Rencontre avec Sébastien Poirier, Président de la Fédération Française de Motocyclisme

Publié le 13/11/2023

Alors que le nombre de licenciés est reparti en flèche après le Covid, le président de la FFM Sébastien Poirier, fait le point sur les grands chantiers en cours : programme « Génération Vitesse » destiné à optimiser l’accompagnement des jeunes vers le haut niveau, multiplication des Écoles Françaises de Motocyclisme, pérennisation du circuit Carole...

Sebastien PoirierSébastien Poirier

Comment se portent aujourd’hui la fédération et le monde de la moto ?

Tandis que beaucoup de fédérations sportives ont subi une perte importante du nombre de licenciés après la pandémie de Covid, nous avons plutôt bien surmonté cette épreuve. Pendant l’épidémie, malgré une situation sanitaire difficile, nous avons obtenu des autorisations pour maintenir certains entraînements dès fin mai 2020. Nous n’avons perdu que 5 à 10 % de licenciés en 2019-2020, un chiffre qui est depuis reparti à la hausse. En 2022, nous avons même pour la première fois franchi la barre des 100 000 licenciés et titres de participation !

À noter qu’il y a eu un transfert important des licenciés compétiteurs, qui ne pouvaient plus pratiquer pendant l’épidémie, vers les licences entraînements. Nous avons conservé un socle de 1 250 clubs affiliés à la FFM, dont près de la moitié organisent des compétitions.


Depuis le début de votre mandat, vous avez affiché votre volonté de soutenir la jeunesse. Quelle stratégie avez-vous mise en place ?

Aujourd’hui, on découvre encore trop souvent la moto par l’intermédiaire d’un autre motard. Il faut que davantage de moto clubs soient en capacité d’accueillir des jeunes et des débutants. Ma priorité est en effet de soutenir les clubs engagés en ce sens.

Nous avons pour cela restructuré les Écoles Françaises de Motocyclisme (EFM), avec un cahier des charges renforcé et une certification de qualité. Les labels initiation ou perfectionnement sont associés à des couleurs (bronze, argent ou or) qui spécifient la qualité des prestations annexes proposées aux pratiquants : infrastructures, équipements sur place, activités sportives ou culturelles à proximité... Il existe aujourd’hui 150 structures labellisées, contre une quarantaine seulement avant mon arrivée, en 2020.

De plus, à travers un site web dédié, les pratiquants débutants ou leurs parents peuvent désormais identifier et localiser les écoles d’initiation près de chez eux, voir combien coûte un stage... Nous organisons aussi des journées « Découverte de la moto », pour les enfants à partir de 6 ans. Il faut rassurer les parents : un jeune sensibilisé à la conduite moto sera aussi plus tard un meilleur conducteur de scooter, un automobiliste sensible à la cause des deux-roues...

Nous avons aussi encouragé le développement de la catégorie sportive « Jeunes » dans le calendrier sportif, avec des temps de roulage dédiés etc. Et nous voulons encourager la pratique féminine de la moto.


La FFM assure la gestion du Circuit Carole. Pourquoi ce choix ? Est-ce économiquement viable pour une Fédération d’assurer cette gestion ?

Ce circuit a été créé en 1979 par des motards qui cherchaient un lieu sûr pour pratiquer leur passion. Il reste aujourd’hui le seul circuit moto en France à proposer un accès gratuit à la piste, 26 week-ends par an. Depuis que la FFM a récupéré sa gestion, sous statut associatif, le circuit est à l’équilibre, avec un budget de fonctionnement d’1,2 million d’euros, sans aucune subvention. Sa rentabilité au sens économique n’est pas possible compte tenu de la prescription sociale, mais nous avons réussi à faire la démonstration qu’un circuit de proximité pouvait ne pas coûter d’argent aux collectivités.

Nous avons démontré que l’on peut avoir un site de pratique de proximité, non loin du périphérique parisien, destiné à accueillir tous types de publics. C’est un lieu de vie unique pour les motards et les pilotes. Des clubs moto louent le circuit et nous avons aussi créé une école de moto dans laquelle nous accueillons de nombreux jeunes : Circuit Carole for Kids. Nous sommes aussi le premier centre d’examen du permis de conduire en Île-de-France...

