Virtual Regatta, la course de voile depuis son canapé
Publié le 27/11/2023
Vous pensiez que les grandes courses au large, telles que La Route du Rhum, la Transat Jacques Vabre ou encore le Vendée Globe, étaient réservées aux skippers professionnels ? Eh bien, détrompez-vous. Avec Virtual Regatta, vous pouvez participer aux plus grandes courses de voile... du moins virtuellement ! Ce jeu de simulation de régate en ligne permet à tout un chacun de s’immerger dans les plus belles compétitions de voile, et ce, dans des conditions au plus proche du réel. Explications avec Thomas Gauthier, directeur des opérations.
Thomas Gauthier
Votre passion de la voile est sans doute la raison première de votre implication dans le développement de Virtual Regatta. Comment l’aventure V.R. a-t-elle débuté pour vous ?
Je suis un voileux depuis tout petit. Je passais mes week-ends et mes vacances sur le bateau à voile de mes parents. Depuis la Bretagne, on partait vers divers pays d’Europe. Ça m’a donné envie de continuer, j’ai donc commencé à faire un peu de régate avec des copains quand j’étais ado. On a acheté des bateaux à plusieurs, avec lesquels on a fait des circuits Coupe de France, Championnat du monde... Après des études pour être architecte naval, j’ai poursuivi dans une école de marine marchande à l’étranger et je suis finalement rentré en France, où j’ai rejoint la Marine Nationale, dans les sous-marins nucléaires d’attaque.
Pendant ce temps, j’ai continué de naviguer avec des copains. J’ai intégré l’équipage d’un bateau de course-croisière avec lequel nous participions à des courses comme la Rolex Fastnet Race ou la Middle Sea Race. C’est là que j’ai rencontré Philippe Guigné, le fondateur de Virtual Regatta (V.R.), qui m’a proposé de rejoindre sa société en tant que community manager à l’époque. J’ai donc participé à la construction de V.R. et j’ai évolué dans l’entreprise jusqu’à devenir directeur des opérations en 2021.
Pouvez-vous revenir rapidement sur la création du jeu ?
Philippe Guigné, un ancien régatier professionnel et passionné de voile, a fondé V.R. en 2006, qui s’appelait « Many Players » à l’époque : une entreprise de jeux multisports et multijoueur en ligne possédant de nombreuses licences comme les jeux officiels du Tour de France Cycliste, du Paris-Dakar, des 24 Heures du Mans...
Mais depuis le premier jeu de la Route du Rhum en 2006, puis avec le Vendée Globe en 2009, Virtual Regatta a eu pas mal de succès et a gagné en importance. En même temps, avec un passionné de voile aux commandes, c’était un peu le sens de l’Histoire ! En 2012, l’activité sur les jeux multisports s’est donc arrêtée pour devenir Virtual Regatta. Avec ce nouveau nom, nous prenions le parti de nous concentrer exclusivement sur la voile avec un seul objectif : proposer la meilleure simulation possible d’une course au large et ce, accessible à tous. L’idée du jeu étant que le spectateur d’un évènement devienne lui-même acteur et participant à la course.
Et c’est un peu ce qu’on arrive à faire maintenant avec nos partenaires de courses au large majeures, telles que la Transat Jacques-Vabre, le Vendée Globe, la Route du Rhum, et bien d’autres. Nous travaillons aujourd’hui avec quasiment tous les gros organisateurs. Le jeu est donc ouvert seulement sur certaines périodes, dans le même temps que les courses réelles. Cela étant, nous créons également des courses virtuelles, comme la course de Pâques ou d'Halloween : des formats d’environ une semaine de jeu, pour qu’il puisse y avoir une stratégie météo sur du moyen terme.
Les gagnants des courses reçoivent des lots qui varient en fonction des évènements. Cela peut être des goodies (vestes, casquettes...), des équipements nautiques (jumelles...) mais aussi des lots plus importants comme des montres de marque, une belle voiture sur l’évènement Volvo Ocean Race, ou encore un chèque de 10 000 dollars sur le eSailing World Championship.
Qu’a apporté le rachat de V.R. par 52 Entertainment en 2021 ?
Nous sommes restés une petite équipe d’une dizaine de personnes jusqu’en 2021, mais nous arrivions à un stade de l’évolution de l’entreprise où l’on n’avait plus la capacité de pouvoir nous développer seuls. Nous avions besoin de plus d’investissements et de ressources humaines pour structurer l’entreprise de manière plus solide.
Le défi était d’essayer de faire évoluer le jeu tout en restant un jeu très simple et accessible à tous. Mais pour cela, on a eu besoin d’experts. Donc en rejoignant l’équipe de 52 Entertainment, un leader du marché du jeu de cartes en ligne, nous sommes rentrés dans un environnement plus structuré, avec davantage d’indicateurs de performance et des capacités techniques supplémentaires.
Aujourd’hui, nous sommes donc une petite vingtaine, et on continue d’embaucher des profils techniques pour faire évoluer le jeu et le mettre au niveau des standards des jeux vidéo actuels.
Quelles sont les dernières grosses innovations du jeu ?
Pour l’instant, il n’y a pas grand-chose de visible, on a essentiellement travaillé sur le back-office du jeu, la refonte globale de l’interface d’administration et la gestion du jeu. Des évolutions majeures sont aussi en cours de développement, pour s’approcher des standards du jeu vidéo actuel.
