Morgan Govignon, rencontres et défis au pays des lions indomptables

Publié le 24/01/2025

Morgan Govignon n’est pas seulement un passionné de moto : c’est un aventurier qui repousse les limites pour vivre sa passion et ses rêves jusque sur les routes du Cameroun. Lauréat du festival du court-métrage du Salon de Lyon 2024 et Président du Moto Club Fleur de Lys à Mehun-sur-Yèvre (18), il nous raconte son incroyable voyage fait de rencontres, d’échanges culturels et de dépassement de soi. Un récit où, passion de la moto et compétition unit les hommes et fait tomber les frontières.

Morgan GovignonMorgan Govignon au Festival du cinéma - Salon 2 Roues 2024.

Passion & courses sur route

D’où vous vient cette passion pour la moto ?

Cette passion vient de ma famille : j’ai grandi entouré de parents mordus de moto, qui partageaient leur enthousiasme avec nous en faisant du side-car. Enfant, j’embarquais avec mon petit frère dans cet engin pour voyager et assister à des courses comme les 24 Heures du Mans. En 1997, nous avons même pris la route pour le légendaire Tourist Trophy sur l’Île de Man, ce qui a changé toute ma vie.

Ces souvenirs d’enfance ont nourri mon désir de pratiquer la moto, même si, venant d’une famille modeste, je pensais que la course était hors de portée.


Courses sur route : quels ont été vos débuts en compétition ?

J’ai fait ma première course en 2007, avec une BMW 800 de 1979, peu adaptée : le Moto Tour. À la fin de mes études, j’ai dû travailler en usine pour pouvoir financer ma participation à cet énorme rallye routier, et avec une dizaine de copains de mon école, nous sommes partis pour neuf jours de compétition et une traversée complète de la France. C’était dingue de monter un tel projet sans expérience et en partant de zéro, il fallait y croire… Mais ça a été l’élément déclencheur. D’ailleurs, mon premier sponsor « privé » a été Cyril Coudière, Agent AXA dans mon Berry natal. Il est d’ailleurs toujours mon Agent aujourd’hui !

Mon rêve était de participer au Tourist Trophy, une course sur route sans équivalent en France. La pratique qui s’en rapproche le plus est le Rallye Routier, une discipline assez peu connue, semblable aux rallyes automobiles, mais sur deux-roues et sur goudron uniquement. En 2012, j’ai terminé 2ᵉ de ma catégorie au championnat de France des Rallyes Routiers avec une Kawasaki 650, une moto assez modeste.

J’ai roulé en rallye jusqu’en 2013 et ça a été une très bonne école : ça m’a montré que beaucoup de choses étaient réalisables et m’a permis d’appréhender le « décor » routier. En complétant avec des roulages sur circuit pour la partie vitesse, j’ai fini par aller m’étalonner sur une course sur route accessible, à Chimay, en Belgique.

Mon but, qui était essentiellement de participer au Tourist Trophy, a commencé à prendre forme en 2014 en m’alignant au Manx Grand Prix, couru sur le même tracé de 60 kilomètres et ses 264 virages, mais réservé aux amateurs ou aspirants au Tourist Trophy… Où j’ai fini par rouler en 2016, tout petit parmi les grands !

Après ma dernière participation en 2019, j’ai ressenti le besoin de passer à autre chose et de réunir tout ce qui comptait pour moi : la course, la famille, les voyages… pour en profiter pleinement simultanément. Ce qui nous amène dans des histoires… assez corsées !

Départ du Grand Prix du Cameroun 2022.Départ du Grand Prix du Cameroun 2022.

La grande aventure camerounaise

Salon de Lyon 2024 : vous avez reçu le deuxième prix du festival du court-métrage, félicitations ! Quelle est l’histoire de ce film tourné au Cameroun ?

