Brough Superior :
l’excellence tricolore au service de motos d’exception
Publié le 02/08/2023• Par Thierry Traccan
Il est des mythes qui ont la peau dure. Suffisamment pour que l’idée vienne à certains de les faire revivre. Brough Superior en est un bel exemple. Anglaise à l’origine, cette marque de motos d’exception est devenue française depuis que Thierry Henriette s’en est porté acquéreur voilà 10 ans. Plus qu’un nom, il est une constante remarquable dans la façon d’appréhender la fabrication des Brough Superior : cette volonté, depuis l’origine, de toucher du doigt, et même d’empoigner à pleines mains l’excellence.
Une Brough Superior SS100 d’époque conservée dans un état collection.
Les motos d’exception Brough Superior, une histoire qui remonte à 1919
Imaginée par un coureur de motos anglais, la marque Brough Superior a vite conquis le cœur des passionnés avant de connaître quelques turbulences pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les origines de la marque Brough Superior
C’est en 1919 que George Brough démarre l’aventure du côté de Nottingham, en Angleterre, avec une vision claire : produire des motos aussi belles que performantes. Des machines réalisées avec un tel degré d’exigence que jamais le « Superior » accolé au nom du fondateur ne puisse être contesté.
Durant les 21 années de sa première partie d’existence, le contrat fut toujours rempli. Les records de vitesses tombent les uns après les autres dans les mains des pilotes. Quant à celles des clients lambda, elles prennent possession de motos adaptées à leurs morphologies. Une manière efficace de tutoyer l’excellence.
Le début des hostilités de 1940, et l’effort industriel qui accompagna la guerre en réquisitionnant les installations, interrompit la production. Ce que l’on pouvait imaginer provisoire et lié aux évènements se révéla définitif. Enfin, pas vraiment…
Une marque qui suscite l’engouement des collectionneurs
Dans les décennies qui suivirent cet engouement autour de la marque, les passionnés ont d’abord désiré continuer de faire vivre et rouler ces motos. Au fil des années, elles ont ensuite peu à peu quitté les routes pour rejoindre les podiums chez des collectionneurs privés et les catalogues des ventes aux enchères de prestige.
La marque Brough Superior, avec comme ambassadeur immortel le célèbre espion britannique et aventurier Lawrence d’Arabie, les deux s’entremêlant jusqu’à devenir indissociables.
On pensait donc l’histoire écrite. Une histoire façon étoile filante de seulement 21 ans qu’il restait désormais à répéter dans les livres, les documentaires ou les films. On ne l’imaginait pas mouvante, toujours en route. Pourtant, en route, c’est déjà la fonction première de la moto, non ? C’est assurément ce que s’est dit Thierry Henriette, futur patron de la marque de motos d’exception.
Ce roadster, baptisé « Lawrence Dagger », fait référence au légendaire personnage de Lawrence d’Arabie.
Thierry Henriette, le sauveur made in France de la marque de motos d’exception
Patron de Boxer Design, Thierry Henriette décide de s’associer avec le Britannique Marc Upham en 2013 pour faire revivre la marque. Il en prend ensuite entièrement le contrôle cinq ans plus tard, en 2018.
Des enseignements du passé de Brough Superior, Henriette en garde l’essence : atteindre l’excellence ! Peu importe les efforts, le temps ou le coût, la clientèle visée aura de toute façon les moyens de cette même ambition. Rendre hommage au passé sans rien sacrifier au modernisme (pas plus qu’à l’innovation), voilà cette nouvelle interprétation qui guide désormais le développement des Brough Superior made in France. Made in Toulouse plus exactement, où le siège de l’entreprise est installé. Dans son écrin fuselé, le grand bâtiment n’abrite pas des chaines industrielles de montage, mais des postes individuels où s’affairent ingénieurs et artisans de talent.
Ici, on imagine avec le cœur, on dessine avec les yeux, et on fabrique avec la main. Au début du siècle dernier, George Brough entendait faire de ses motos de collection les « Rolls Royce de la moto ». Et il y est parvenu. Si la marque légendaire d’automobiles de luxe n’est pas explicitement citée en référence cent ans plus tard, l’objectif de proposer un produit exceptionnel perdure.
L’une des raisons pour laquelle la référence Rolls-Royce est moins mise en avant est qu’une collaboration s’est récemment nouée avec la prestigieuse marque de voiture de sport Aston Martin. Celle-ci a donné naissance en 2019 à la moto d’exception futuriste AMB 001 (pour Aston Martin Brough).
Son style esthétique est davantage engagé que celui définissant les modèles SS100 et ses quatre déclinaisons (Originale, Bert le Vack, Salt Racer et Karslake), ou bien les Pendine (Sand Racer et Dixon), les Anniversary (Originale et Golden Stream) et enfin les dernières nées, symbole ultime d’un nom fusionné à une marque, les Lawrence (Originale, Nefud et Dagger).
L’AMB 001 : une œuvre d’art, résultat d’une alliance avec le design légendaire d’Aston Martin.