Je suis très fier de ce circuit. Le circuit Carole est un bel équipement qui a un rôle social et de développement. Nous avons organisé un week-end pour la gent féminine. Et nous accueillons des associations pour la réinsertion et le handicap, ainsi que l’association SOS Rodeo qui permet aux jeunes adeptes de cross bitume de s’exprimer en toute sécurité.

Nous sommes en relation avec la Région Île-de-France pour pérenniser notre partenariat et mettre en place des actions à long terme car actuellement, les concessions de service public sont de 7 ans seulement. Cela nous permettrait d’investir sereinement sur ce site, de le moderniser, de l’équiper en panneaux solaires par exemple...

Circuit CaroleLe Circuit Carole à Tremblay-en-France


Quel impact ont eu les bonnes performances des pilotes français en MotoGP, ces dernières années, sur la fréquentation des circuits et le nombre de licenciés ?

Grâce au titre de Fabio Quartararo en 2021 et les retombées médiatiques conséquentes, les Français ont regardé la moto sous un angle différent. Les performances de Fabio et Johann ont dépassé le cadre de notre public captif et ont séduit une autre population, de non-initiés, à l’image des femmes. L’esthétisme de notre sport et son caractère spectaculaire jouent clairement en notre faveur. Cet engouement a logiquement eu un impact très positif sur l’augmentation du nombre de nos licenciés en 2022.


En ce qui concerne les principales courses d’endurance, l’affluence semble à nouveau au rendez-vous ?

Les courses de 24 heures ont retrouvé tout leur sens après le Covid. Nous avons la chance d’avoir au championnat du monde tous les constructeurs, notamment japonais, ainsi qu’un contingent de pilotes français. Ce n’est pas anodin si l’on parle d’une spécialité française. Après le Covid, le public motard s’est très vite réapproprié ces courses, aux 24 Heures du Mans moto comme au Bol d’Or, qui a fêté l’an dernier son centenaire. Il y a un lien très fort entre le Bol d’Or et la FFM qui est presque aussi ancienne que l’évènement (110 ans) ! Les courses d’endurance moto ou automobiles sont aussi un lieu d’innovation technologique formidable. En vitesse, la FFM dispose d’une offre complète à destination des adultes avec le Championnat de France Superbike qui représente le sommet de la pyramide, avec l’élite des pilotes tricolores. Nous avons également les Coupes de France Promosport, un cycle d’épreuves à destination des amateurs afin de débuter la compétition et enfin le Championnat de France d’Endurance avec l’Ultimate Cup.

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Quelle stratégie avez-vous mise en place pour assurer la relève derrière Zarco et Quartararo ?

Nous avons la chance d’avoir deux superbes pilotes en MotoGP, Quartararo et Zarco, ainsi qu’un pilote en Moto3, Lorenzo Fellon, même si ce dernier fait pour l’instant une saison plutôt compliquée en raison d’une blessure en début de saison. Notre priorité est de travailler sur le réservoir de pilotes de demain. Nous avons actuellement un trou générationnel, sans doute lié à l’évolution très rapide des championnats à destination des jeunes avec aux commandes, la Dorna, le promoteur du MotoGP. Une des clés de notre réussite passe par la démocratisation de cette discipline et son accessibilité. Nous avons donc engagé une politique visant à multiplier les homologations de circuits de karting. Plus nous aurons d’activités, plus nous serons représentés et plus nous attirerons des jeunes pour constituer notre vivier. En Espagne, les circuits de karting sont avant tout des circuits moto et nous souhaiterions qu’il en soit de même en France.

Aussi, nous avons modernisé notre parcours vitesse en 2022 et c’est aujourd’hui une belle réussite. 8 ligues ont organisé un Championnat Mini OGP(1) Région contre 2 en 2021, soit un total de 38 épreuves disputées sur 25 pistes de karting différentes en comptabilisant le Championnat de France Mini OGP. Sommet de la pyramide, le Championnat de France OGP a attiré une moyenne de 20 pilotes sur les 7 épreuves au programme.


Vous avez revu l’organisation de la filière vitesse afin de mieux accompagner les jeunes vers le haut niveau ?

