnant et sur le parcours d’un homme hors du commun.
La Batcycle, moto de Batman, dessinée par Lazareth pour le jeu vidéo Gotham Nights.
La moto volante, une innovation moto avant-gardiste
Concepteur et constructeur de motos de collection, Ludovic Lazareth planche sur un modèle de moto volante depuis la fin des années 2010 : « À force de voir des drones, j’ai imaginé un matin que notre moto pouvait voler. De cette idée à la réalisation, tout s’est enchaîné très vite. J’ai rencontré un fabricant allemand de turbines en mai 2019 et en janvier 2020, notre moto décollait. Le projet a été mis entre parenthèses pendant deux ans à cause du Covid, mais depuis 6 mois nous l’avons repris avec un ingénieur aéronautique. La moto décolle et est stable en stationnaire. Maintenant, il faut qu’elle avance. »
Une moto volante, avec quatre roues et autant de turbines fonctionnant au kérosène, mais aussi un moteur électrique pour déplacer cette moto originale quand elle est posée sur ses roues. Une façon détonante d’imaginer l’hybridation.
Au-delà de ce projet d’innovation moto un peu fou visant à créer un véhicule à l’usage mixte, à la fois roulant et volant, l’hybridation des énergies fait aussi réfléchir et agir Ludovic Lazareth : « Il y a toujours plein de choses qui m’intéressent à concevoir avec des gros moteurs, Lamborghini, Ferrari, Maserati... J’aime l’exubérance, mais cela ne m’empêche pas de réfléchir à de nouvelles solutions de mobilité, notamment l’hybride. D’ailleurs, j’ai développé une moto 125 hybride au design sympa sur une base de moto Terrot des années 1930, équipée d’un moteur roue électrique qui permet une autonomie électrique de 70 km, qui roule à 80 km/heure et dont le moteur thermique 125 consomme 1,7 litre aux 100 kilomètres. C’est ma vision de l’avenir. L’hybride j’y crois, le tout électrique beaucoup moins. »
Innover pour ne pas subir, voilà ce qui résume la vie de son entreprise : « En 25 ans de vie professionnelle, j’ai rebondi chaque année. Il faut évoluer sans arrêt. En fonction de ce que nous imposent les politiques, selon les normes d’homologation, si je travaille pour l’export ou le marché français... Le combat est différent mais c’est un combat de tous les jours ».
Atelier de conception de Ludovic Lazareth et de ses équipes, à Annecy.
Ludovic Lazareth, un parcours hors du commun
Passionné de construction et très créatif, Ludovic Lazareth invente et crée depuis toujours. Au lycée, il enrichit ses connaissances théoriques et passe un bac F1 option dessin industriel, puis continue par un DUT Génie mécanique. Il termine son cursus scolaire au sein de l’école de design automobile Sbarro. Le cap de la vingtaine tout juste passé, il intègre l’équipe automobile Mega, engagée au Trophée Andros mais aussi au rallye de Monte Carlo, lors duquel il officie sur un prototype équipé d’un V12 Mercedes. Une voiture qui chante !
La moto, il y vient presque par hasard : « Quand je travaillais chez Mega, il y avait une Yamaha Genesis qui traînait dans l’atelier. Je suis parti faire un petit tour avec, et quand j’ai vu comment ça accélérait, là je me suis dit « Waaaooouuuh !!! ». J’avais 25 ans, je me suis mis à racheter des épaves que je modifiais, c’est parti comme ça. »
Ludovic Lazareth s’installe à son compte en 1998 : « J’ai été le premier à imaginer un quad routier avec un moteur de Suzuki GSX-R 750. À cette époque, on était tous un peu des voyous, on coupait les cadres, on changeait les pots, on transformait les moteurs, on faisait les carénages... Quand la mode du « tuning » a été dans le collimateur de l’État, j’ai compris que mon business allait mourir. Pour y échapper, je me suis déclaré en 2004 en tant que constructeur français. Aujourd’hui, j’homologue mes motos originales en les soumettant aux organismes référents, je frappe mes numéros de châssis et tous mes véhicules sont vendus avec des cartes grises Lazareth ».