Merci ! J’ai voyagé deux fois au Cameroun : en 2022 et en 2024, pour réaliser un rêve de longue date qui était de découvrir ce pays et participer à une course de motos. Malheureusement, en 2024, le Grand Prix Moto du Cameroun a été annulé. On a donc présenté un film sur la première participation à ce Grand Prix et la passion vibrante de la course au Cameroun. Ce film se déroule dans un univers complètement différent du nôtre en France, qui peut être parfois choquant, mais génial en même temps. Là-bas, c’est une nouveauté : ils sont au début des motos sportives et des grosses cylindrées.

Il y a un homme, Narcisse Kounhoua, qui s’efforce de structurer cette pratique en mettant un accent inattendu sur la sécurité des pilotes. Le fait d’assister à la naissance de la course chez eux est une chance incroyable : elle offre la possibilité d’apporter notre expérience et de limiter les erreurs que nous avons pu faire lors du développement du sport moto en France. Par exemple, le circuit Carole, en région parisienne, a été baptisé ainsi en hommage à la dernière des 18 victimes des courses sauvages qui se tenaient du côté de Rungis (94), dans les années 70. Il a fallu du temps pour que les pouvoirs publics décident, au lieu de répression, de construire un espace sécurisé pour ce sport. Et le rêve de Narcisse n’est pas de faire une course folle en ville, mais d’avoir un vrai circuit.

En termes d’expérience de vie, c’était très enrichissant. C’était ce côté-là que je voulais partager à travers mon film. Nous avons eu de très bons retours et un grand succès sur internet.


Pourquoi le Grand Prix Moto 2024 a été annulé et comment avez-vous vécu cette nouvelle ?

Organiser un tel événement est extrêmement complexe. Narcisse gère presque tout, tout seul, avec l’aide de son club, Racing 237, mais faire courir des motos en pleine ville est délicat, surtout avec des vitesses frôlant les 250 km/h au milieu des passants. Entre retards administratifs et problèmes de financement, l’autorisation officielle n’a pas pu être obtenue. C’était une grande déception, après deux ans d’attente, car je voulais constater les progrès de la course et explorer de nouvelles régions du Cameroun.

Je voulais voir le Cameroun vert, la jungle. On a quand même pu partir jusqu’au village d’enfance de Narcisse où l’on s’est retrouvé au milieu des cacaotiers, des bananiers… c’était un très bon moment.


D’où vous vient cette passion pour le Cameroun ?

Plus jeune, j’adorais les lions, j’en dessinais partout (rires) ! Un jour, j’avais quatre ans et demi, j’ai entendu à la télé que « les Lions Indomptables ont battu l’Argentine ». Il s’agissait du match d’ouverture de la Coupe du monde de football en 1990. L’équipe du Cameroun, pourtant inconnue à cette époque, avait battue l’Argentine, avec Diego Maradona. Je me suis promis d’aller voir ces Lions un jour. Plus tard, quand j’ai découvert par hasard cette course au Cameroun, c’était devenu comme une évidence pour moi.


En amont, comment vous êtes-vous préparé à ce voyage ?

Au Cameroun, tout se fait la dernière minute ! J’ai contacté Narcisse et, en janvier 2022, il m’a invité à la course prévue le 12 février, dans la ville de Douala, capitale avec ses cinq millions d’habitants. Du jour au lendemain, j’ai entamé mes démarches administratives et médicales. Narcisse avait prévu de me prêter une de ses motos, qui était pourtant à réparer, mais devant les mésaventures, nous avons dû en trouver une autre sur place, une Triumph 675 Daytona. Je suis donc parti, avec des pièces dans mon sac à dos, sans préparation physique et poussé par mon rêve d’enfant.

Voyage vers Santchou.Voyage vers Santchou.

Avez-vous rencontré des aléas pendant la course ?

Oui, il y en a eu plusieurs. Premièrement, les essais n’ont pas pu avoir lieu à cause des embouteillages. Nous sommes donc partis directement en mode course depuis le quartier de Bonamoussadi et j’ai tout de suite vu que la moto avait un problème d’embrayage. Ensuite, à la moitié du premier tour de la course, on s’est retrouvé à contresens de la circulation, ce qui a été compliqué à gérer. J’étais en 3ᵉ position et le pilote qui était en tête a malheureusement percuté une moto taxi.