Effectivement, à travers le programme « Génération Vitesse » lancé en 2022 et parrainé par Johann Zarco, nos meilleurs jeunes sont intégrés aux collectifs Mini OGP et OGP en fonction de leur âge et ils bénéficient d’un encadrement fédéral lors des nombreux stages organisés tout au long de la saison par la FFM. Aussi, nous avons une équipe de France Espoir composée de trois pilotes qui évoluent dans le cadre du Championnat d’Europe, l’European Talent Cup.

En moins de deux saisons d’exercice, ce programme porte ses fruits et le niveau général a progressé. Nos pilotes de l’Équipe de France sont régulièrement qualifiés pour les courses, ce qui n’était pas forcément le cas par le passé. Nous avons également positionné la catégorie Objectif Grand Prix au cœur de notre stratégie fédérale en adaptant nos règlements techniques à celui du règlement de l’European Talent Cup ; de la même manière, notre pneumaticien, unique, est celui du Championnat d’Europe.

Sebastien Poirier et Johann ZarcoSébastien Poirier et Yohann Zarco lors du Grand Prix de France MotoGP au Mans.


Comment se portent les autres secteurs, motocross, enduro et trial ?

En motocross, nous avons des champions dont nous sommes très fiers, car nous avons su mettre en place une base importante de jeunes pilotes talentueux. Nous avons beaucoup de titres, avec un maillage territorial fantastique. Le trial souffre de l’absence de champions. Selon le même schéma que pour la vitesse, nous avons mis en place des rassemblements en catégorie Mini-Trial, accessibles dès 6 ans, afin de pousser un maximum de jeunes vers le haut niveau.

En enduro, nous avons une centaine d’épreuves par an. La discipline compte beaucoup de pratiquants. Toutefois, un point d’alerte sur les difficultés que nous rencontrons dans certains départements pour obtenir des autorisations administratives. Il faut que les autorités administratives nous aident à organiser des activités encadrées, compétitions ou randonnées, afin d’offrir des espaces de pratique.

Lorsqu’on perd une compétition d’enduro, on offre un espace à la pratique sauvage, sur des chemins non autorisés. L’enduro du Touquet est un parfait exemple d’une compétition qui se déroule depuis des années sans aucun impact sur l’environnement, ce qu’attestent plusieurs études.


Pouvez-vous nous parler de l’électrique en compétition, de plus en plus présente en Motoball, par exemple ?

En effet, une quinzaine de motos électriques sont déjà utilisées en championnat de France et nous allons en acquérir 30 autres, afin d’arriver à un championnat 100 % électrique. Cela permettra de s’affranchir de la contrainte du bruit, un frein au développement de cette discipline.

Tout savoir sur l’offre « Primo-Licencié » de la FFM

Réveillez le pilote qui est en vous avec l’offre « primo-licencié » de la FFM ! Cette offre vous permet de bénéficier d’une licence annuelle compétition ou entraînement d’une validité de 16 mois, soit jusqu’à 4 mois offerts.

Pour être éligible à l’offre primo-licencié de la FFM, vous devez remplir l’une des conditions suivantes :

  • Ne jamais avoir été licencié à la FFM.
  • Ne pas avoir été titulaire d’une licence annuelle (compétition ou entraînement) lors des saisons 2022 et 2023.

Pour en savoir plus : www.ffmoto.org

Les compétitions de trottinettes électriques sont désormais encadrées par la FFM, ce qui peut paraître surprenant au premier abord... Pouvez-vous nous présenter l’E’Trott Racing FFM ?

Lorsqu’on y réfléchit, la trottinette électrique n’est pas si éloignée que cela du monde de la moto ! Il y a un guidon, un moteur... Les trottinettes utilisées dans ce type de compétitions roulent à près de 130 km/h, les pilotes ont des combinaisons de cuir comme en moto. Ce sont de petits bijoux de technologie, vendus entre 10 000 et 12 000 € pièce pour certains modèles ! Nous avons établi des règles pour encadrer ces compétitions sur circuits. Les deux premières épreuves (organisées à Angerville le 16 juillet et sur le Circuit Carole les 26 et 27 août, NDLR) ont attiré chacune une vingtaine de participants, mais vu le nombre de pratiquants en ville, nul doute que cette discipline va rapidement prendre son essor.


Que pensez-vous de l’arrivée de l’électrique dans le monde du deux-roues : est-ce l’avenir, selon vous ?