Des motos d’exception et des prix vertigineux
Véritable passionné, Thierry Henriette a relancé l’engouement pour ces motos uniques relativement chères, certaines pouvant atteindre 200 000 euros.
13 modèles de motos personnalisables Brough Superior
Il arrive régulièrement que des noms prestigieux soient exhumés pour surfer sur une vague néo-rétro très tendance actuellement. Ceux-ci font parfois table rase de l’héritage historique et ne comptent que sur une notoriété « de bouche à oreille » pour espérer séduire de nouveau. Heureusement, on peut se réjouir du respect que témoignent Thierry Henriette et ses équipes à ce lien cousu d’or à travers l’Histoire, entre Nottingham et Toulouse. Comme l’écrivait le poète Aristophane : « Où l’on est bien, là est la patrie ».
10 années après son premier flirt avec la marque de motos d’exception et 5 ans après en avoir pris le contrôle total, Thierry Henriette se retrouve aujourd’hui à la tête d’un catalogue riche de 13 modèles (une version ultime AMB 001 Pro vient récemment de s’ajouter à l’AMB 001 « standard »), tous personnalisables. Cela permet une multitude de combinaisons possibles, et la certitude pour le client final d’acheter une moto de collection unique. SA moto.
Cette rareté a néanmoins un prix, qui varie en fonction des demandes particulières des clients. Le billet d’entrée débute, pour le modèle le plus accessible, à 65 500 euros (Pendine Sand Racer) et peut grimper jusqu’à 200 000 euros. À cela, il convient d’ajouter le prix de l’assurance moto pour pouvoir rouler avec.
Pourquoi de tels prix pour ces motos d’exception ?
Chère certes, très chère même, mais l’exception est à ce prix comme l’avait déjà compris Lawrence d’Arabie, colonel et espion britannique grand fan de ces motos d’exception dont Sylvain Tesson a suivi les traces lors d’un road trip à moto.
Lawrence d’Arabie, l’ambassadeur magnifique
Parfois, les histoires s’entremêlent, au point de ne plus savoir où elles ont commencé. Celle de Sir Thomas Edward Lawrence (connu sous le nom de Lawrence d’Arabie), colonel de l’armée britannique, est intimement liée à Brough Superior, marque à laquelle il vouera toute sa vie une véritable passion, possédant sept de ces motos. À la fois officier, écrivain, archéologue, mais aussi espion, Lawrence d’Arabie aura vécu sa vie à cent à l’heure. Une vie qui le mena au Moyen-Orient où il joua un rôle majeur durant la Première Guerre mondiale, agent de liaison actif et combattant notamment avec les troupes arabes contre celles de l’Empire Ottoman. On lui doit le célèbre récit autobiographique « Les Sept Piliers de la sagesse ». C’est en 1935 que Lawrence d’Arabie, voulant éviter deux jeunes cyclistes un jour de grande pluie, perd le contrôle de sa Brough SS100 et se tue, à l’âge de 46 ans.
Le soin apporté à la réalisation des modèles imaginés par des ingénieurs passionnés et assemblés à la main par une équipe d’artisans hautement qualifiés explique en partie cela. Tout comme le choix des matériaux composant ces motos où se mélangent titane, carbone, aluminium, cuir, etc.
Parmi les caractéristiques de ces deux-roues de collection, on retrouve :
- Des cadres en titane ou en carbone structurel ;
- Des bras oscillants en aluminium taillés dans la masse ;
- Des fourches originales à triangulation articulée ;
- Des passages de câbles rendus invisibles ;
- Des blocs de fonderie couleur argent ou or ;
- Des lignes d’échappement fuselées ;
- Des pièces ciselées ;
- Quatre disques à l’avant sur les modèles SS100 (clin d’œil appuyé au modèle d’origine) ;
- Un moteur dédié, bicylindre en V à 88° de 997 cm3 élaboré avec l’aide d’Akira, société française située du côté de Bayonne.
Une mécanique bien vivante et qui évolue en fonction des spécifications techniques, à l’image de l’ajout dans les modèles Aston d’un turbocompresseur lui permettant de passer de 102 à 225 chevaux (pour la version Pro). Une âme et un cœur, le fond et la forme, la marque Brough Superior n’a définitivement pas trahi l’engagement que Sir George Brough avait pris cent ans plus tôt.
Brough Superior en 10 dates
- 1919 : Création de la marque Brough Superior par Sir George Brough.
- 1935 : Lawrence d’Arabie se tue au guidon de sa moto dans un accident
- 1940 : Disparition de la marque
- 2013 : Renaissance de la marque et présentation de la nouvelle SS 100
- 2017 : Commercialisation du modèle Pendine Sand Racer.
- 2018 : Thierry Henriette devient seul propriétaire de la marque Brough Superior.
- 2019 : En hommage aux 100 ans de la marque, une série « Anniversary » est créée
- 2019 : Début d’une collaboration avec Aston martin / Présentation de l’AMB 001
- 2022 : Présentation au salon de Milan de l’Aston Martin AMB 001 PRO.
- 2022 : Présentation à Milan des modèles Lawrence.
Visuels : © Brough Superior