L’Hermione : la traversée des siècles
Publié le 28/01/2025• Par Julie Leveugle
À la croisée de l’histoire et de la modernité, L’Hermione incarne bien plus qu’un simple navire. Frégate mythique du XVIIIe siècle ayant transporté le Marquis de La Fayette vers les États-Unis, elle symbolise l’alliance franco-américaine et le combat pour la liberté. Deux siècles plus tard, sa réplique, construite avec passion à Rochefort (17), continue de faire vivre cette histoire tout en s’adaptant aux enjeux contemporains. Retour sur l’histoire d’un bateau pas comme les autres, et sur le défi colossal de faire perdurer son héritage à travers les générations.
L’Hermione au service de la liberté
L’Hermione voit le jour en 1779 à l’arsenal maritime de Rochefort, surnommé le Versailles de la mer. Conçue comme une frégate légère, rapide et maniable, sa mission la plus célèbre reste celle de 1780, lorsqu’elle transporta le Marquis de La Fayette aux États-Unis pour apporter le soutien militaire et diplomatique de la France à George Washington, chef militaire des insurgés américains engagés dans leur guerre d’indépendance.
Construit en seulement six mois, le navire sombrera au large du Croisic (Loire-Atlantique) en 1793, victime d’une erreur de navigation. Une fin précipitée qui, selon Émilie Beau, directrice générale de l’association Hermione-La Fayette, n’a rien d’étonnant : « À l’époque, les navires en bois avaient une durée de vie moyenne de 10 à 12 ans, en raison des erreurs de navigation mais aussi des combats et des contraintes maritimes ».
La naissance d’un projet exceptionnel
Deux siècles après son naufrage, l’idée de redonner vie à L’Hermione émerge dans les années 1990. Sous l’impulsion de passionnés et de figures emblématiques comme Jean-Louis Frot, ancien maire de Rochefort, ou Erik Orsenna, écrivain et académicien, le chantier débute en 1997. Pour Émilie Beau : « La reconstruction de cette frégate n’est pas un simple projet de musée. Il s’agit d’une expérience vivante qui doit permettre aux jeunes du XXIᵉ siècle de ressentir l’histoire, de la vivre et de lui donner une réalité. »
La reconstruction, qui s’étale sur 17 ans, s’est appuyée sur une démarche résolument archéologique, cherchant à restituer avec la plus grande fidélité les techniques et dimensions d’origine. Les recherches ont débuté avec la découverte d’un document clé : un tableau de chiffres rédigé par Chevillard Aîné, maître constructeur du navire au XVIIIᵉ siècle. Ce tableau, conservé dans les archives de la Marine française, détaillait la nomenclature des pièces de la frégate et leurs dimensions précises.
Pour compléter ces informations, les archives de la Royal Navy à Greenwich (Royaume-Uni) ont joué un rôle inattendu. La frégate Concorde, construite à partir du même plan que L’Hermione, avait été capturée par les Anglais en mer des Caraïbes en 1783. À des fins d’espionnage industriel, ces derniers avaient relevé les plans détaillés du navire pour percer les secrets de fabrication des frégates françaises, réputées pour leur vitesse et leur maniabilité. En croisant ces plans britanniques avec les documents français, les constructeurs modernes ont pu reconstituer une Hermione aussi fidèle que possible à l’originale.
17 années de travaux auront été nécessaires pour faire renaître ce géant des mers.
Une mission d'unification qui perdure
Inaugurée en 2014, la réplique de L’Hermione n’est pas qu’une prouesse technique. C’est un projet vivant qui porte des valeurs universelles. Depuis son premier grand voyage en 2015, où elle retrace la traversée historique de La Fayette vers les États-Unis, la frégate a parcouru plus de 22 000 milles nautiques et accueilli des centaines de marins amateurs formés spécialement pour l’occasion. En 2018, L’Hermione s’aventure en Méditerranée, embarquant un équipage de 34 différentes nationalités, à l’occasion du programme « Libres ensemble » de l’Organisation internationale de la Francophonie visant notamment à promouvoir le dialogue interculturel et les valeurs du vivre ensemble. En 2019, elle participe à l’Armada de Rouen, commémorant le 75ᵉ anniversaire du Débarquement allié en Normandie.
« L’Hermione attire des personnes venant de toute la France, et cela va au-delà de la simple mer ou du rêve qu’elle peut évoquer. C’est aussi une expérience marquée par un très fort esprit d’équipage, décuplé à bord de L’Hermione. Avec ses 80 membres d’équipage, ce n’est pas une aventure individuelle ou un plaisir immédiat, comme dans d’autres contextes. C’est une véritable aventure collective, et pour moi, c’est ce qui la rend unique et passionnante » souligne Émilie Beau. À bord, novices et professionnels collaborent pour manoeuvrer ce géant de 1 200 tonnes et près de 66 m de long, pouvant atteindre les 14,5 nœuds (environ 27 km/h).
Des défis contemporains pour un projet durable
Depuis 2021, L’Hermione est en chantier pour une restauration majeure. Une inspection de routine a révélé des anomalies dans les bois de sa coque, nécessitant une intervention en profondeur. « Le bois est une matière vivante qui demande une surveillance constante. C’est un véritable laboratoire d’innovation qui pourrait bénéficier à d’autres secteurs », explique Émilie Beau. Ce chantier, ouvert au public, permet de poursuivre la mission éducative de l’association tout en sensibilisant aux enjeux patrimoniaux et environnementaux.
Avec un coût estimé à 10 millions d’euros pour cette opération, l’association Hermione-La Fayette mise sur une mobilisation collective. « Plus de 5,5 millions d’euros ont déjà été levés grâce aux visiteurs, aux partenaires privés, aux banques, aux collectivités locales et à l’État », précise sa directrice.
Depuis la mise en cale sèche de L’Hermione à l’automne 2021 au port de Bayonne à Anglet, sa coque fait l’objet d’une inspection approfondie nécessitant le débordage (démontage) de nombreuses pièces de bois.
Un avenir ambitieux pour l’Hermione
L’objectif, théorique, est de remettre la frégate à l’eau d’ici le printemps 2026, avec un programme de navigation ambitieux pour les 10 à 15 prochaines années. L’Hermione continuera ensuite à naviguer sur un modèle hybride : un bateau touristique lorsqu’il est à quai et un navire ambassadeur lors de grands événements.
Entre passé et futur, L’Hermione poursuit son chemin, rassemblant autour d’elle ceux qui rêvent d’aventure et de transmission. Une frégate pas comme les autres, mais avant tout, un symbole intemporel d’espoir et de liberté.
Effectuez un don pour contribuer à la rénovation de L’Hermione : Faire un don à l'association Hermione-La Fayette.
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Visuels : © Maxime Franusiak, Guillaume Tauran, Andres Suarez – Association Hermione-La Fayette