Aujourd’hui, si la dimension de compétition (évènements, classement, outils communautaires, etc.) est bien présente dans V.R., nous n’avons pas encore la dimension de management qu’on retrouve par exemple dans des jeux de voiture, où un joueur peut gérer son parc de voitures avec son garage, se doter de nouveaux équipements... On s’inspire donc de ce modèle en travaillant sur une marina, qui sera le port de base du joueur, dans lequel il pourra être propriétaire de son ou ses bateaux, les équiper, changer les voiles, participer à plusieurs courses ou encore échanger ses bateaux avec d’autres joueurs.
Autre évolution notable cette année : notre système est désormais capable d’avaler des fichiers météo beaucoup plus précis qu’avant, avec un maillage beaucoup plus fin. Cette finesse météo rend le jeu plus intéressant car le calcul de déplacement des bateaux devient plus tactique. Et cela nous permet de proposer des parcours beaucoup plus courts, plus proches des côtes, et nous amène donc à créer de nouveaux partenariats pour faire des courses qui durent un week-end sur de courtes distances. Cela nous permet de diversifier notre offre et de nous challenger un peu.
Virtual Regatta en quelques chiffres
- 1 500 000 de joueurs actifs
- 1 million de joueurs connectés lors du Vendée Globe en 2020
- 193 pays représentés
- 13 classes de bateaux
Est-ce que cela veut dire qu’avec ces options, on va aller plus vers le payant ?
L’idée de départ de Virtual Regatta est gratuite. On peut participer à une course et la terminer en étant classé, sans avoir besoin de dépenser le moindre centime. Après, comme dans tous les jeux qui utilisent ce modèle-là, nous allons de plus en plus vers un modèle « freemium ».
Donc, un joueur fidèle qui joue régulièrement pourra cumuler une monnaie virtuelle au fil des courses, mais un joueur débutant qui veut arriver rapidement à un niveau avancé du jeu devra faire appel aux options payantes du jeu. Sur le dernier Vendée Globe par exemple, qui a duré trois mois, il y avait 3 joueurs dans les 20 premiers arrivés qui n’ont jamais dépensé un centime pour gagner.
Votre équipe intervient-elle durant les courses ?
Pendant une course, on essaie de se rapprocher des joueurs pour donner un peu d’actualité et s’adapter au mieux à ce qui se passe dans la compétition réelle. On est parfois amenés à modifier des parcours en fonction de ce qui se passe dans la vraie course : en fonction des conditions météo, il peut y avoir des modifications de parcours pour que les participants puissent arriver à l’heure dans le port d’arrivée, par exemple. Mais ce n’est pas toujours le cas.
Par exemple, le parcours de la dernière étape de la Solitaire du Figaro, en septembre, a été modifié dans la vraie vie, mais nous sommes restés sur le parcours initialement prévu, car c’était plus confortable pour la communauté de ne pas changer au dernier moment.
Sinon, une fois les premiers participants arrivés, nous intervenons dans le jeu pour les mettre sur le podium, leur transmettre des lots...
Le nombre de pratiquants a explosé ces dernières années. Comment expliquez-vous ce succès ?
C’est vrai que le jeu connaît un réel engouement, après, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un jeu événementiel, donc le nombre de joueurs va dépendre des périodes et des évènements. En termes de joueurs journaliers actifs, un mois de janvier sera très différent d’un mois de novembre, avec un départ de Vendée Globe, par exemple.
Je pense que ce qui fonctionne, c’est justement le fait d’être accessible à tous, sans forcément être navigateur. Notre volonté de partager notre passion de la voile avec le plus grand nombre a toujours été au cœur du jeu. Pour cela, il faut qu’on soit le plus simple et didactique possible. Nous avons quelques petits concurrents qui proposent un accès au jeu un peu compliqué, même pour des marins comme moi qui ont de bonnes notions de navigation.
Sur V.R., nous essayons de rendre les choses le plus simple et accessible possible, comme le changement de direction du bateau, l’automatisation des voiles, l’accès à des tutoriels, une interface très basique... Notre but est que des personnes qui ne sont pas familières avec les outils informatiques ou qui ne sont pas des gamers, puissent jouer facilement. C’est l’ADN de ce jeu et c’est pour cela qu’il marche aussi bien.
Si l’on compte un bon nombre de passionnés parmi vos joueurs, sont-ils pour autant tous navigateurs ?
Environ la moitié de nos joueurs sont pratiquants d’activités nautiques au sens large (pêche, surf, paddle, kite, voile...). La cible est différente en ce qui concerne Virtual Regatta Inshore qui n’est pas un jeu de course au large mais un jeu de régate, donc beaucoup moins accessible : environ 80 % des joueurs sont des régatiers.
Parmi les joueurs en ligne de V.R. Offshore, on retrouve aussi des skippers aguerris ?
Oui, il y a des skippers professionnels qui jouent ou qui ont joué de façon plus ou moins anonymes. Loïck Peyron ou Armel Le Cléac’h jouent de temps en temps, mais aussi François Gabart ou Samantha Davies, parmi les plus renommés.
Quand on les repère dans le jeu, on leur propose le statut de joueur certifié (un peu comme sur les réseaux sociaux), avec un macaron bleu pour confirmer leur identité derrière leur écran. Sur la dernière Solitaire du Figaro, le skipper Romain Bouyard, qui n’a pas pu prendre le départ suite à une côte cassée, a fait sa Solitaire sur V.R. et a partagé sa course en direct sur les réseaux sociaux.
Autre belle histoire, en 2020, la Transat AG2R, qui devait partir au moment du confinement, a été annulée pour raisons sanitaires. L’évènement a quand même eu lieu, exclusivement en virtuel. Les coureurs professionnels de la transat AG2R ont fait leur course dans un classement spécifique.
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Visuels : © Virtual Regatta / Nicolas Touzé
Sources et infos : VIRTUAL REGATTA SAS.