Innovation écologique : Découvrez le projet WISAMO de Michelin qui contribue à la décarbonation du transport maritime.
Publié le 01/03/2022• Par Igor Biétry
Les cargos auront des ailes ! Remettre des voiles aux bateaux de transport pourrait presque passer pour un acte de décroissance. Mais lorsque ce sont des ailes gonflables, les espoirs de réduction de gaz à effet de serre sont très sérieux. Michelin travaille en ce sens grâce à son projet WISAMO. Le but créer une nouvelle ère grâce à une baisse de consommation de fioul de 20% par bateau. Un enjeu majeur.
La voie Maritime représente 90% du transport commercial dans le monde et sera multiplié par trois d’ici 2050. En même temps, ses émissions représentent 3% du CO2 mondial et 11% de transport mondial, autrement dit autant que les avions. Devant ces chiffres il est urgent de trouver des solutions et les réglementations internationales s’y emploient puisque nous sommes censés, selon les accords de Paris, réduire de 50% la production de gaz à effets de serre d’ici 2050… Il faut donc insuffler l’élan vers un nouveau paradigme. Le fabricant de pneus de Clermont-Ferrand y travaille et a visiblement trouvé une solution !
« Maman les p'tits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ? Mais oui, mon gros bêta s'ils n'en avaient pas ils ne march'raient pas. » C’est sans doute une comptine que la trentaine des membres du projet WISAMO ont dû entendre étant jeunes. Pensez, limiter l’impact environnemental sur des navires marchands n’est pas une idée nouvelle. Chez Michelin la vision « tout durable » a trouvé écho dans ce projet à la fois fou et visionnaire.
Le projet WISAMO, c’est tout simple : il s’agit d’une aile gonflable, rétractable et automatisée, s'installant sur les navires marchands et de plaisance. Son nom est l’acronyme composé des 2 premières lettres des mots « Wing Sails » et « Mobility ». WISAMO est né d'une rencontre entre la Recherche & Développement Europe du groupe Michelin et deux inventeurs suisses. Avec eux, le skipper que le monde de la voile surnomme « le Professeur » Michel Desjoyaux, ne cache pas son enthousiasme : « Moi j’ai tout de suite craqué devant ce projet. C’est ça qu’il faut faire et j’aurai adoré être moi-même l’inventeur de ce système. » Le double vainqueur du Vendée globe a adopté cette aile sur son propre bateau afin d’aider à l’optimisation du projet. « Quand j’ai eu l’occasion de découvrir ce système-là, j’ai constaté qu’il cochait beaucoup de cases par rapport à d’autres systèmes qui ont plus d’inconvénients. WISAMO est déjà beaucoup plus abouti que des systèmes pourtant plus anciens. C’est un objet esthétique qui a d’ailleurs une certaine similitude de forme avec un petit bonhomme qui fabrique des pneus d’habitude ! Cette aile et adaptée à n’importe quel bateau qui voudrait utiliser l’énergie du vent.»
« On a une petite soufflerie à l’intérieur de l’aile qui permet de la mettre en forme. Du coup nous utilisons un mat télescopique. Une fois en forme elle prend le vent comme une aile d’avion. Avec, son profil, elle génère une force. Cette force nous nous en servons pour faire avancer le bateau. Tu veux prendre le vent, tu la gonfles. Tu veux rentrer au port ou passer sous un pont, tu la dégonfles. » précise Benoit Baisle-Dailliez. L’un des avantages importants par rapport à d’autres systèmes, c’est la robustesse de cette aile. Bruno Fragnière, l’un des ingénieurs du projet WISAMO explique : « L’aile est une structure gonflée. On obtient une double surface grâce à un gonflage à basse pression. Alors qu’une voile traditionnelle est une monosurface, la performance d’une aile est bien meilleure. »
L’aile utilise la propulsion du vent, énergie gratuite, universelle et inépuisable. Cette aile gonflable, au design révolutionnaire, permettra de diminuer la consommation de carburant et d’avoir ainsi un impact environnemental positif en réduisant les émissions de CO2. Conçue et développée par l’équipe projet WISAMO, elle pourra être installée sur la majorité des navires marchands et bateaux de plaisance. L’une de ses spécificités particulièrement intéressante réside également dans son système automatisé qui est indépendant et n’implique aucune main d’œuvre, ni connaissance de la navigation à voile. « Avec cette aile, il y a un côté « plug & play ». Ce système se débrouille tout seul. Le fait que l’aile soit gonflée d’air offre une caractéristique intéressante : le tissus utilisé est très peu sollicité mécaniquement, faisant d’elle un système particulièrement robuste. » indique Michel Desjoyaux.
Particulièrement adaptée aux rouliers, vraquiers, gaziers et pétroliers, cette aile pourra être installée au moment de la conception du bateau, en équipement d'origine, ou et c’est un enjeu majeur, en rétrofit sur un navire déjà opérationnel. Le rétrofit créé un potentiel commercial énorme et Michelin n’est pas là pour rien.
« Avec WISAMO nous hybridons l’énergie des bateaux. » poursuit Benoit Baisle-Dailliez. L’aile possède une large plage d'utilisation, notamment au "près" (lorsqu’on se dirige vers le vent de face), lui permettant d'avoir un spectre d'utilisation parmi les plus larges du marché. L’aile pourra être utilisée partout et permettra un gain en carburant pouvant aller jusqu'à 20% par navire.
Michelin annonce qu’un premier bateau de transport sera équipé courant 2022 et prévoit une industrialisation la même année, à la suite des phases de tests.
Ce projet WISAMO est une contribution de Michelin pour une mobilité maritime plus verte et respectueuse, en anticipation des réglementations à venir. C’est aussi pour le géant du pneu le moyen d’agir afin de réduire l’impact environnemental de sa chaine logistique. Au-delà de cet engagement, et dans la ligne de son plan stratégique, il faut savoir que le Groupe fonde depuis trois ans une partie de sa croissance sur le développement d’activités nouvelles. Le président du groupe, Florent Menegaux estime que plus d’un quart du chiffre d’affaires de Michelin se fera en dehors du marché des pneumatiques d’ici 2030.