Je me suis ensuite retrouvé au coude-à-coude avec ce pilote, Jackson, jusqu’au moment où j’ai chuté, en n’ayant plus de boîte de vitesses et en perçant le carter d’huile de la moto. Je me suis relevé pour terminer la course, avec la fierté de franchir la ligne d’arrivée et pouvoir ensuite raconter cette course.


Que pouvez-vous nous dire sur les passionnés de moto de ce pays ?

Ils ont un réel mérite. Narcisse travaille dur pour redorer l’image du motard. Pour lui, une moto doit être accompagnée d’un équipement de sécurité complet : casque et combinaison de cuir. Là-bas, la moto est omniprésente, mais posséder une grosse cylindrée est un privilège. Malgré les défis, ces passionnés s’investissent pleinement, même en sachant que le sport de haut niveau leur restera malheureusement difficilement accessible.


Vous avez cependant rencontré le vainqueur du Grand Prix Moto du Cameroun 2019. Avez-vous des anecdotes à nous raconter à ce sujet ?

Oui, De Rossi, qui a gagné le premier Grand Prix du Cameroun, était « l’homme à battre » sur la course en 2022… C’est un garçon adorable ! Le lancement de la course a été compliqué avec la décision des organisateurs de raccourcir le tracé juste avant le départ. De Rossi était à ce moment-là en train de discuter, retirant son équipement, et il n’a pas compris que la course allait être lancée immédiatement.

Quand il a vu que tout le monde partait, il a pris sa paire de gants qu’il a jeté pour ne pas perdre de temps et il a tout de suite passé la première (rires) ! Ensuite, en regardant sa machine, j’ai vu qu’un tube de fourche était enfoncé sérieusement mais ne fuyait pas, ce qui voulait dire qu’il n’avait plus d’huile donc plus d’amortissements depuis longtemps. Dans ces conditions, De Rossi n’a donc pas pu remporter l’édition 2022, mais Jackson a été un très beau vainqueur… Qui a d’ailleurs doublé la mise en 2023 !


L’heure du bilan : que retenez-vous de cette aventure ?

Ce que je retiens principalement, ce sont les rencontres faites grâce à la moto. Cette passion permet de se mélanger, de partager et de se découvrir. La moto m’a ouvert des portes : celles de foyers, d’un pays, et de personnes que je n’aurais jamais pu rencontrer autrement. Nous partageons une passion qui transcende les différences culturelles et sociales.

Les impressionnantes chutes d’Ekom, au Cameroun.Les chutes d’Ekom, au Cameroun.

Pour conclure

Avez-vous une course de moto à l’étranger qui vous fait particulièrement rêver ?

Alors, le problème, c’est que j’en ai trop et plus j’en réalise, plus j’ai envie d’en faire ! Je dirais que l’Africa Eco Race me plairait beaucoup, même si je ne reste qu’un amateur, pourtant plein d’envie.


Et un projet fou que vous souhaiteriez réaliser ?

Ce que je voulais absolument réaliser, j’ai eu la chance de le faire. Maintenant, ce n’est que du bonus ! Je me suis lancé dans une série de travaux que j’ai appelé les « 12 travaux d’Enclume ». L’idée est de prendre une seule moto, accessible à tout le monde, pas forcément très performante mais plutôt taillée comme une enclume, et de l’emmener faire douze travaux dans autant de domaines différents de la moto, sur des aventures qui me font envie mais pour lesquelles je n’ai pas les moyens d’avoir une moto au top et adaptée. Il y aurait dans l’air un voyage en Suède, fin février 2025, pour essayer de battre des records sur de la glace avec une Honda 500 CB de 30 ans d’âge. À suivre…

Visionner le film Road Race, au pays des lions indomptables de Morgan Govignon

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Visuels : © Morgan Govignon, Barry Clay