Au sein de la FFM, nous sommes par nature très sensibles à tout ce qui relève de l’innovation, de la recherche et développement. L’arrivée de l’électrique entraîne un changement systémique du monde de la moto. Il y a déjà eu d’autres révolutions technologiques dans la moto par le passé, comme l’arrivée des freins à disque en vitesse ou des amortisseurs en motocross. Mais les bouleversements générés par l’arrivée de l’électrique sont encore plus profonds. En motocross par exemple, on peut désormais modifier la puissance d’une machine en cours d’utilisation...

L’électrique entraîne plusieurs problèmes : celui du contrôle de la machine d’abord, mais on devrait savoir y répondre. Ensuite, peut-on faire rouler des motos électriques au côté des thermiques sur des compétitions ? Cependant, je pense que nous devons tout mettre en œuvre pour accueillir au mieux l’électrique. Il est désormais présent en Motoball, en trial, en motocross et en Supercross. La Stark Varg est en train de bouleverser le système car elle est très performante(2). Je pense que l’électrique s’imposera par ses performances, comme l’a fait Tesla avec la voiture électrique.

L’électrique nous sauve du bruit et on peut désormais imaginer des courses de motos en plein centre-ville, au pied de la Tour Eiffel, par exemple ! Mais d’un autre côté, le bruit fait partie intégrante de notre sport, c’est aussi cela qui fait toujours vibrer les spectateurs lors des compétitions... Donc pour ma part, je serais pour qu’on mette au point sur ces motos un bruit qui participe à l’ambiance sportive. Enfin sur le plan environnemental, des questions demeurent aujourd’hui sur l’impact réel de l’électrique par rapport au thermique.


Avec toutes vos activités au sein de la fédération, trouvez-vous encore le temps de rouler ?

J’utilise ma moto tous les jours, été comme hiver et j’essaye de rouler autant que possible. À l’image de la majorité des licenciés de la FFM, je pratique la moto en mode loisir sur nos circuits en entraînement, notamment sur le circuit Carole, et sur nos chemins d’enduro. Lors des vingt dernières années, de plus en plus de motards loisirs ont fréquenté les circuits de vitesse ou d’enduro en tant que pratiquants plaisir. C’est très important pour nous de les accompagner et de les rassurer pour les encourager à franchir le pas vers la compétition.


(1) Objectif Grand Prix

(2) Moto de cross électrique disposant de plusieurs réglages de puissance allant du 125cc 2 temps jusqu’au 650cc 4 temps.

Tout savoir sur« Génération Vitesse »

Niveau 1 : Écoles Françaises de Motocyclisme

Les Écoles Françaises de Motocyclisme représentent le socle de la pyramide. Elles permettent, dès 6 ans, l’accès au plus grand nombre à la pratique du sport moto.

Niveau 2 : Championnat de ligues Mini OGP

Ces Championnats régionaux permettent aux jeunes, à partir de 7 ans, de découvrir l’univers de la compétition sur circuits de karting.

Niveau 3 : Championnat de France Mini OGP

C’est à travers ce cycle d’épreuves que les graines de champions sont formées à l’exigence de la compétition, toujours sur des circuits de karting.

Niveau 4 : Championnat de France OGP

Sommet de la pyramide, ce Championnat est l’antichambre du Championnat d’Europe. Les concurrents évoluent en catégorie Pré-Moto3 ou NSF 250 dans le cadre du Championnat de France Superbike et donc sur les circuits les plus emblématiques de l’Hexagone.

Collectifs Mini OGP et OGP

Les pilotes les plus prometteurs évoluant sur le Championnat de France Mini OGP et OGP sont intégrés aux collectifs de la FFM. Ils bénéficient de stages encadrés tout au long de la saison.

L’équipe de France Espoir Filière Vitesse

Elle est constituée de trois pilotes qui évoluent sur le Championnat d’Europe (European Talent Cup). Ils ont accès à l’ensemble des stages de la filière haut niveau. S’ajoute à cela la prise en charge de trois sessions de deux journées de roulage pré-ETC sur des circuits du championnat et un accompagnement financier privilégié, afin de les aider à construire leur projet avec le team qu’ils ont choisi. Entraîneur de l’Équipe, Alexis Masbou les accompagne sur toutes les compétitions.

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Visuels : © F.F.M

Sources et infos : F.F.M