Le désormais constructeur Lazareth se met alors à construire des tricycles, des quadricycles, des motos et même des voitures !
Le fameux TMAX 530 de Yamaha revisité par Lazareth en tricycle.
Un constructeur de motos originales qui casse les codes
Créateur et artisan, Ludovic Lazareth repense sans cesse l’innovation moto. Reconnu pour son travail, il collabore aujourd’hui avec de nombreux réalisateurs de cinéma.
Innovation moto : création ou reproduction ?
Si Ludovic Lazareth crée et invente de nouveaux modèles de motos originales, il peut aussi reproduire certaines machines. Sa méthode n’est alors pas la même : « Pour une création, on part toujours d’une chaîne cinématique existante, qu’elle soit auto ou moto. Les carénages sont faits en interne : les dessins, les moules, les pièces, la peinture... Châssis et parties cycle sont également réalisés dans notre atelier, à Annecy. On ne sous-traite que l’usinage numérique machine 5 axes. Je fais les plans de ce que je veux, à l’ancienne, avec papier et crayon, et nos sous-traitants modélisent et produisent ces pièces. Après, une fois qu’une machine est faite à l’unité, il est plus facile de la reproduire. Le Wazuma R1 (engin à 4 roues dont 2 jumelées à l’arrière et à moteur de R1), j’en ai réalisé 35 homologués et 10 que nous avons vendus non homologués pour le Moyen-Orient ».
L’inventeur poursuit : « Ma démarche est d’abord une création artistique, après, on aime ou on n’aime pas. En général, je ne demande rien à personne, sauf si quelqu’un arrive avec une demande précise sur un 2, 3 ou 4-roues, là j’écoute et je vois. Mais en général, je fais à mon idée et je propose ensuite ». Une impulsion donc, mais avec cinq personnes qui travaillent dans cette société d’innovation moto, pour une production annuelle d’environ quinze machines.
Une clientèle en majorité française
En ce qui concerne la clientèle du constructeur, avec des véhicules (tous numérotés et parfois uniques) dont les prix s’étirent entre 25 000 € pour un scrambler Triumph et 230 000 € pour un Triazuma à moteur Ferrari, on l’imagine plutôt lointaine. Il n’en est rien. « 85% de ma clientèle est française, les 15% autres viennent principalement du Moyen-Orient ».
Alors que recherche cette clientèle : des motos originales, des engins extravagants, des sculptures ? « Ce que je propose en réalité, ce sont des sculptures roulantes. Toutes nos réalisations roulent, mais certaines sont plus contraignantes que d’autres. Parmi ma clientèle, 10 % roulent 30 000 km par an, 60 % roulent 30 heures, et 30 % ne roulent pas du tout » précise encore Ludovic. Toutes ces motos, qu’elles roulent ou non, doivent néanmoins être assurées en cas de vol ou de casse.
Des collaborations avec les plus grands du cinéma
L’univers de ses créations le conduit aussi à collaborer avec plusieurs réalisateurs de cinéma. Il participe ainsi aux films Taxi 4, Taxi 5 et Valerian de Luc Besson, À fond avec André Dussollier et Jose Garcia ou Babylon A.D. de Mathieu Kassovitz.
« J’ai toujours aimé construire, transformer, créer... Pourquoi je décide de faire ça ou ça ? Je n’en sais rien... Je m’assois devant un moteur et parfois, j’en tombe amoureux. La moto m’intéresse parce que le moteur est rendu visible, ce qui n’est pas le cas en voiture. Techniquement, je ne dessine pas de manière artistique, je construis directement en fil de fer ou en coupe de bois. Mon truc, c’est de construire des sculptures qui peuvent rouler. Je peux refaire plusieurs fois le design jusqu’à ce qu’il me plaise. Te dire pourquoi il me plaît, je n’en sais rien, mais il y a un moment où ça matche... »
Le Triazuma, un puissant 3-roues équipé d’un moteur V8 4,3 l de 500 chevaux.
La LT 410, dernier concept moto de Lazareth, avec une cellule de protection amovible.
Obtenir mon Tarif d'assurance MotoLire aussi : 10 questions à Ludovic Lazareth
Visuels : © Ludovic Lazareth